L'année ciné 2017 par ceux qui l'ont faite

L'année ciné 2017 par ceux qui l'ont faite

C'est notre tradition de fin d'année: pour la septième année consécutive, nous avons demandé aux personnalités du cinéma que nous avons interviewées ces 12 derniers mois de nous parler de leur(s) film(s) préféré(s) de 2017. Sortis en salles, découverts en festivals, ou avec un peu de décalage, vous verrez que certains titres ont largement marqué les cinéphiles de la planète entière. Quelques uns des cinéastes que nous avons interrogés, occupés sur leurs propres films, ont jugé ne pas en avoir vu assez pour nous répondre. D'autres au contraire sont rentrés dans les détails avec générosité et passion. C'est aussi l'occasion, pour nous, de revenir sur ceux qui ont fait l'année 2017, et qui pour pas mal d'entre eux feront aussi la prochaine...

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Sally Potter, The Party

Je fais partie des votants pour les Oscars et je prends ce rôle au sérieux, je regarde donc avec attention les films que l'on m'envoie. Cette année j'ai trouvé que Moonlight de Barry Jenkins était ce que j'ai vu de plus intéressant. Le reste du temps, je dois dire que je vois surtout des films classiques, telles que les premières comédies de Katharine Hepburn, Spencer Tracy, ou même Cary Grant. Vous saviez qu'il travaillait dans un cirque avant de devenir acteur? Dans son premier film de cinéma, il fait carrément des pirouettes entre ses répliques !

  • La Britannique Sally Potter (Orlando) a réalisé The Party, sélectionné en compétition à la Berlinale et sorti à la rentrée en France.
Notre entretien avec Sally Potter
Notre critique de The Party

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Agnieszka Holland, Pokot

En tant que présidente de l'Académie européenne du cinéma, j'ai vu énormément de films européens cette année, et moins de films américains ou du reste du monde. Mon film favori est Faute d'amour d'Andrei Zviagintsev. Zviagintsev, comme Haneke dans ses meilleurs films, a le talent pour toucher, en racontant une histoire relativement simple, à la profondeur des vérités cachées, les aspects essentiels et prémonitoires de la réalité. Et il pose des questions urgentes : sociales, politiques mais aussi, et en premier lieu, existentielles. Tout cela avec une mise en scène mystérieuse, d'une beauté simple et puissante et aux émotions glacées.

J'ai également aimé beaucoup d'autres films : The Square de Ruben Östlund, 120 battements par minute de Robin Campillo, Corps et âme d'Ildiko Enyedi, et pas mal de films polonais : le documentaire Communion de Anna Zemcka, Wild Roses de Anna Jadowska, Tower. A Bright Day de Jagoda Szelc. Et d'autres films encore. Cela a été une grande année pour le cinéma européen et pour les réalisatrices – quelques uns des meilleurs films ont été réalisés par des femmes, même si les festivals et leurs prix n'ont pas toujours reflété cela.

• Réalisatrice entre autres de Europa Europa, Agnieszka Holland a été primée à la dernière Berlinale pour son thriller écolo Pokot.
Notre entretien avec Agnieszka Holland
Notre critique de Pokot

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Dechen Roder, Dakini

Pokot d'Agnieszka Holland. J'ai beaucoup aimé ce film, un grand mystère aux personnages, éléments et thèmes inhabituels. J'ai adoré l'atmosphère et le développement de ce récit excentrique, ces visions qui sont comme des intuitions, une présence. Je n'avais jamais vu cela dans un autre film.
Je citerais également Tharlo de Pema Tseden. Un film si beau, si émouvant, chaque plan est à la fois éloquent, symbolique et si triste.
Et enfin Malaria de Parviz Shahbazi. D'une belle fièvre dans sa forme et son récit.

