L'année ciné 2015 par ceux qui l'ont faite

L'année ciné 2015 par ceux qui l'ont faite

C'est notre tradition de fin d'année: pour la cinquième année consécutive, nous avons demandé aux personnalités du cinéma que nous avons interviewées dans l'année de nous parler de leur(s) film(s) préféré(s) de 2015. Sortis en salles, découverts en festivals, ou avec un peu de décalage, vous verrez que certains titres ont largement marqué les cinéphiles de la planète entière. Un certain nombre d'entre eux, occupés sur leurs propres films, ont jugé ne pas en avoir vu assez pour nous répondre. D'autres au contraire sont rentrés dans les détails avec générosité et passion. C'est aussi l'occasion, pour nous, de revenir sur ceux qui ont fait l'année 2015, et qui pour pas mal d'entre eux feront aussi la prochaine...

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Alanté Kavaïté, Summer

Cemetery of Splendour d'Apichatpong Weerasethakul. Parce qu’il permet un autre espace-temps, un état inconnu, mental et physique. Pour sa douceur infinie. En 2015, année terrible, ce film apaise et élève.
Mad Max : Fury Road de George Miller Pour son incroyable beauté désespérée. Pour la vitesse.
Frenzy de Emin Alper et Sunrise de Partho Sen-Gupta. Pour leur photo et leur bande son respectives et pour l’atmosphère hyper paranoïaque dans un brouillard glauque dans le premier, sous pluie infernale dans le second. Deux films magnifiques et toxiques, aux personnages masculins désorientés qui reflètent l’état actuel du monde.
Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, pour la mise en scène et le production design. Pour Katherine Waterston, également étonnante dans Queen of Earth.
Queen of Earth d’Alex Ross Perry, pour le montage de son crescendo dépressif.
Sense8 des Wachowski. Pour la scène de sexe où tous les personnages, hétéros et homos font l’amour ensemble par télépathie. Mais aussi pour les plus belles filles du monde : Doona Bae et Jamie Clayton pour n’en citer que deux, avec un immense coup de cœur pour cette dernière.
Une jeunesse allemande de Jean-Gabriel Périot. Pour son intelligence du récit, pour son actualité : comment on en vient aux armes ?
Bob and the Trees de Diego Ongaro. Pour la fascinante immersion dans un monde qui m’est à priori étranger (mais en fait, non) – les bûcherons de Massachussetts par – 20° C.
Vers l'autre rive de Kiyoshi Kurosawa. Pour la mise en scène des corps dans le cadre. Pour son utilisation des lumières, théâtrale et signifiante.

• Second long métrage de la réalisatrice Alanté Kavaïté, Summer a été sélectionné à la Berlinale et a reçu le prix de la mise en scène à Sundance avant de sortir en France cet été. Alanté Kavaïté a co-écrit le nouveau Lucile Hadzihalilovic, Evolution, qui sort le 16 mars 2016.
Notre entretien avec Alanté Kavaïté
Notre critique de Summer

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Bi Gan, Kaili Blues

The Assassin de Hou Hsiao-Hsien est mon film préféré cette année. Je l'ai déjà vu trois fois. La mise en scène traduit parfaitement la conduite de ces anciens assassins, aux mouvements calmes et contenus mais avec un sens aigu de la vision et de l'ouïe. Parfois immobiles comme des arbres, parfois aussi vifs qu'un lapin en pleine course.

Kaili Blues a été primé au Festival de Locarno puis a remporté la Montgolfière d'or au Festival des 3 Continents. Il sera distribué en France le 24 février 2016 par Capricci.
Notre entretien avec Bi Gan
Notre critique de Kaili Blues

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Hirokazu Kore-Eda, Notre petite sœur

Cette année j'ai été très occupé par mes propres projets donc je n'ai pas eu le loisir de voir autant de films que je le souhaitais, mais parmi ceux qui m'ont le plus marqué, je citerais : Sils Maria d'Olivier Assayas, Boyhood de Richard Linklater, Her de Spike Jonze et Whiplash de Damien Chazelle.

