Mise à Mort du Cerf Sacré

Mise à Mort du Cerf Sacré
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Mise à Mort du Cerf Sacré
Killing of a Sacred Deer (The)
Royaume-Uni, 2017
De Yorgos Lanthimos
Scénario : Efthymis Filippou, Yorgos Lanthimos
Avec : Colin Farrell, Nicole Kidman
Durée : 2h01
Sortie : 01/11/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Steven, brillant chirurgien, est marié à Anna, ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelques temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant, jusqu’à conduire Steven à un impensable sacrifice.

MA FAMILLE T'ADORE DÉJÀ

On sait pour avoir déjà vu ses (remarquables) longs métrages précédents que le Grec Yorgos Lanthimos ne réalise pas vraiment des films familiaux à partager un soir de Noël autour d'une bûche Viennetta. Les relations humaines y sont généralement toxiques, la famille (dans Canine) et le couple (dans The Lobster) y sont des constructions artificielles affectées par le poids social – par une normalité parfaitement anormale. Mise à mort du cerf sacré (quel beau titre!) explore à nouveau cette étrangeté avec un point de départ qui est l'envers de celui de Canine. Dans Canine, un père de famille coupait sa famille du monde extérieur avec dans l'idée de protéger les siens – jusqu'à la folie. Dans Mise à mort du cerf sacré, le père prend sous son aile un gamin en difficulté – qu'il croit connaître mais qui lui est finalement étranger.

Comme dans les autres films du cinéaste, Mise à mort... s'ouvre par des dialogues triviaux mettant en évidence l'absurdité artificielle des rapports sociaux: on y parle pour ne rien dire, on cause parce qu'on doit causer – alors on parle de performances de montre, de qualité de cheveux, de règles. On en parle parce que c'est comme ça. Mais le jeu de clown blanc des comédiens tout comme la musique dissonante nous le font immédiatement sentir : il y a une inquiétante étrangeté qui bout derrière ces banales apparences. Derrière ces conventions qui chez Lanthimos ont tôt fait de ressembler à un rictus effrayant en plein milieu d'un visage. Lorsque le réalisateur filme une fin d'après midi idyllique sous une lumière superbe, il ne le fait pas comme les autres. La caméra ne semble jamais vraiment là où elle devrait être habituellement : ses plongées sont trop hautes, ses contre-plongées trop fortes, la caméra est trop éloignée, elle cadre autre chose. Ses mouvements sont extrêmement fluides... et pourtant menaçants. Car derrière ce visuel lisse gronde un inéluctable danger.

Mise à mort du cerf sacré s'ouvre par un plan de cœur et sur une opération chirurgicale. Mais on parle bien ici de choses que même un examen neurologique ne peut déceler. Lanthimos sait avec talent jouer sur des thèmes qui semblent à la fois évidents et pourtant mystérieux. Les glissements s'opèrent goutte-à-goutte à l'écran, à l'image de ce confortable daddy (Colin Farrell, juste comme il faut) qui rejoint le héros de Canine au rayon des figures paternelles subversives du cinéaste. De la même manière, Nicole Kidman parvient en peu d'effets à glisser imperceptiblement de mère bienveillante (et un rien potiche) à mère assez creepy. C'est ce qu'il y a de plus précieux dans ce portrait familial déglingué : on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser – drame familial réaliste et clinique, dimension mythologique et malédiction surnaturelle, farce grotesque et grimaçante ? La méchanceté du dernier acte donne l'impression de lire un strip mi-sadique mi-tragique d'Ivan Brunetti (Misery Loves Comedy). Il touche pourtant, par la voie du surréalisme, à la complexité d'une construction sociale, à son non-sens à la fois tragiquement poignant et glorieusement absurde.

par Nicolas Bardot

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