Entretien avec Hirokazu Kore-Eda

Entretien avec Hirokazu Kore-Eda

Après le succès de Tel père, tel fils, le Japonais Hirokazu Kore-Eda est de retour avec une nouvelle petite merveille: Notre petite sœur. Cette chronique familiale euphorisante et visuellement splendide sort le 30 octobre en France - et nous vous la recommandons chaudement. FilmDeCulte a rencontré le cinéaste.

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Qu'est-ce qui vous a mené vers l'adaptation du manga Umimachi Diary, qui a inspiré votre film ?

Je suis moi-même un très grand fan d'Akimi Yoshida, donc j'ai entamé la série de manga en tant que lecteur ordinaire. J'ai bien sûr été séduit par cette histoire de trois jeunes femmes qui recueillent une petite fille abandonnée, mais au-delà de cela, je dirais que ma porte d'entrée fut que le manga raconte également l'histoire de leur maison, de leur mémoire, du temps qui passe, de toute la ville. C'est cet écho qui fait la singularité du manga, et c'est précisément cela qui a titillé mon imagination et mon envie de l'adapter.

Notre petite soeur pourrait être un mélodrame déchirant sur une famille recomposée, mais racontez le quotidien des héroïnes quasi-exclusivement par des non-événements. Selon vous, qu'est ce que ce type de narration peut paradoxalement apporter, en terme d'émotion?

Le film démarre effectivement après que les drames sont survenus : l'abandon du père, puis de la mère, puis le décès du père. Dans le manga original, c'était déjà l'intention de l'auteur. Cela peut paraître en effet sans doute très tranquille, presque trop, mais vous avez raison : je ne serais pas non plus d’accord pour dire qu'il ne se passe rien. Je ne filme que le présent de ces jeunes femmes, jamais le passé, donc on pourrait avoir l'impression qu'aucun drame ne les traverse. Or elles sont toutes traversées par des sentiments, des souvenirs des personnes disparues. Je ne suis pas certain que ce soit quelque chose d'immédiatement perceptible, mais c'est bien présent en filigrane, notamment à travers certain vecteurs : la nourriture est porteuse des souvenirs de ces personnes disparues, par exemple. C'est certes discret dans la forme, mais c'est bien présent, et même si ces émotions ne sont pas gigantesques, je pense que cette approche peut émouvoir le spectateur, ou le faire frémir.

Il y a une réplique clef dans Notre petite sœur lorsqu'un personnage encourage les autres à "reconnaître la beauté quand elle est là". Une beauté subtile, qui n'est pas tape-à-l’œil, mais qui est bien là. Est-ce aussi une question qui vous préoccupe en tant que cinéaste et en tant que spectateur ?

Je pense que pouvoir avoir ce regard-là sur les choses, c'est tout simplement précieux en tant qu'être humain. A mon sens, c'est ce qui permet d'atteindre le bonheur et d'être heureux. Et il faut bien avouer qu'en tant que réalisateur, c'est aussi bien pratique, parce que cela me permet de réaliser des films à petits budgets et sans gros artifices ! Je m’éloigne peut-être un peu de la question, mais il ne faut pas oublier que le personnage qui prononce cette réplique sait qu'il va mourir, donc cette philosophie est belle mais aussi un peu morbide. Comme si on ne pouvait être sensible à ce genre de choses que lorsque l'on prend conscience de notre propre mortalité. On ne remarque pas la beauté de certaines choses tant qu'on n'a pas cette conscience aiguë. La phrase était déjà présente telle quelle dans le manga original, et au moment d’écrire le scénario, ça m'a beaucoup fait réfléchir sur la mort qui peut se cacher derrière la beauté et le bonheur.

On a entendu parler il y a quelque temps d'un projet de remake américain de Tel père, tel fils. Est-ce toujours à l'ordre du jour, quelle est votre implication dans ce projet ?

J'ai effectivement cédé les droits du film pour un remake, avec pour condition préalable de ne pas intervenir dans la production américaine, donc je ne fais que recevoir quelques nouvelles de temps en temps. Je suis en mesure de vous confirmer que le projet est toujours d'actualité puisque le scénario américain est sur le point d'être terminé. J'ai hâte de voir le résultat en tout cas.

Lorsque nous vous avions rencontré il y a 3 ans pour la sortie de I Wish, vous nous aviez parlé du marché japonais très refermé sur ses frontières, et de la difficulté des films japonais à s'exporter. Vous commentiez: "il faut regarder au-delà du Japon". Est-ce votre cas ? Seriez-vous prêt à tourner à l'étranger comme Kiyoshi Kurosawa l'a récemment fait chez nous ?

Oui, cela me plairait beaucoup, je serais partant pour tout projet de ce type. De son côté, je crois que Takashi Miike a pour projet d'aller tourner un film à Hollywood. Cela montre bien qu'on est plusieurs cinéastes japonais à avoir cette envie-là presque eu même moment. Ce n'est sans doute par un hasard si l'on ressent le besoin d'élargir nos frontières de cette manière. Je partage cette envie, mais pour l'instant je n'ai aucun projet concret dans ce sens. Le jour où ça arrivera, je peux vous dire que je serai très enthousiaste.

Entretien réalisé le 20 octobre 2015. Un grand merci à Matilde Incerti et Léa Le Dimna.

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par Gregory Coutaut

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Notre petite sœur - notre critique du film
Crédits photo : ©2015 Akimi Yoshida, SHOGAKUKAN / FUJI TELEVISION NETWORK INC. / SHOGAKUKAN INC. / TOHO CO., LTD. / GAGA CORPORATION

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