• Sélectionné en compétition à Cannes, Notre petite sœur est actuellement dans les salles françaises.
Notre entretien avec Hirokazu Kore-Eda
Notre critique de Notre petite sœur

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Veronika Franz & Severin Fiala, Goodnight Mommy

En ce qui concerne le meilleur film de l'année, Veronika et moi-même nous sommes rapidement mis d'accord : il s'agit de Love & Peace de Sono Sion, qui nous a époustouflés. C'est un film qui parvient à être à la fois déchirant et complètement barge. C'est un conte de fées extrêmement imaginatif, à la fois moderne et intemporel, qui parvient sans kitsch à énoncer des vérités sur l'existence : sur le fait de blesser les gens pour avoir une carrière, sur l'amour et la solitude, sur le Père Noël et sur la célébrité. Et, cerise sur le gâteau, sur les tortues qui chantent. J'ai également vu et adoré Tag, mais comme Veronika ne l'ai pas vu, notre réponse est Love & Peace.

Goodnight Mommy, premier long métrage de Veronika Franz et Severin Fiala, a été produit par Ulrich Seidl. Ce film doublement primé au Festival de Gérardmer représente l'Autriche aux Oscars. Il est disponible en dvd édité par Luminor et KMBO.
Notre entretien avec Veronika Franz & Severin Fiala
Notre critique de Goodnight Mommy

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Jang Jin, Man on High Heels

Je citerais Mad Max : Fury Road de George Miller.

• Jang Jin a été l'invité d'honneur du cycle Séoul Hypnotique au Forum des Images. Son film Man on High Heels sera distribué courant 2016 par Zootrope.
Notre entretien avec Jang Jin
Notre critique des Man on High Heels (en salles courant 2016)

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Sarah Adina Smith, The Midnight Swim

Krisha de Trey Edward Shults est un de mes films préférés de 2015. C'est un film très personnel et cru, mais raconté de façon habile et réfléchie. J'ai également adoré Creep de Patrick Brice, un petit film d'horreur à l'efficacité surprenante. Et il y a aussi Lamb de Ross Partridge, qui est si subtil et retenu qu'il fait vaciller votre propre morale. Je l'ai déjà vu trois fois sans être sûre de tout ce que je ressens pour cette histoire.

• Dévoilé au Festival Fantasia de Montréal, l'une des principales manifestations mondiales consacrées au cinéma de genre et plus particulièrement au cinéma fantastique, The Midnight Swim est visible sur iTunes.
Notre entretien avec Sarah Adina Smith
Notre critique de The Midnight Swim

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Mitchell Lichtenstein, Angelica

Il y a trois films qui sont restés gravés dans ma tête depuis que je les ai découverts en festivals cette année. S'ils partagent un point commun (hormis leur excellence), c'est qu'ils ouvrent chacun une porte vers une culture et des communautés méconnues (en tout cas par moi) en Albanie, dans la France rurale et l'Indonésie : Vierge sous serment de Laura Bispuri, Les Cowboys de Thomas Bidegain et The Look of Silence de Joshua Oppenheimer, le pendant du tout aussi incroyable The Act of Killing.

Angelica est le nouveau film fantastique de Mitchell Lichtenstein, révélé il y a quelques année avec Teeth. Ce film a été dévoilé lors de la Berlinale.
Notre entretien avec Mitchell Lichtenstein
Notre critique de Angelica

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Laura Bispuri, Vierge sous serment

Je dirais Bella e perduta de Pietro Marcello. C'est un film italien, mais ce n'est pas pour cela que je le cite !