Dakini (Honeygiver Among the Dogs), première réalisation de la Bhoutanaise Dechen Roder, a été sélectionné à Busan et la Berlinale. Ce film sortira en France en 2018.
Notre entretien avec Dechen Roder
Notre critique de Dakini

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Kate Reidy & Maria Watzlawick, Festival Black Movie

I Am Not a Witch de Rungano Nyoni. Fable surréaliste qui propose une critique vivifiante de l’enfermement des femmes. On a été charmées par son récit surréaliste et impertinent de chasse aux sorcières pas comme les autres.
Avant que nous disparaissions de Kiyoshi Kurosawa. En vue d’une invasion, des aliens volent les états d’âmes à des individus, les vidant de leur substance. L’excellent Kurosawa est de retour ! On l’aime pour sa liberté de mélanger les genres avec maestria : horreur, comédie sf, romance, tout cela lié à la sauce violons !
Les Bienheureux de Sofia Djama. Ambiance lourde après la décennie noire algérienne: un couple bourgeois refuse de se résigner et rêve d’un autre avenir, chacun à sa façon. On l’apprécie pour l’excellente interprétation des acteurs racontant un tournant de vie fait de mélancolie, rage et espoirs.
Silent Mist de Miaoyan Zhang. Le réalisateur raconte la violence sourde qui règne dans les provinces avec des images proches des lavis à l’encre: dans un petit village, des hommes agressent en toute impunité des adolescentes … On l’estime pour les compositions parfois sublimes et leur tonalités sombres. Un lieu atemporel, une histoire qui se répète. Une dénonciation de plus.

• Kate Reidy et Maria Watzlawick sont programmatrices au Festival Black Movie, dont la prochaine édition aura lieu du 19 au 28 janvier à Genève.
Notre entretien avec Kate Reidy & Maria Watzlawick

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Francis Lee, Seule la terre

J'ai adoré The Rider de Chloe Zhao, et pas seulement parce que je partage le même chef opérateur! C'est un film d'une authenticité rare. Je citerais également Apostasy de Dan Kokotajlo, un film anglais que j'ai découvert au Festival de Londres, et qui parle d'une jeune femme témoin de Jéhovah. J'apprécie beaucoup voir des films que je serais incapable de faire, qui me surprennent, et c'était le cas avec celui-ci.

  • Le Britannique Francis Lee a réalisé Seule la terre, primé à Sundance en début d’année et actuellement en salles.
Notre entretien avec Francis Lee
Notre critique de Seule la terre
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Jérôme Baron, Festival des 3 Continents

Le temps me manque pour entrer dans les détails mais oui, j'ai eu quelques coups de cœur cette année dont Zama de Lucrecia Martel, Madame Fang de Wang Bing, les trois Hong Sangsoo de l'année qui prouvent qu'il ne faut pas faire une maladie de faire du cinéma, Get Out de Jordan Peele,  ou le dernier film de Serge Bozon Madame Hyde, le premier long-métrage de Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles, pour son ambition. Deux encore que je suis impatient de découvrir : Braguino de Clément Cogitore et Ex-libris de Frederick Wiseman...

  • Le Français Jérôme Baron est le directeur artistique du Festival des 3 Continents à Nantes. Le festival fêtera sa 40e édition l’an prochain.
Notre entretien avec Jérôme Baron

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Frederick Wiseman, Ex-Libris

Je travaille beaucoup, et quand je ne travaille pas, j'ai rarement envie de me retrouver à nouveau face à un écran. Et quand je vais au cinéma, je privilégie les films classiques. J'étais à Venise pour la Mostra par exemple, mais j'ai surtout passé mon temps à marcher dans la ville et les musées !

  • L’Américain Frederick Wiseman, Oscar d’honneur l’an passé, était en compétition à la Mostra de Venise avec son documentaire Ex-Libris, toujours dans les salles françaises.
Notre entretien avec Frederick Wiseman
Notre critique de Ex-Libris
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Vladimir Duran, Adios entusiasmo

J'ai vu récemment Un jeune poète de Damien Manivel et j'ai beaucoup aimé. Il a une façon de tourner que j'adore. Il y a un regard du réalisateur envers son acteur et son personnage qui est de l'ordre de la découverte, il cherche à découvrir son personnage avec nous, plutôt que de nous montrer un personnage qu'il a déjà entièrement en tète. Le résultat est très vivant, et ça m'a beaucoup touché. Je n'ai pas encore vu Le Parc et Takara, la nuit où j'ai nagé mais j'ai très envie de les découvrir.

