L'année cinéma 2013 de Nicolas Bardot

L'année cinéma 2013 de Nicolas Bardot

L’année 2013, telle une ritournelle des 2 Unlimited, a été sans limite. Sans limite pour les projets insensés que sont The Act of Killing ou Le Congrès, ovnis dont la singularité s’exprime autant dans la science-fiction… que le documentaire. Les meilleurs ont été ceux qui n’ont eu peur de rien, qu’il s’agisse du pari formel d’Alfonso Cuaron, de l’épopée intimiste de Kechiche ou du trip radical de Nicolas Winding Refn (les huées à Cannes étaient le meilleur compliment à faire à une telle proposition). Lorsque Park Chan-Wook s’exile aux Etats-Unis, ça n’est pas par opportunisme mais pour aller encore plus loin dans ses expérimentations. Terrence Malick adoubé par sa Palme d’or ? Il revient cette année avec un film qui malickise jusqu’à l’abstraction. Ni Seidl ni Korine n’ont cherché à plaire avec leurs pathétiques héroïnes. Jusqu’à faire, l’un comme l’autre, grincer les dents. Et en forme de promesse, on retient un premier film qui lui non plus ne s’est imposé aucune limite : Les Rencontres d’après minuit. En espérant que 2014 saura aussi bien repousser les frontières…

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MON TOP

1. The Act of Killing, Joshua Oppenheimer (lire notre entretien)
2. A la merveille, Terrence Malick
3. Paradis: Amour / Foi / Espoir, Ulrich Seidl (lire notre entretien)
4. Spring Breakers, Harmony Korine
5. Stoker, Park Chan-Wook
6. Le Congrès, de Ari Folman
7. La Vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche
8. Gravity, Alfonso Cuaron
9. Only God Forgives, Nicolas Winding Refn
10. Les Rencontres d’après minuit, Yann Gonzalez (lire notre entretien)

FOCUS : JEUNESSE ET UTOPIE

Il y a quelques mois, la planète entière (ou presque) s’émouvait du geste à la fois libérateur et autodestructeur de Miley Cyrus, ex-icône supermimi devenue une dépravée officielle chevauchant dans son clip un boulet de démolition géant. D’autres héroïnes de cinéma auraient pu la rejoindre cette année. Deux films jumeaux et séparés à la naissance sont sortis à quelques semaines d’intervalle : Spring Breakers d’Harmony Korine et The Bling Ring de Sofia Coppola. Les deux laissent de côté la rassurante explication sociale, le traitement scolaire d’un sujet de société - très peu pour eux. C’est en partie ce qui leur a valu un certain mépris (deux films "vides", "hipster", "poseurs", pour résumer), c’est pourtant tout ce qui fait leur intérêt. Ni Korine, ni Coppola n’accusent avec mépris, ni l’un ni l’autre ne proposent non plus un portrait complaisant et rassurant. Plus encore peut-être que leur mal-être ado, c’est tout simplement l’ennui qui pousse les jeunes héros à s’évader. Direction l’utopie, la réalité parallèle, l'échappatoire über-futile : un wonderland sex, drugs & hip hop dans Spring Breakers, une aristocratie de happy few dans The Bling Ring, pourvu que ça brille et qu’on y brûle la vie par les deux bouts. En toile de fond, l’hystérie people, la célébration de soi et une identité chamboulée.

Il fallait du culot pour réaliser la scène sur Everytime dans Spring Breakers, pour faire vivre au premier degré, sans ironie, ce qui constitue l’une des choses les plus cheesy au monde : une ballade de Britney Spears. C’est là que Korine comprend mieux ses personnages que n’importe quel film dit "sérieux" (qui ne comprendra rien aux ados mais qui ne sera jamais accusé d’être un attrape-hipster). Même chose pour Coppola qui n’a jamais fait dans le film-constat ou le cinéma-antidote. Elle capture en un même mouvement la superficialité et la candeur de ses personnages, un mélange périlleux qui est au centre de The Bling Ring où des adolescents s’amusent avec des jouets trop grands pour eux jusqu’à ce que la police (géante, grotesque) ne les fasse revenir de l’autre côté du miroir. Des ados qui jouent juste à être quelqu’un d’autre, dont l’innocence les empêche de voir le gouffre dans lequel ils se jettent… à demi-conscients. Spring comme Bling manient la caresse et le fouet, mais pas comme on s’y attendait. Cette fusion de cruauté et de douceur, ce regard sur la jeunesse et ses utopies, auront été l'un des sujets les plus contemporains et passionnants de l’année.

MON TOP INÉDITS (DÉCOUVERTES FESTIVALS / SORTIES DVD / FILMS SANS DATE DE SORTIE)

1. Miss Zombie, Sabu (lire notre entretien)
2. Soldate Jeannette, Daniel Hoesl (lire notre entretien)
3. Karaoke Girl, Visra Vichit-Vadakan (lire notre entretien)
4. Henge, Hajime Ohata (lire notre entretien)
5. The Complex, Hideo Nakata (lire notre entretien)
6. Our Sunhi, Hong Sang-Soo
7. Tore Tanzt, Katrin Gebbe (lire notre entretien)
8. Taboor, Vahid Vakilifar (lire notre entretien)
9. Longing for the Rain, Lina Yang
10. House of Last Things, Michael Bartlett (lire notre entretien)

MES ATTENTES POUR 2014

1. Still the Water, Naomi Kawase
2. Cemetery of Kings, Apichatpong Weerasethakul
3. Nymphomaniac, Lars Von Trier
3. Under the Skin, Jonathan Glazer
5. Seventh Code, Kiyoshi Kurosawa
6. La Conte du coupeur de bambous, Isao Takahata
7. White Bird In A Blizzard, Gregg Araki
8. Sapi, Brillante Mendoza
9. Fantasia, Jang Kun-Jae
10. The Green Inferno, Eli Roth

par Nicolas Bardot

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