Vierge sous serment, premier long métrage de l'Italienne Laura Bispuri, a été sélectionné en compétition lors de la dernière Berlinale. Il sortira en dvd en mars 2016.
Notre entretien avec Laura Bispuri
Notre critique de Vierge sous serment

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Malgorzata Szumowska, Body

Je mentionnerais deux films. L'un est Ixcanul de Jayro Bustamante, qui a été primé à la dernière Berlinale. C'est un film à la fois simple, extraordinaire, puissant, et ça n'est qu'un premier long métrage ! J'attends beaucoup de ses prochains films et je pense qu'il peut être retenu aux Oscars cette année. L'autre est Spectre ! Un tel spectacle, intelligent et drôle avec un sens de l'ironie et de la distance. Visuellement c'est formidable. C'est difficile de trouver des exemples de films commerciaux aussi réussis et Spectre fait partie de ces exceptions.

Body a remporté le prix de la mise en scène à la Berlinale. Ce long métrage reste sans distributeur en France.
Notre entretien avec Malgorzata Szumowska
Notre critique de Body

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Jayro Bustamante, Ixcanul

600 miles de Gabriel Ripstein. J'ai beaucoup aimé le film mais au-delà de ça, j'admire aussi tout ce mouvement qui est en train de se créer dans le nouveau cinéma mexicain, comme les films de Michel Franco, que j'aime aussi beaucoup : Chronic ou Despues de Lucia.

• Premier long métrage du Guatémaltèque Jayro Bustamante, Ixcanul, primé dans la compétition de la Berlinale, est actuellement dans les salles françaises.
Notre entretien avec Jayro Bustamante
Notre critique de Ixcanul

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Lisa Takeba, Haruko's Paranormal Laboratory

Pour moi, les deux meilleurs films de 2015 sont Night Call de Dan Gilroy de et Kingsman: services secrets de Matthew Vaughn. Leur vision du monde, leur sens du rythme et leurs acteurs sont époustouflants !

• Second long métrage de la Japonaise Lisa Takeba après The Pinkie, Haruko's Paranormal Laboratory a été sélectionné en compétition lors du Festival de Rotterdam.
Notre entretien avec Lisa Takeba
Notre critique de Haruko's Paranormal Laboratory

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Uisenma Borchu, Don't Look at Me That Way

Je n'ai pas vu beaucoup de films cette année mais j'ai beaucoup lu de livres. Et je pourrais vous dire que le meilleur film de l'année, je l'ai vu dans La Force de l'âge de Simone de Beauvoir, plus particulièrement dans la partie consacrée à son histoire personnelle. La manière dont elle s'est sentie déprimée et seule dans cette prison qu'était Paris durant la Seconde Guerre Mondiale. Je me suis questionnée sur le lien entre cette histoire, et ce qui se passe aujourd'hui.

• Premier long métrage de la réalisatrice allemande d'origine mongole Uisenma Borchu, Don't Look at Me That Way a remporté le prix Fipresci au Festival de Munich où il a fait sa première mondiale.
Notre entretien avec Uisenma Borchu
Notre critique de Don't Look at Me That Way

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Akiko Stehrenberger, illustratrice et conceptrice d'affiches

Ex Machina d'Alex Garland. J'ai été surprise par ce film qui a déjoué toutes mes attentes. Sa promotion promettait un thriller SF rempli d'action. Mais il s'agit surtout de cinéma d'auteur qui s'exprime à travers la SF. J'ai beaucoup aimé cela. Je citerais également Le Faussaire de Sam Cullman, Jennifer Grausman et Mark Becker. Je suis tombée sur ce documentaire au T/F Film Festival. C'est un excellent film, c'est pour ainsi dire impossible d'écrire de meilleurs personnages, on est à fond avec eux et le résultat n'est jamais ennuyeux. J'ai été très honorée lorsque Oscilloscope Laboratories m'a demandé de réaliser son affiche.

• Akiko Stehrenberger a notamment illustré cette année l'affiche américaine de It Follows.
Notre entretien avec Akiko Stehrenberger
Une sélection d'affiches réalisées par Akiko Stehrenberger

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Zhao Liang, Behemoth

Je pense à trois films : The Lobster de Yorgos Lanthimos, Cemetery of Splendour d'Apichatpong Weerasethakul et Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence de Roy Andersson.