• Le Colombien Vladimir Duran a été sélectionné à la Berlinale avec Adios entusiasmo, qui a fait sa première française au Festival des 3 Continents à Nantes.
Notre entretien avec Vladimir Duran
Notre critique de Adios entusiasmo

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Dieudo Hamadi, Maman Colonelle

Félicité d’Alain Gomis. Parce qu’il ose inventer son propre langage cinématographique. Il sort des sentiers battus.
Ghost Hunting de Raed Andoni. Parce qu’à travers ce film, l’on se rend compte de l’étendue du pouvoir du cinéma - qui peut aller jusqu’à "emprisonner les fantômes" !
120 battements par minute de Robin Campillo parce qu’il ose tout. Il n’a peur de rien.
Get Out de Jordan Peele. C’est un film qui peut vous faire passer d’une émotion à l’autre en l’espace de quelques secondes.

  • Réalisateur entre autres d’Examen d’état, le Congolais Dieudo Hamadi a été sélectionné à la Berlinale et au Festival Cinéma du Réel avec Maman Colonelle.
Notre entretien avec Dieudo Hamadi
Notre critique de Maman Colonelle
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Kohki Yoshida, Three Lights

J’ai été impressionné par les films que j’ai vus à la Berlinale. Je citerais Corps étranger de Raja Amari, notamment pour son remarquable travail sur le montage.

  • Découvert notamment avec Tokyo Bitch, I Love You, le Japonais Kohki Yoshida était sélectionné en début d’année à la Berlinale avec le drame Three Lights.
Notre entretien avec Kohki Yoshida
Notre critique de Three Lights
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Song Chuan, Ciao Ciao

Mon film préféré de l’année est Le Jour d’après de Hong Sang-soo.

  • Sélectionné à la Berlinale, le Chinois Song Chuan réalise son second long métrage avec Ciao Ciao.
Notre entretien avec Song Chuan
Notre critique de Ciao Ciao
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Ceylan Özgün Özcelik, Inflame

Grave de Julia Ducournau est un des films les plus beaux, originaux et audacieux de l’année. Sa narration magnétique m’a fascinée. Un véritable chef d’œuvre par bien des aspects. C’est le croisement complètement fou d’un thriller, d’un récit d’apprentissage, d’un drame sur la sororité, d’un jeu mélancolique et d’un conte triste sur le cannibalisme. Julia Ducournau est la révélation de l’année et j’ai hâte de découvrir son prochain film
Hagazussa de Lukas Feigelfeld est un premier long métrage, un film d’horreur atmosphérique qui met en perspective la noirceur de la maternité et de la sorcellerie de manière très puissante. Aleksandra Cwen livre la prestation de l’année dans la peau d’Albrun, une mère esseulée et traumatisée. Cet impitoyable récit mortuaire se déroule dans les Alpes autrichiennes et nous emmène dans un Moyen-Âge rural absolument terrifiant. Le réalisateur Lukas Feigelfeld et sa directrice de la photographie Mariel Baqueiro, tous les deux très talentueux, travaillent ensemble sur ce projet depuis le début. J’adorerais voir cette dernière dans une liste type Les 10 directeurs de la photographie à surveiller. J’ai véritablement été possédée par Hagazussa.
Good Time des frères Safdie.  Le meilleur début et la meilleure fin de film de l’année. Et tout au long du film on a le sentiment de pouvoir toucher les visages des personnages, ce qui est assez unique. Good Time est un bouleversant drame électro qui fait des allers-retours entre ses personnages perdus dans une dead zone. La puissante unité de couleurs, de textures, de sons et de rythme font de Good Time une expérience galvanisante.
Les Affamés de Robin Aubert. Un trésor pour les fans de zombies ! Un film sur l’insoutenable lourdeur d’être un zombie évoluant dans une petite ville. Ce film, au ton inhabituel, propose une dystopie dans une société qui s’effondre, entre humour et tragédie. C’est le genre de film qui deviendra un classique, grâce à la richesse de ses personnages, quelques moments miraculeux et une fin tout à fait bizarre. Si vous savez qu’il n’y a aucun espoir, cela signifie peut-être qu’il n’y a plus rien à perdre ?

