Babylon

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Babylon
États-Unis, 2022
De Damien Chazelle
Scénario : Damien Chazelle
Avec : Brad Pitt, Margot Robbie
Photo : Linus Sandgren
Durée : 3h02
Sortie : 18/01/2023
Note FilmDeCulte : **----
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Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

FARRELLY BROS' ONCE UPON A TIME IN HOLLYWOOD

Dès le début, en l'espace de 5 minutes de film, le spectateur se fait chier dessus et pisser dessus et le ton est donné, à plus d'un titre. Propulsé au firmament de l’industrie en quelques films à peine, Damien Chazelle nous avait laissé sur le terrassant First Man. Pour son nouvel opus, le jeune cinéaste s’attaque à un gros morceau : Hollywood. Et le cinéma. Si la bande-annonce attisait les craintes de voir un étalage luhrmannien du plus mauvais effet, le produit fini est bien plus embarrassant. Si l'on retrouve l'hystérie propre au cinéaste australien susmentionné, Babylon ressemblerait plutôt à un Once Upon A Time in Hollywood où la transition serait celle du muet au parlant mais avec le traitement d'un Loup de Wall Street, pour l'illustration sans fard des excès de l'époque et du milieu, mâtiné de Boogie Nights, avec notamment une scène clairement inspirée de la séquence de deal avec Alfred Molina. En moins bien, évidemment. Chazelle ne se réclame pas ouvertement de ces modèles, mais on y pense inévitablement (Margot Robbie est dans deux de ces films et Brad Pitt dans l'un) et la comparaison ne se fait pas en faveur de Babylon. En effet, le résultat final tient davantage de la vulgarité d'un Showgirls sans même l'excuse de la satire. On croirait vraiment le film d'un adolescent qui se veut edgy en pensant que différentes sécrétions corporelles composent les seuls outils capables de casser l'image glamour que l'on peut se faire du cinéma d'époque.

Après une longue introduction d'une demi-heure qui braille son trash comme on fait l'hélicoptère avec son pénis pour se faire remarquer ,mais qui a le mérite de présenter une galerie de personnages prometteurs, arrive une scène où l’on croit soudain au film, à ce qui pouvait faire son intérêt en tout cas. En montrant nos différents protagonistes débarquer sur le plateau de multiples tournages simultanés, le film révèle un envers trop peu montré du décor hollywoodien des années 20. Une dose de caricature demeure mais l'humour passe mieux que la débauche et on commence à retrouver Chazelle dans cette peinture de la tannée que c'était de mener à bien son entreprise (on compte presque autant de morts que dans First Man). Plus tard, l'auteur entérine le propos en montrant, certes toujours avec cette énergie survoltée et vaguement surréaliste mais efficace comme vernis comique, la dure réalité du processus balbutiant de tournage d'un film parlant. Depuis Whiplash, Chazelle voit l'artiste comme un martyr. Deux scènes donc que l’on sauve sur TROIS HEURES HUIT de film. S’il est suffisamment rythmé pour que la pilule passe, il reste écrit avec les pieds, progressant à chaque fois par le biais de charnières narratives grossières, arbitraires même. Cf. comment chacun des personnages est promu ou déchu presque toujours par un deus ex machina ou un raccourci à peine expliqué.

Le récit choral ne parvient pas à cacher la sous-cuisson des différentes trames et la caractérisation sommaire des personnages pourtant intéressants sur le papier. On sent que le film cherche à articuler un autre propos, autour du Hollywood pré-Code peu à peu gagné par la morale, et sur l'assimilation et uniformisation de sa diversité et de sa liberté. Toutefois, malgré la durée - on imagine le rough cut de 5h duquel le monteur a dû se depatouiller, le film survole cette idée, préférant se vautrer dans la démonstration puérile (la scène du vomi) avant de chercher à se terminer sur une lettre d'amour au 7e art qui n’a que des banalités à offrir, que ce soit dans ce qu'il dit (le monologue surrané d'Elinor, la journaliste de presse à ragots, sur "les films qui restent") ou dans ce qu'il montre (la fin, interminable, avec une séquence qui serait mise à l'amende par certaines vidéos YouTube faites par des anonymes). Après une progression notable sur ses trois derniers films, gagnant en maturité et en ambition à chaque fois, Chazelle accouche avec Babylon d’un incroyable ratage et fait même montre d’une incompréhensible régression.

par Robert Hospyan

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