Behemoth a été sélectionné en compétition à la Mostra de Venise. Il a depuis été primé plusieurs fois en festivals et reste sans date de sortie française.
Notre entretien avec Zhao Liang
Notre critique de Behemoth

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Rania Attieh & Daniel Garcia, H.

Les deux films qui nous sont restés en tête sont It Follows de David Robert Mitchell et The Lobster de Yorgos Lanthimos. On a adoré ces deux films pour des raisons voisines : pour leur originalité et leur audace, pour leur approche unique de leurs genres respectifs. Ils soulignent le fait que lorsque des réalisateurs prennent des risques – et c'est clairement le cas ici – on leur doit le respect. Peu importent les possibles défauts : c'est ça, avant tout, qu'il faut louer. C'est tout ou rien - go big or go home. On préfère voir un film imparfait tenter quelque chose de vraiment spécial qu'un film parfait qui passe son temps à jouer la sécurité.

• Nommé aux Spirit Awards et sélectionné à la Berlinale, H. est le second long métrage de Rania Attieh & Daniel Garcia.
Notre entretien avec Rania Attieh & Daniel Garcia
Notre critique de H.

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Stefan Haupt, Le Cercle

Quatre films suisses : un film que j'ai vu il y a quelques jours et qui est Yes No Maybe. Ce film sur l'amour m'a vraiment touché, parce qu'il nous laisse beaucoup de temps pour penser à nos propres relations et notre façon d'essayer de vivre l'amour…! Je citerais également Amateur Teens qui est une recherche sur les jeunes d'aujourd'hui et leur recherche de vivre la vie - et l'amour, Electro Boy, à l'histoire et au montage bouleversant et enfin Heimatland, un film sur notre amère patrie, une affrontement de dix jeunes cinéastes suisses avec notre patrie.

• Lauréat du Teddy Award, Le Cercle est sorti en France début 2015 et est désormais disponible en dvd édité par Outplay.
Notre entretien avec Stefan Haupt
Notre critique du Cercle

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Prune Engler, déléguée générale du Festival de la Rochelle

Voici les films vus cette année (scolaire) qui m’ont vraiment frappée parmi les centaines que j’ai été amenée à visionner : Eau argentée, le documentaire syrien d'Ossama Mohammed et Wiam Simav, Don’t think I’ve forgotten, documentaire cambodgien de John Pirozzi, La Sapienza d'Eugène Green, la redécouverte Spetters de Paul Verhoeven et Cemetery of Splendour d'Apichatpong Weerasethakul. Et surtout, la DÉCOUVERTE d’un immense cinéaste philippin, Lav Diaz, dont je viens de voir Norte, la fin de l'histoire, Death in the Land of Encantos (mon préféré) et From What is Before.

• Prune Engler est la déléguée générale du Festival de la Rochelle qui a fêté sa 43e édition cet été.
Notre entretien avec Prune Engler

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Sean Baker, Tangerine

J'ai adoré The Revenant d'Alejandro Gonzalez Inarritu pour son ambition. Assister à un film pareil m'incite à voir plus grand pour mes prochains films. J'ai adoré également James White de Josh Mond, Court de Chaitanya Tamhane et The Smell of Us de Larry Clark. Ces films portent clairement la signature de leur réalisateur. En ce qui concerne le cinéma plus mainstream, Kingsman: services secrets de Matthew Vaughn, c'était génial et super bien fait.

• Dévoilé au Festival de Sundance, primé à Deauville et 4 fois nommé aux prochains Spirit Awards, Tangerine sort le 30 décembre en France.
Notre entretien avec Sean Baker
Notre critique de Tangerine

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Beata Gårdeler, Flocking

Je ne crois pas au concept du top donc je ne peux pas vous en faire un. Mais il y a un film que j'ai vu trois fois au cinéma cette année (dont une fois dans l'avion), et c'est Leviathan de Andrei Zviagintsev. Il reste en moi et il a en lui quelque chose d'universellement humain. Il y a tout dans ces 2h20 : la tristesse, l'humour, le drame, le propos politique et tout cela d'une manière unique. Je déteste utiliser le mot « génie » parce que je n'y crois pas non plus. Mais j'ai adoré ce film.