  • La Turque Ceylan Özgün Özcelik a été multiprimée cette année en festivals avec son premier long métrage, le thriller Inflame.
Notre entretien avec Ceylan Özgün Özcelik
Notre critique de Inflame
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Lukas Feigelfeld, Hagazussa

J'ai pris beaucoup de plaisir à voir Mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos, qui m'a vraiment impressionné. En voyageant en festivals, j'ai pu voir de grands films tels que Angels Wear White de Vivian Qu, Winter Brothers de Hlynur Palmason ou I Am Not a Witch de Rungano Nyoni.

Hagazussa est le premier film de l'Autrichien Lukas Feigelfeld. Il vient de commencer à circuler en festivals cet automne.
Notre entretien avec Lukas Feigelfeld
Notre critique de Hagazussa

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Hlynur Palmason, Winter Brothers

J'ai vécu des expériences très fortes cette année au cinéma. Le beau Heartstone de mon compatriote Guðmundur Arnar Guðmundsson. Un premier film danois très intéressant qui s'intitule Teen Hurricane par Annika Berg. J'ai vu deux autres films très réussis à Copenhague Pix cette année : un film espagnol intitulé Été 93 de Carla Simon et un film français, Jusqu'à la garde de Xavier Legrand. J'ai vu essentiellement des premiers films cette année et le niveau était très haut.

• Primé cet été à Locarno, Winter Brothers, premier long métrage de l'Islandais Hlynur Palmason, sortira le 21 février en France.
Notre entretien avec Hlynur Palmason
Notre critique de Winter Brothers

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Daan Bakker, Quality Time

Certaines femmes de Kelly Reichardt, Winter Brothers de Hlynur Palmason, La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit. Des films sensibles et sans compromis, remarquablement faits.

• Le Néerlandais Daan Bakker réalise son premier long métrage avec Quality Time, sélectionné à Rotterdam et à la Roche-sur-Yon.
Notre entretien avec Daan Bakker
Notre critique de Quality Time

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Todd Hugues & P. David Ebersole, Mansfield 66/67

Little Potato de Wes Hurley. Un beau court métrage documentaire vu au Festival Frameline de San Francisco, sur un gamin russe et gay et sa mère qui est épouse sur catalogue ; tous les deux se rendent aux Etats-Unis et le film s’achemine vers un dénouement incroyable.
Un autre succès du festival est Alaska is a Drag de Shaz Bennett. Un drame magnifiquement fait sur une drag queen noire qui s’illustre également dans la pratique de la boxe. Très original, bouleversant et hilarant.
La restauration en 4k de Suspiria, vue au Festival de Sitges et présentée par Guillermo Del Toro, nous a éblouis. Une indescriptible folie Technicolor et la plus pure joie de cinéma depuis Banana Split de Busby Berkeley. Parmi les autres films formidables qu’on a vus, citons The Fabulous Allan Carr de Jeffrey Schwarz, 78/52 de Alexandre O. Philippe et My Friend Dahmer de Marc Meyers.

  • On a célébré cette année les 50 ans de la disparition de l’icône Jayne Mansfield. Les Américains Todd Hugues et P. David Ebersole ont réalisé le documentaire Mansfield 66/67 sur ses dernières années. Ce film a été sélectionné à l’Etrange Festival.
Notre entretien avec Todd Hugues & P. David Ebersole
Notre critique de Mansfield 66/67
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Rebecca Daly, Margaret

Toni Erdmann de Maren Ade : j'ai trouvé ce film si émouvant, si drôle, brillamment étrange et inconfortable, et Sandra Hüller est excellente. J'ai adoré The Square de Ruben Östlund : son humour, son refus des conventions formelles et sa bizarrerie ici ou là. Il y a également The Young Lady de William Oldroyd, vraiment marquant esthétiquement, et dont le personnage central, interprété merveilleusement par Florence Pugh, est fascinant. J'ai également adoré un documentaire sur le lancement de la sonde spatiale Voyager intitulé The Farthest de Emer Reynolds. Le film pose beaucoup de grandes questions sur ce que signifie être humain, sur notre place dans l'univers et sur ce qui peut exister au-delà. Cela donne vraiment à réfléchir.

