Festival de Gérardmer: Entretien avec Sabu

Festival de Gérardmer: Entretien avec Sabu

C'est l'un des sommets de mise en scène de l'année: Miss Zombie de Sabu a été dévoilé en première mondiale à la rentrée, à l’Étrange Festival, avant d'être sélectionné à Busan ou Sitges. Le film raconte l'histoire d'une famille japonaise qui emploie une jeune femme zombie comme domestique. Par sa grande ambition formelle, son budget très limité et son puissant propos politique, le film de Sabu évoque les grandes heures du cinéma de Koji Wakamatsu. Entretien avec un réalisateur dont l’œuvre constituée d'une dizaine de films reste à découvrir en France...

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Quel a été le point de départ de Miss Zombie ?

Une histoire vraiment neuve peut naître à partir du moment où l'on brise les règles et le bon sens. C'est toujours ce que j'ai en tête lorsque je crée une histoire. J'ai toujours été intéressé par les zombies, qui sont populaires partout dans le monde. J'ai commencé par me demander comment je pouvais me défaire de l'imagerie traditionnelle du zombie, et comment exprimer une certaine humanité à travers eux.

Vous avez déclaré lors d'une interview: "En tant que réalisateur, j'ai besoin d'être excité". Qu'est-ce qui vous excitait le plus dans ce Miss Zombie ?

Ce qui m'a le plus excité, c'était le défi lancé par un budget limité et un temps de tournage réduit. Je voulais prouver qu'on pouvait créer quelque chose d'intéressant à partir d'une simple idée. Sans avoir à dépenser une tonne d'argent sur les CGI, vous pouvez exprimer les sentiments de personnages et toucher le cœur des gens simplement en ajoutant un peu de couleur à une image en noir et blanc.

Il y a quelque chose d'étrangement doux dans l'atmosphère de votre film. Le rythme est lent et hypnotique. Il n'est pas tout de suite question de zombie enragé, votre héroïne ressemble presque à un fantôme. Pouvez-vous nous parler de cette approche surprenante ?

L'une des clefs de Miss Zombie, c'était de montrer à quel point les humains, piégés dans leur psychisme collectif, ressemblent à des zombies, tandis qu'un zombie, seul face à lui-même, est au final davantage humain. Généralement, on peut représenter un humain qui s'effondre, se disloque, en le montrant comme quelqu'un de brutal, handicapé d'une certaine manière. Tout cela s'explique essentiellement par un sentiment de désespoir. En ce qui concerne le personnage de Sara, le zombie, j'ai voulu laisser une part de sentiment maternel en elle. C'est parce qu'il reste une part d'humanité en elle qu'elle s'élève contre son destin. J'ai souhaitais la montrer comme une esclave, en contraste avec la force dont elle peut faire preuve.

J'étais également très attentif aux sons. Les bruits de nettoyage, le sol qui est gratté inlassablement, avec un balai ou une brosse, ce sont des choses qui peuvent évoquer un certain quotidien paisible dans les films. Pour moi, ce bruit monotone et lancinant, c'était une façon d'exprimer l'existence de Sara, le désir des hommes et la peur grandissante de l'épouse qui tourne à la folie.

Miss Zombie est visuellement sublime. Comment avez-vous collaboré avec votre chef opérateur Daisuke Soma, aviez-vous des références picturales venues du cinéma ou d'ailleurs ?

L'usage du noir et blanc au cinéma m'a toujours intéressé. Les lumières et les ombres. Je voulais faire un film extrêmement beau, particulièrement parce qu'il s'agit d'un film sur un zombie. Ce que j'ai dit à M. Soma ? Faites une image qui soit belle.

Le zombie a souvent été une figure politique du cinéma d'horreur. Au-delà du film de zombie, Miss Zombie est surtout une farce sur la misogynie et un vrai film féministe, assez révolutionnaire dans sa volonté de mise à mort du patriarcat. Qu'est-ce qui vous a poussé à traiter ce thème pour votre film ?

Mes films ont toujours pris le parti des opprimés.

Comment avez-vous produit Miss Zombie ? Nous avons rencontré notamment certains réalisateurs japonais autoproduits tels que Katsuya Tomita qui nous ont parlé de la difficulté de faire du cinéma autrement au Japon. Le Japon continue de produire beaucoup de film mais a t-il été périlleux de produire un long métrage tel que le votre ?

C'est Amuse Entertainment qui m'a proposé de faire un film à tout petit budget. J'ai été quelque peu surpris quand j'ai entendu ce montant. Mais comme je vous l'ai dit, c'est aussi ce qui, d'une manière, m'a motivé. C'était un vrai challenge.

Quels sont vos projets ?

Je suis en train de préparer mon nouveau film. Il s'agira d'une adaptation d'un roman que j'ai écrit.

Entretien réalisé le 3 décembre 2013. Un grand merci à Yukari Kuwayama.

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par Nicolas Bardot

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