Sinon, il m'est difficile de voir d'autres films quand je travaille sur les miens. Alors je regarde surtout des documentaires, des vidéos Youtube et du sport. Et ce que je retiens parfois, c'est autant le film que les conditions dans lesquelles on a vécu ensemble la séance. Pendant un festival au Zimbabwe où toutes les séances étaient gratuites, j'ai vu le Between Rings de Jessie Chisi et Salla Sorri. C'était projeté dans une salle de conférence avec des bancs en bois, remplie à ras-bord et très chaleureuse. Le film fait le portrait de d'Esther Phiri et raconte son combat pour sortir du bidonville et devenir la plus grande athlète de Zambie. C'est un symbole d'indépendance féminine qui parvient à être complexe et touchant sans être sentimentaliste. J'aimerais enfin recommander le court métrage Cat Walk de Ninja Thyberg (la réalisatrice de Pleasure). C'est une réalisatrice suédoise talentueuse qui traite habituellement de thèmes tels que le corps, la sexualité et le pouvoir.

Flocking est le premier long métrage de la Suédoise Beata Gårdeler. Il a remporté le Crystal Bear à la Berlinale, dans la section Génération.
Notre entretien avec Beata Gårdeler
Notre critique de Flocking

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Patricio Guzman, Le Bouton de nacre

J'aime beaucoup la science-fiction, et je suis très impatient de voir Seul sur Mars, c'est un film qui m'attire beaucoup ! (Cette réponse a été recueillie avant la sortie de Seul sur Mars, ndlr) Je n'arrête pas de voir des affiches partout, et il y a quelques jours j'étais à Londres, c'était pareil. J'ai rarement le temps de voir des films en salles, en revanche je reçois beaucoup de dvd. Je suis de très près l'actualité de mes camarades réalisateurs de documentaires : Frederick Wiseman, Mariana Otero, Julie Bertucelli... Il y a beaucoup de documentaristes intéressants en France, et je suis amie avec eux tous ! Et comme j'ai un grand écran plasma, je peux admirer leurs films. Je reçois aussi d'énorme paquets de dvd de l'Académie à Hollywood.

• Primé à la Berlinale, Le Bouton de nacre est actuellement dans les salles françaises.
Notre entretien avec Patricio Guzman
Notre critique du Bouton de nacre

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Natacha Missoffe, éditrice à Ed Distribution

La question qui tue. Personnellement, j’ai adoré le 1er volet des Mille et une nuits de Miguel Gomes (je n’ai pas vu les autres...). Je me suis dit “voilà un film comme je n’en ai jamais vu”. C’est tellement rare d’être étonné, et en bien ! Et The Rose de Mark Rydell, qui est une reprise, mais qui m’a fait vibrer. Et aussi à l’ACID à Cannes, De l’ombre il y a. Celui-là, quand il sortira, ne le loupez pas.

• Natacha Missoffe, éditrice à Ed Distribution, vient de sortir en salles La Chambre interdite, nouveau film de Guy Maddin.
Notre entretien avec Natacha Missoffe
Notre critique de La Chambre interdite

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Guy Maddin, La Chambre interdite

Je n'ai pas vu beaucoup de films cette année – quel cauchemar quand un réalisateur n'a pas le temps d'aller au cinéma. Argh. Mais j'ai vu un vieux film qui change la vie, Cuadecuc, Vampir de Pere Portaballa. Il est visible sur Youtube. Il s'agit d'une approche tout à fait radicale du making-of documentaire, ici Portaballa sur le tournage des Nuits de Dracula par Jess Franco avec Christopher Lee. Portaballa a simplement braqué sa caméra sur les acteurs de Franco et a réalisé sa propre version du film, mais sans avoir à payer les décors, les accessoires, les acteurs. Il n'a probablement même pas payé la cantine. De temps à autres, il fait même jouer les scènes par l'équipe technique et il n'a pas engagé de technicien du son, juste un designer sonore, Carles Santos, qui a produit un incroyable paysage sonore. C'est tellement étrange, drôle et c'est fabuleux, fabuleux, fabuleux ! J'ai tellement adoré ce film !