• Depuis la sortie cet automne en France de Margaret, l'Irlandaise Rebecca Daly a déjà dévoilé un nouveau film en festivals : le drame Good Favour.
Notre entretien avec Rebecca Daly
Notre critique de Margaret

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Rosie Jones, The Family

Il y a tellement de films que j'ai aimés mais je vais me limiter à un seul : In the Fade de Fatih Akin. Je l'ai vu au Festival de Melbourne et je n'en savais rien. J'ai été très impressionnée par la manière subtile qu'a le film de développer ses personnages, son récit et sa profondeur émotionnelle. Diane Kruger délivre une performance fabuleuse dans le rôle principal, qui lui a valu le prix d'interprétation à Cannes. Un film formidable.

• Le documentaire The Family de l'Australienne Rosie Jones a été présenté à la rentrée à l'Etrange Festival. La cinéaste travaille depuis à la déclinaison en série télévisée de ce documentaire.
Notre entretien avec Rosie Jones
Notre critique de The Family

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Tao Gu, Comme un cheval fou

J'ai adoré Les Eternels de Pierre-Yves Vandeweerd qui élève le film documentaire vers une véritable dimension artistique : poétique, sans sentimentalisme, du pur cinéma. J'ai également trouvé The Taste of Cement de Ziad Kalthoum fantastique. Voilà le genre de film que j'adore, j'adore, j'adore et qui parle à mon cœur.

• Le Chinois Tao Gu a remporté la Montgolfière d'or au Festival des 3 Continents avec son documentaire Comme un cheval fou.
Notre entretien avec Tao Gu
Notre critique de Comme un cheval fou

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John Carroll Lynch, Lucky

3 Billboards, les panneaux de la vengeance de Martin McDonagh. Frances McDormand est extraordinaire dans ce film, tout comme Sam Rockwell.
Lady Bird de Greta Gerwig, qui a fait un film adorable sur le fait de grandir et devenir adulte. Ce point de point sur ce type de récit d'apprentissage féminin est assez unique. Et c'est très fun d'expérimenter cet apprentissage à travers ses yeux.
Get Out de Jordan Peele, dont j'étais déjà un grand fan. Ce film est malin, pertinent, stimulant, subversif et drôle. Yay à lui !

Lucky est la première réalisation de l'acteur américain John Carroll Lynch. Ce film, actuellement en salles, est l'une des dernières apparitions à l'écran de Harry Dean Stanton.
Notre entretien avec John Carroll Lynch
Notre critique de Lucky

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Régis Sauder, Retour à Forbach

Avant la fin de l’été de Maryam Goormaghtigh et L’Assemblée de Mariana Otero, deux films importants pour moi qui nous rappellent la nécessité de l’amitié, de l’amour et du politique, deux documentaires qui par des formes très différentes, l’un jouant avec la fiction, l’autre s’emparant d’un événement à chaud, nous prouvent la vitalité du cinéma documentaire. Deux films soutenus par l’ACID !!
120 battements par minute de Robin Campillo, parce que le cinéma français s’empare rarement et aussi justement de l’histoire contemporaine, pour son émotion aussi.
Une vie violente de Thierry de Peretti, pour son âpreté, l’interprétation et la réalisation magistrale.
Dans un recoin de ce monde de Sunao Katabuchi vu avec mes enfants et sans doute plus ému qu’eux...
Pas comme des loups de Vincent Pouplard, le film croisait le mien dans les salles et j’ai été très touché par la caméra de Vincent, bienveillante et magnifiant ces deux garçons.

