Gravity

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Gravity
États-Unis, 2013
De Alfonso Cuarón
Scénario : Alfonso Cuarón, Jonás Cuarón
Avec : Sandra Bullock, George Clooney
Photo : Emmanuel Lubezki
Musique : Stephen Price
Durée : 1h30
Sortie : 23/10/2013
Note FilmDeCulte : ******
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Pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l'astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale sortie dans l'espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l'univers. Le silence assourdissant autour d'eux leur indique qu'ils ont perdu tout contact avec la Terre - et la moindre chance d'être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d'autant plus qu'à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d'oxygène qu'il leur reste. Mais c'est peut-être en s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité terrifiante de l'espace qu'ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre...

HOUSTON, WE HAVE A PROBLEM

Pour bon nombre de personnes, peut-être même tout le monde à vrai dire, la peur du vide est quelque chose de terrifiant. Toutefois, dans Gravity, il n'est pas tant question de peur du vide dans le sens "peur de tomber", pour cause d'absence de la fameuse gravité du titre, mais plutôt d'un vide métaphorique. Le risque encouru par les personnages du film est de dériver éternellement dans l'espace, dans le vide, jusqu'à la mort. Jusqu'au néant. La Terre est là, sous les yeux, si loin si proche. Mais on va mourir. Seul. En l'état, ces notions suffiraient déjà à composer un survival intense, et Cuaron y parvient évidemment avec brio. Un effort qui témoigne de scènes de flippe et de morceaux de bravoure supérieurs à tout ce que le cinéma d'horreur et le blockbuster ont su respectivement nous proposer cette année (et peut-être même ces dernières années). L'action a beau se situer dans l'espace, où aucun de nous n'ira probablement jamais, elle se fait cependant terriblement réelle. Ici, point de kaijus, nul super-héros, aucun robot ni extra-terrestre, la peur de Gravity tient à quelque chose de viscéral. Ce n'est même pas un film de science-fiction, mais de science-réalité. On est plus proche d'un Apollo 13 que d'un Sunshine. Nul besoin de la fiction pour que quelque chose, de la manière la plus fortuite, tourne mal. Comme dans la vie après tout.

DANS L'ESPACE, PERSONNE NE VOUS ENTEND CRIER...

L'approche "naturaliste" de Cuaron ne saurait étonner quiconque connaît l’œuvre du cinéaste, et plus particulièrement sa filmographie depuis Y tu mama tambien. Le réel domine le cinéma de l'auteur, et ce notamment par le biais de la mise en scène. Il va sans dire que tous les outils du langage cinématographique sont au service de cette expérience sensorielle. On peut parler tout d'abord de la question du son dans l'espace, ou plutôt son absence. Le film respecte 99% du temps cette donnée scientifique. Les basses soufflent fréquemment jusque dans nos tripes et à une ou deux reprises, un bruit accompagne un objet frôlant la caméra, mais sinon, seule la musique, oppressante, sert de bande-sonore, remplaçant tout bruit, toute explosion, etc. Ensuite, à l'heure où certains contestent encore l'intérêt de la 3D, Gravity vient une nouvelle fois prouver les biens-fondés du procédé qui apporte ici une qualité des plus immersives, crédibilisant l'incroyable travail abattu sur les images de synthèse (l'Oscar est déjà dans la poche), et magnifiant l'apesanteur si propice au relief, qu'il s'agisse du petit objet flottant ou de la stratification bienvenue des "plans" (une navette ici, le personnage à côté, la station spatiale derrière, la Terre en fond). La mise en scène n'en fait jamais un gadget, mais un usage réfléchi. Justifié.

..."ON LÂCHE RIEN"

Il en va de même pour les plans-séquences. Il faut dire qu'on l'attendait, le père Cuaron. Entre ses précédents films, en particulier Les Fils de l'Homme, et les échos émanant de celui-ci depuis les débuts de sa conception, on était de plus en plus curieux de voir ces fameux plans de 15 minutes. De ce point de vue-là, la forme vient une fois de plus conférer du réalisme à l'action, mais elle ne se contente pas d'être simplement fonctionnelle. Elle est pourvue de sens. Dans le vide de l'espace, dans ce gigantesque espace qu'est l'espace, il n'y a presque rien. Presque rien ne sépare les êtres, ne se place entre eux. De même, rien ne vient perturber le plan. Rien ne vient le couper. Parfois, un personnage est même littéralement attaché à un objet. Ou à une autre personne. La première coupe intervient donc naturellement lors de la première rupture. Et on tient là tout le sens du film. Loin de se limiter donc à un film de survie, avec une petite référence aux Dents de la mer par-ci ou un clin d’œil à Alien par-là, Gravity est un film sur la survie. Et sur la vie. C'est un film sur le rapport à l'autre, sur l'attraction, terrestre mais surtout humaine, qui nous attache.

FOUND IN SPACE

Tout dans l'action se rapporte à cette simple idée : rejoindre l'autre, rejoindre les autres, rejoindre la navette, rejoindre la planète, rejoindre la civilisation. Sandra Bullock, impeccable de vulnérabilité, incarne une femme dont la soudaine situation extraordinaire ne fait que refléter celle qu'elle a adoptée de manière bien trop ordinaire. Sa vie est en suspens, en apesanteur. Détachée du monde, elle doit le rejoindre. Elle ne doit pas lâcher. Elle doit lâcher prise sur le passé mais pas sur la vie. Et le film est l'histoire de sa renaissance. Après toute une série de films sur le passage à l'âge adulte, Cuaron semble avoir amorcé avec Les Fils de l'Homme une autre phase de sa carrière, portée par des personnages d'adultes blessés et cette thématique de la survie face au désespoir, suite à la tragédie. Avec ces plans-séquences qui durent, qui ne coupent pas, qui ne lâchent pas prise. Malgré la gravité des événements. Gravity est un des films les plus beaux de l'année, sur la forme comme sur le fond.

par Robert Hospyan

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