• Nouveau film de Guy Maddin, La Chambre interdite est actuellement dans les salles françaises.
Notre entretien avec Guy Maddin
Notre critique de La Chambre interdite

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Amel Lacombe, distributrice à Eurozoom

Quand on pose à un distributeur la question de son film préféré de 2015, la décence et l’humilité voudrait qu’il ou elle parle des films sortis par d’autres… Mais compte tenu de la dureté du marche, j’aimerais en profiter pour donner une 2eme chance a un film que nous avons sorti cet été et qui méritait bien plus que les 25.000 entrées réalisées à ce jour : Aferim de Radu Jude, Ours d’Argent à la Berlinale. Ce film en scope, noir et blanc et tourné à la manière d’un western crépusculaire a été pour moi la plus forte des expérience de cinéma de l'année (et même depuis plus longtemps que ça). Au-delà de la proposition visuelle, le film revient aux racines du racisme européen au 19ème siècle, et par un étrange raccourci nous ramène à la situation de l’Europe de 2015, ravagée par la peur de l’autre, le Rom, le migrant, l’Arabe, le Noir… En tant qu’agent culturel et simple citoyenne soucieuse du vivre ensemble, j’aurais aimé que ce film touche plus de monde, et démontre par l’absurde et la caricature que le racisme et la xénophobie ne sont pas des solutions.

Et puis je voudrais revenir sur deux films de 2015 qui ne sont hélas jamais sortis au cinéma en France, du fait de la vision complètement biaisée qu’ont les vendeurs américains sur le marché français : Rosewater de Jon Stewart et 99 Homes de Ramin Bahrani. Ces 2 films, que nous avons vus à Toronto en 2014, bien que différents par leur sujets, leur réalisation et leur parcours, ont tous les deux souffert du syndrome du "MG délirant". En effet, la notoriété de Jon Stewart et de Gael Garcia Bernal d’un coté, de Andrew Garfield dans l’autre, ont induit de la part du vendeur une valorisation des droits français complètement délirante (plusieurs centaines de KE) eu égard à la cible de ces deux films et à leur potentiel sur le marché français. A ce niveau de MG, seule un poignée de distributeurs indépendants français peuvent s’aligner et la sagesse voudrait qu’après deux marchés (DISON TIFF et AFM dans ce cas précis), les vendeurs commencent à accepter des offres plus réalistes. Hélas ils campent souvent sur leurs positions, pensant toujours dénicher le gogo idéal et refusant de voir la réalité du marché français du cinéma indépendant. Ils laissent le temps passer, la sortie US se faire et avec elle le flot de streaming et téléchargements illégaux, finissant d’assécher le potentiel du film sur le territoire. Résultat, les films ne valent plus rien pour la salle et c’est comme ça qu'on se retrouve au mieux avec un film primé à Deauville mais qui ne sortira qu’en VOD (99 Homes), ou pire avec un film qui restera totalement invisible de manière légale en France (Rosewater). Alors je fais ce vœu qu’en 2016, les vendeurs internationaux puissent être plus sages et ne tuent pas la poule aux œufs d’or. ;)

• Le film d'animation belge Cafard, distribué par Eurozoom, est actuellement dans les salles françaises. Le drame britannique Hector, également distribué par Eurozoom, sort le 30 décembre.
Notre entretien avec Amel Lacombe

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Radu Jude, Aferim !

Parmi les films récents que j'ai pu voir, j'ai admiré Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan et Out-takes from the Life of a Happy Man de Jonas Mekas. En ce qui concerne le cinéma roumain, la meilleure chose qui soit arrivée n'est pas un film, mais le combat mené par les critiques de cinéma et universitaires Andrei Rus et Andrei Gorzo, aidés par un certain nombre d'étudiants, pour garder vivant le magazine Film Menu (qui, bien qu'il s'agisse d'une parution étudiante, est le seul magazine du genre important et sérieux qui ait existé dans notre pays). Ce combat était aussi une opposition à la direction corrompue et dysfonctionnelle du National Film and Theatre School.