Retour à Forbach est sorti ce printemps en France. Il s'agit du nouveau documentaire du réalisateur de Nous, princesses de Clèves.
Notre entretien avec Régis Sauder
Notre critique de Retour à Forbach

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Shu Lea Cheang, Fluid0

Pieles d'Eduardo Casanova, pour son mélodrame vibrant peuplé de créatures élégantes et dignes dont la déroutante sensualité s'insinue sous la peau des spectateurs.
Detroit de Kathryn Bigelow, notamment pour sa scène durant laquelle la caméra, pendant 40 minutes, capture de manière implacable l'interrogatoire par la police de quelques hommes noirs et femmes blanches à l'Algiers Motel.
The 36 Year-Old Virgin de Skyler Braeden Fox. Le réalisateur, au nom de la communauté queer berlinoise, nous convie à son chevet pour une performance rituelle de pénétration virginale qui, finalement, échoue. Par son approche gender-fluid de la sexualité, le film défie la notion de climax dans le genre du post-porn.

• Le film expérimental Fluid0 signé par l'artiste multimedia Shu Lea Cheang a été sélectionné à la Berlinale en début d'année et a fait sa première française à l'Etrange Festival.
Notre entretien avec Shu Lea Cheang
Notre critique de Fluid0

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Lila Pinell & Chloé Mahieu, Kiss & Cry

Pour le réconfort de Vincent Macaigne.
LP : Ça m'a fait beaucoup pensé à Nietzsche, que j'adore, sur le ruminement, le ressentiment, la façon dont la petitesse parvient à prendre le pouvoir sur quelque chose de plus grand qu'elle. Les acteurs sont géniaux.
CM : Le film m'a beaucoup plu. Le jeu des comédiens, la violence des rapports, leur complexité, le renversement des rôles, l'inextricable haine de l'autre et l'insatisfaction et l'envie comme moteurs du désir. J'ai très envie de relire la Cerisaie.

Grave de Julia Ducournau
LP : Après mon bac j'ai fait deux années de médecine, et donc j'étais très au fait des histoires de bizutage qui faisaient hyper peur à tous les étudiants. Je trouve que le glissement entre cette réalité morbide et le côté fantastique du film est très réussi, et puis le film est drôle.
CM : Le film m'a transportée. J'ai été émue par la métamorphose de la jeune fille à l'âge sexuel, une transformation animale, vorace, dérangeante et profonde. Hyper réussi, comme ce choix de l'univers du bizutage en école vétérinaire.

120 battements par minute de Robin Campillo
LP : Surtout pour les réunions d'Actup qui sont passionnantes. Et puis un copain m'a fait remarqué que pour une fois les homos sont joués par des homos et ça fait du bien.
CM : Le récit est hyper abouti, les enjeux politiques, la course contre la montre, le jeu des acteurs, la mise en scène et le choix de garder les séquences tournées pendant les essais donnent une énergie particulière au film, naturelle et spontanée, sans pour autant exagérer les émotions dramatiques. J'ai trouvé le film assez pudique là-dessus, et ça m'a plu.

La Belle et la meute de Kaouther Ben Hania
LP :J'ai bien aimé, mais je suis allée le voir parce que j'ai vu un documentaire de cette réalisatrice qui est magnifique : Zaineb n’aime pas la neige. Une jeune fille que l'on suit de ses 9 ans à ses 15 ans, qui quitte Tunis pour le Canada, et qui grandit. C'est vraiment très émouvant.

Le Jour d’après de Hong Sang-Soo
CM : Il m'a beaucoup touchée, le thème du rendez-vous manqué, le drame amoureux si tragique qu'il en devient comique, et que plus rien n'existe au présent à part lui. Les comédiens sont ultra justes.

The Square de Ruben Östlund
CM : Il m'a fait pleurer de rire à plusieurs moments et j'adore le film rien que pour avoir provoqué ça chez moi. Je trouve toute la première partie bien ficelée, les rapports complexes et pathétiques qui nous lient les uns aux autres sont bien vus. Tous les comédiens jouent super bien. La séquence de la performance est très forte. Ce qui suit me plaît moins, un peu lourdingue et j'ai l'impression que les scènes se suivent ensuite, se répètent, et que ça n'avance plus aussi bien.

