The Family

The Family
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Family (The)
Australie, 2016
De Rosie Jones
Durée : 1h38
Note FilmDeCulte : *****-
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Anne Hamilton-Byrne était belle, charismatique et fantasque. Elle était aussi incroyablement dangereuse. Convaincue d'être la réincarnation du Christ, Anne Hamilton-Byrne était à la tête d'une secte apocalyptique nommée "The Family" qui avait sa notoriété à Melbourne des années 60 aux années 90. Avec son mari Bill, elle a pris sous son aile de nombreux enfants, certains adoptés, d'autres nés de membres de la secte. Isolés du monde, ces enfants étaient vêtus de manière identique, les cheveux teints d'un même blond, étaient affamés, battus et on leur faisait prendre du LSD...

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Il y a en littérature un concept qui reste encore un peu flou en France de "littérature du réel", la narrative non-fiction telle qu'elle est un peu plus connue dans les pays anglophones. The Family, enquête journalistique transformée en documentaire empruntant au langage de la fiction, pourrait en être un équivalent cinématographique. L'Australienne Rosie Jones (lire notre entretien) raconte une histoire qui dépasse l'entendement : celle d'une secte dirigée par une femme qui se présente comme la réincarnation du Christ, et qui adopte/vole des enfants pour constituer une "race supérieure" devant survivre au prochain apocalypse. Harcèlement, enlèvements, teintures de cheveux façon Village des damnés ou encore trips forcés sous LSD : ce qu'on nous raconte est plus fou que fou.

Et pourtant, tout cela est "pour leur bien", entend-on. Le film de Rosie Jones est très riche en vieux films Super 8 qui donnent l'impression d'être en camp de vacances avec la famille von Trapp. La gourou de cette secte "familiale", Anne Hamilton-Byrne, est filmée en train de jardiner dans ses jolies roses, photographiée derrière sa grande harpe. Nous sommes dans les années 70 et Hamilton-Byrne, réincarnation du Christ donc, a plutôt le look d'une chanteuse dans La Tour infernale : des tenues glamour et des flammes autour d'elle. La douceur mièvre des images et la beauté de cette femme sont immédiatement, et de façon cinglante, contredites par l'horreur des très nombreux témoignages - des enregistrements d'enquête au tournant des années 80/90 ou des récits recueillis aujourd'hui.

"Invisible, silencieux, caché" était la devise de la secte. Toutes ces histoires mettent à nu une terrible manipulation mentale. Il y a, à la base, une falsification : Anne Hamilton-Byrne a construit sa propre légende ; Christ revenu sur Terre certes, mais aussi descendante de mystérieuse royauté européenne échouée quelque part en Australie. La folie de ce que raconte The Family éveille l'imaginaire puisque tout va tout le temps plus loin que ce qu'on imagine. Mais derrière le romanesque et ses sombres fantaisies, il y a une horreur réelle qui laisse des traces psychiques : le vertige d'une personne qui ne se souvient plus de rien avant ses 7 ans, le vertige d'une autre en fuite et qui se retrouve aussi désemparée face au monde réel que l'héroïne du Village de Shyamalan.

The Family a néanmoins de vrais défauts : une surcharge intrusive et dispensable de musique, des effets de montage lors des témoignages qui parfois flirtent avec le mauvais goût - le sujet est tellement fort que le film n'avait pas besoin d'en rajouter. La forme reste assez conventionnelle, mais c'est là que l'extravagance du sujet fait craquer toutes les coutures. Jones parvient également à ne pas perdre de vue l'émotion de ses intervenants dans ce terrible freak show où bonne maman a des allures d'Erzsebet Bathory. In fine, cette question : comment stopper le cycle de la violence ? Il n'y a pas de réconfort facile dans cette exploration insensée et fascinante des plus profondes ténèbres humaines.

par Nicolas Bardot

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