• Radu Jude a reçu le prix de la mise en scène à la Berlinale pour Aferim qui est sorti et été en France et vient d'être édité en dvd par Eurozoom.
Notre entretien avec Radu Jude
Notre critique de Aferim

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Flora Lau, Bends

L'un de mes films préférés de l'année est le long métrage brésilien Une seconde mère d'Anna Muylaert. Le film débute par le portrait de Val, qui représente un peu la domestique-type, et qui entretient une bonne relation avec la famille qui l'emploie. Mais lorsque sa fille, dont elle est éloignée depuis longtemps, resurgit dans sa vie, le film devient une histoire de conflit entre elles deux. L'apparition de Jessica apporte une autre perspective et met en lumière des valeurs différentes, ce qui perturbe la dynamique entre Val et la famille. Jessica permet de révéler la discrimination dont Val est victime, et permet également à sa mère de se libérer. Le style naturaliste et le grand talent des actrices sont les atouts de cette histoire complexe dans le Brésil d'aujourd'hui.

• Premier long métrage de la Hong-Kongaise Flora Lau, Bends a d'abord été sélectionné à Un Certain Regard avant de sortir dans les salles françaises.
Notre entretien avec Flora Lau
Notre critique de Bends

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Vincent Garenq, L'Enquête

Mon roi de Maïwenn: de l'art de raconter pendant 1h45 un couple qui se déchire et ne jamais ennuyer. Les acteurs sont au top, dans une belle énergie qui flirte avec l'improvisation. Vincent Cassel est éblouissant. Maïwenn apporte un souffle nouveau au cinéma et à la direction d'acteur.

• Adapté du scandale de l'affaire Clearstream, L'Enquête a réuni 300.000 spectateurs en salles.
Notre entretien avec Vincent Garenq
Notre critique de L'Enquête

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Ahn Gooc-Jin, Alice in Earnestland

Le meilleur film que j'ai vu cette année est Mad Max : Fury Road de George Miller. Les scènes d'action avec un minimum de CGI, les personnages charmants, la musique et cette vision du monde, tout cela c'est remarquable. Mais c'est cette expérience basique de pur cinéma qui m'a bluffé. On sent que le réalisateur adore le cinéma. En voyant Mad Max : Fury Road, je me suis demandé ce qui constituait un bon film pareil. Je suis à la fois envieux et extrêmement admiratif de ce réalisateur expérimenté qui a tourné le plus stylé et progressiste des films d'action.

• Couronné au Festival de Jeonju, Alice in Earnestland a ensuite obtenu un solide succès d'estime en Corée. Ce premier long métrage de Ahn Gooc-Jin a été montré en France au Festival du Film Coréen à Paris.
Notre entretien avec Ahn Gooc-Jin
Notre critique de Alice in Earnestland

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Julia Kowalski, Crache cœur

Mad Max : Fury Road de George Miller pour son mouvement perpétuel.
It Follows de David Robert Mitchell pour sa scène d'ouverture (et aussi pour le géant qui franchit la porte en enjambant la copine, qui m'a fait hurler de peur).
Mia madre de Nanni Moretti parce qu'il m'a profondément émue et parce que j'y ai vu ce que j'ai récemment vécu avec mon père.
Citizenfour de Laura Poitras parce qu'Edward Snowden est un véritable héros des temps modernes.
The Assassin de Hou Hsiao-Hsien pour son montage, et particulièrement celui des scènes d'actions, furtives, magiques et tellement efficaces.
Le Lendemain de Magnus von Horn pour la précision de sa mise en scène, et pour la scène où le père va chercher son fils sur le terrain de foot, intégralement filmée au travers d'un pare-brise.
Et deux redécouvertes : Sorcerer de William Friedkin pour le beau tuning des camions et pour sa narration haletante et Ręce do góry (Hands Up!) de Jerzy Skolimowski pour son surréalisme et sa portée politique sans concession.

