Entretien avec Rania Attieh et Daniel Garcia

Entretien avec Rania Attieh et Daniel Garcia

Fable de SF apocalyptique, H. est l'un des ovnis de la Berlinale. Rania Attieh et Daniel Garcia racontent en parallèle les histoires de deux femmes, de leur rapport à la maternité et du passage d'une comète qui va bouleverser leurs vies. Les cinéastes nous en disent un peu plus sur cette pépite poétique présentée au Forum...

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Quel a été le point de départ de H. ?

Rania: Il y a deux ans, alors que je voyageais en Amérique du sud, je me suis retrouvée dans une boutique de jouets spécialisée dans les antiquités et les pièces de collections, et je suis tombée sur un objet inattendu. Il y avait dans la vitrine quelque chose qui ressemblait à un vrai bébé, à un bébé vivant. Je me suis approchée, et j'ai été stupéfaite de voir qu’il s'agissait d'une poupée. J'ai fait des recherches, et j'ai découvert avec fascination le monde de ces poupées « reborn ». Quand j’ai partagé ma découverte avec Daniel, il a lui aussi été subjugué.

On voulait absolument écrire un film centré sur un personnage lié à cette culture-là, mais on s’est également vite rendu compte qu'on voulait faire un film sur deux femmes. C'est comme cela que nous avons développé ces deux histoires parallèles. Nous voulions que ces deux femmes soient d’âges différents, vivent dans des quartiers différents, mais que chacune ait une relation plus forte avec son bébé qu’avec son compagnon. Le tout avec en toile fond cette idée toute simple : quelque chose tombe du ciel. La plupart des événements décrits dans H. sont plus ou moins basés sur des faits réels dont nous avons été témoins, ou que nous avons découverts sur internet : l’explosion de la météorite, les poupées ultra-réalistes, la grande tête de statue qui flotte sur l’Hudson… Ces événements possèdent une part d’absurdité, mais c’est un sentiment qui fait aussi partie de la vie.

Il y a dans H. une atmosphère apocalyptique, mais également une approche minimaliste. Comment avez-vous travaillé cet équilibre surprenant ?

Dès le départ, notre intention était de faire un film de SF mais à notre sauce. Plutôt que de créer un univers chaotique de film catastrophe, nous avons voulu instaurer l’angoisse et l’inconfort à travers des éléments quotidiens. Et tant pis si toutes les questions n’ont pas de réponse à la fin du film. Même si ces événements étranges sont improbables, nous tenions à ce qu’ils restent crédibles, pour en faire des moments de malaise. L’une des questions soulevée par le film est : qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui relève de l’imagination collective, d’une hystérie de masse à petite échelle si vous préférez. L’écriture a également été influencée par nos finances. Nous avions un tout petit budget, et nous avons dû adapter nos idées en fonction de cela. C’était une sorte d’exercice pratique d’économie : essayer d’en obtenir le plus possible pour notre argent.

Le film est visuellement très puissant et poétique. Aviez-vous des références à l’esprit, cinématographiques ou non ?

Nous ne serions pas capables de citer des exemples précis ou spécifiques, mais avec le recul, je dirais qu'il y a une touche de Kubrick dans le film. Peut-être aussi un écho du Halloween de Carpenter, et du Mepris de Godard. Un peu de glitch art vu sur internet, et probablement quelques photos de Gregory Crewdson. Nous voulions surtout que le film ait un aspect propre et raffiné. C’était ça notre vrai point de départ.

Pouvez-vous nous parler de l’utilisation que vous faites de la musique d’Arvo Pärt, et du rôle important qu’elle joue dans l’atmosphère du film ?

Dès l’écriture du scénario, la musique d’Arvo Pärt, et Tabula Rasa en particulier, a pris une très grande place, tout simplement parce que c’était la seule chose que nous voulions écouter. Ça a été notre musique de fond permanente, c’était presque comme si nous étions mariée avec elle, et par conséquent, elle est entrée dans l’inconscient du scénario. Au moment du montage, nous avons trouvé logique d’utiliser cette même musique. Nous ne pouvions plus lutter contre la relation évidente qu’il y avait entre le film et cette musique, ou du moins nous ne souhaitions plus lutter.

Avez-vous des projets en préparation ?

Il y a beaucoup de projets que nous aimerions concrétiser. Certains sont plus conséquents que d’autres, mais tous contiennent des idées qui nous passionnent. Nous travaillons par exemple depuis longtemps autour d'une comédie noire et absurde sur la folie de la vie quotidienne à New York, et qui se passe pendant le pic de l’invasion de punaises de lits. Nous pensons également à un thriller mystérieux dans les Chutes du Niagara. Mais pour l’instant, nous attendons surtout de voir quelle va être la carrière de H., et quelles rencontres vont en découler. Après tout, l’ordre de concrétisation de ces projets va dépendre de ce qu’on nous donnera comme ressources, si vous voyez ce qu’on veut dire.

Entretien réalisé le 6 février 2015. Un grand merci à Matthew Thurm.

par Nicolas Bardot

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