Entretien avec Ahn Gooc-Jin

Entretien avec Ahn Gooc-Jin

Le jeune cinéaste Ahn Gooc-Jin est une des révélations de l'année. Son premier long métrage, Alice in Earnestland a été couronné au Festival de Jeonju avant de rencontrer son public dans les salles coréennes. Cette comédie noire sur la descente aux enfers d'une jeune femme a été montrée il y a quelques semaines en France lors du Festival du Film Coréen à Paris. Nous avons souhaité en savoir plus sur son réalisateur...

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Alice in Earnestland est votre premier long métrage. Pourquoi avez-vous choisi cette histoire ?

Je voulais parler du sentiment personnel qui découle de problèmes dans la société coréenne. Je souhaitais aborder des problèmes liés à l'immobilier, au marché du travail, aux classes sociales. Et je voulais montrer cela à travers une comédie noire. C'est, il me semble, le genre le plus approprié pour montrer les conditions de vie des Coréens aujourd'hui.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le clin d'oeil du titre à Alice au pays des merveilles?

Je n'avais pas en tête cette référence à Alice au pays des merveilles en premier lieu. C'est venu une fois le scénario achevé. Le point commun entre les deux, c'est que Su-Nam comme Alice sont propulsées involontairement dans une aventure et en sont expulsées tout aussi involontairement. Il y a bien sûr une forme de folie dans leur aventure, et puis il y a cette atmosphère à la fois rutilante et oppressante. Enfin, inclure ce “land” dans le titre, c'était déjà une façon de traiter de cette situation de manière satirique.

Votre actrice Lee Jung-Hyun est géniale. Comment avez-vous travaillé ensemble sur les nombreuses ruptures de ton du film, qu'il s'agisse de réalisme social, de fantaisie ou de tragédie noire ?

J'ai toujours voulu l'engager pour ce rôle. C'est impossible de ne pas l'admirer. Elle a le même âge que moi mais avait déjà été remarquée comme une révélation notamment lors de cérémonies de prix. C'est l'actrice parfaite. Elle est très bonne pour analyser un scénario. Nous avons d'abord eu une brève conversation pour cerner les genres du film, pour définir le background du personnage. Et c'était suffisant. Je n'ai rien eu d'autre à faire pour la diriger. Tout ce qu'il me restait, c'était de l'observer jouer. Mon rôle, c'était de ne pas la distraire. Elle est parfaite.

Votre usage de la violence est particulièrement remarquable. La violence physique dans votre film exprime avant tout, par la métaphore, une violence psychologique. Êtes-vous d'accord avec cela ? Est-ce la façon dont vous souhaitiez traiter de la violence dans Alice ?

Je voulais que les gens pensent à la violence comme une métaphore directe. Quand je regarde les infos en Corée, je les trouve souvent extrêmement cruelles. J'ai évoqué les classes sociales tout à l'heure. Il ressort souvent, je trouve, que les medias font en sorte que le public méprise certains groupes de la société. Et cela a un effet concret. Ces groupes discriminés sont souvent les plus faibles. C'est la cause d'une forme de violence envers des gens qui méritent pourtant notre empathie. C'est très cruel pour moi. Il n'y a pas de différence de classe entre Su-Nam et les personnages qui lui sont hostiles. A travers leurs rapports violents, je voulais montrer la violence générale de la société coréenne.

Quels sont vos réalisateurs favoris ?

J'en ai beaucoup ! En ce qui concerne la représentation de la violence, j'adore Park Chan-Wook et Quentin Tarantino. J'admire également Bong Joon-Ho qui parvient toujours à trouver une part de comédie dans ses histoires, et Lee Chang-Dong qui est un maître en ce qui concerne le réalisme. Ce sont tous des réalisateurs qui ont véritablement émergé au 21e siècle. Leurs films ne sont pas seulement commerciaux, ils apportent aussi un regard tout à fait neuf.

Avez-vous un nouveau projet ?

J'ai décidé de faire un film d'horreur. Whispering Corridors est une série de film très connue en Corée (et dont est extrait Memento Mori, sorti chez nous en 2002, ndlr). Le film se passera dans un lycée pour filles. On s'est mis d'accord sur une approche neuve avec la production. Le film parlera notamment de la Corée et du contexte actuel du pays. L'un des points importants était que je puisse choisir l'actrice. Et c'est Lee Jung-Hyeon que j'ai à l'esprit.

Entretien réalisé le 17 décembre 2015. Un grand merci à Im A-Young et Marion Delmas.

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par Nicolas Bardot

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