• Découvert à Cannes dans la sélection de l'ACID, Crache cœur de Julia Kowalski sortira le 17 février 2016.
Notre entretien avec Julia Kowalski
Notre critique de Crache cœur

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Sabrina Jäger, Hier Sprach Der Preis

Quatre films me viennent à l'esprit. Le court métrage Helikopter Hausarrest de Constantin Hatz, montré au Cinéma du Réel, dont j'apprécie particulièrement le scénario intimiste. La relation entre la mère et son fils emprisonné est sincère et offre au spectateur un regard très profond. Il y a aussi le documentaire No Lullaby d'Helen Simon, un film là aussi profond et intense sur l' enfance victime d'abus sexuel. Ce film montre de façon très artistique, avec un vrai travail sur les couleurs, la lumière et les ombres, comment ce traumatisme a détruit une famille. Le documentaire Private Revolutions: Young, Female, Egyptian d'Alexandra Schneider est consacré aux jeunes Égyptiennes qui se sont battues contre la situation politique de leur pays. C'est un point de vue différent sur la révolution arabe. Le film raconte des histoires qui n'ont pas été traitées par les médias : celles de femmes prises entre leur engagement politique et un environnement patriarcal et traditionnel. Enfin, je citerais le documentaire When It Blinds, Open Your Eyes de Ivette Löcker, sur un couple de Russes héroïnomanes qui savent que leurs jours sont comptés et tentent d'en tirer le meilleur. C'est un portrait très personnel de deux personnes qui ne s'en sont pas sorties durant les récents bouleversements de la Russie.

• Le documentaire Hier Sprach der Preis a été primé au dernier Festival Cinéma du Réel.
Notre entretien avec Sabrina Jäger
Notre critique de Hier Sprach Der Preis

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Dimitri Ianni, programmateur du Festival Kinotayo

Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi, doublement primé à Locarno et qui fera sans doute date. C'est un film remarquable pour l'ambition, la richesse et la densité de son récit, parfaitement construit. Pour la complexité et la diversité de ses personnages, sans oublier la qualité du jeu de ses actrices (toutes non professionnelles) et sa mise en scène épurée mais limpide. C'est un film d’une modernité très eustachienne pour le rôle et la place unique qu'il accorde à la parole.

• Dimitri Ianni fait partie de l'équipe programmation du Festival de Kinotayo. Le Festival Kinotayo, consacré au cinéma japonais contemporain, a fêté cette année sa 10e édition.
Notre entretien avec Dimitri Ianni

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Ryusuke Hamaguchi, Happy Hour

Je choisirais No Home Movie de Chantal Akerman. Je l'ai vu à Locarno et c'était mon premier Akerman. Ce film m'a conforté dans l'idée et même convaincu que ce qu'il y a autour de nous, au plus près, peut donner un grand film. J'ai été naturellement très choqué par l'annonce de son suicide. La vision de ce film puis, peu de temps après, la mort de sa réalisatrice m'ont déstabilisé. Et cette confusion, elle est à mes yeux essentielle pour filmer. Alors j'aimerais remercier Chantal Akerman de m'avoir laissé dans cet état.

• Doublement primé à Locarno, Happy Hour a également reçu la Montgolfière d'argent au Festival des 3 Continents ainsi que le prix du public. Il vient de sortir au Japon.
Notre entretien avec Ryusuke Hamaguchi
Notre critique de Happy Hour

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Dossier mis en ligne le 20 décembre 2015.

Un grand merci à tous ceux qui nous ont aidés à réaliser ce dossier.

Nos autres interview de l'année
L'année ciné 2014 par ceux qui l'ont faite
L'année ciné 2013 par ceux qui l'ont faite
L'année ciné 2012 par ceux qui l'ont faite
L'année ciné 2011 par ceux qui l'ont faite

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par Nicolas Bardot

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