Makala d'Emmanuel Gras
CM :Je l'ai vu hier et le film m'a bouleversée. Alors qu'on observe au départ des conditions de vie insoutenables, le héros du film, poursuivant de toutes ses forces son projet, passe de victime à sur-homme, puissant, combatif, généreux. Ce film est magnifique.

• Lila Pinell et Chloé Mahieu ont été sélectionnées à l'ACID, section parallèle du Festival de Cannes, avec leur premier long Kiss & Cry. Ce film est sorti à la rentrée en salles.
Notre entretien avec Lila Pinell & Chloé Mahieu
Notre critique de Kiss & Cry

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Alankrita Shrivastava, Lipstick Under My Burkha

Je pense que 2017 a été, dans le monde du divertissement, une année très significative suite aux discussions sur le harcèlement sexuel. Et je pense aussi que cela a été une année remplie de merveilleues oeuvres féministes que j'ai adorées.

La série La Servante écarlate, basée sur le roman de Margaret Atwood, m'a époustouflée. J'ai adoré cette façon de montrer un monde dystopique où le rôle des rares femmes encore fertiles se limite à avoir des enfants pour leurs maîtres. Elles n'ont aucune liberté et sont justes esclaves de la procréation. Cette série m'a hantée, notamment parce que cette dystopie m'a semblée parfaitement réelle. En Inde, les femmes sont souvent considérées comme cela – de simples vaisseaux pour la reproduction. Et puis il y a aussi en commun cet “idéal féminin” du sacrifice, de la pureté, du martyre. Pour moi, le show fait vraiment mouche. C'est à mon sens une des oeuvres les plus importantes et pertinentes du moment. Et j'ai terriblement hâte de voir la seconde saison.

Je citerais également la série Big Little Lies, qui est superbe dans sa façon de tricoter différentes strates et de les explorer une à une. Cela débute avec ces femmes, pour certaines très riches, et leur rapport à leurs enfants. Et puis petit à petit on va derrière les apparences. Son casting est extraordinaire. Le personnage de Nicole Kidman, une femme prise dans une relation conjugale toxique, est peut-être le portrait le plus complexe de femme souffrant d'abus domestique que j'ai pu voir. Cela m'a brisé le coeur et m'a donné la chair de poule. J'ai regardé cette saison d'une traite.

Et puis il y a la série britannique Fleabag qui est révolutionnaire. J'ai adoré cette série qui décrit le monde grisâtre d'une jeune femme londonienne fauchée, et qui fuit quelque chose de son passé. C'était drôle, sombre et profond. Etant une femme célibataire moi-même, cela a vraiment touché à quelque chose de profond en moi.

Je ne regarde pas spécialement de films de super-héros mais je suis allée au cinéma voir Wonder Woman de Patty Jenkins. En tant que cinéaste, femme et indienne, je me suis sentie si fière. J'ai eu enfin le sentiment que ce plafond de verre a été brisé avec une femme réalisant un film pareil. J'ai beaucoup apprécié le film. Notamment la partie consacrée à l'armée féminine. C'était palpitant. Et Gal Gadot comme Robin Wright sont fabuleuses. J'ai applaudi, acclamé, pleuré, et pris tellement de plaisir à ce spectacle.

Un dernier bijou: Une famille heureuse de Nana Ekvtimishvili et Simon Groß, un film venu de Géorgie. La mise en scène est fantastique – cet usage de longues prises chorégraphiées. On a le sentiment de comprendre le sort et la quête de cette femme. Les familles sont dysfonctionnelles et il y a tellement d'histoires et de squelettes. Mais avant tout, on ressent le désir de l'héroïne d'avoir un espace à elle.

Somme toute, on peut dire sans risque que 2017 a été l'année des films et séries féministes.

• Long métrage féministe, Lipstick Under My Burkha a causé des remous en Inde. Le film a été couronné au Festival de Films de Femmes de Créteil.
Notre entretien avec Alankrita Shrivastava
Notre critique de Lipstick Under My Burkha

Propos recueillis pas Nicolas Bardot et Gregory Coutaut. Un grand merci à tous les participants.

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par Nicolas Bardot

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