Publié le 09/05/2017

TRIBUNE: sur la sortie de "Sayonara" à Paris

TRIBUNE: sur la sortie de "Sayonara" à Paris

Cela fait un moment qu'on vous en parle: Sayonara, le nouveau film de Koji Fukada, sort ce mercredi 10 mai en salles. Mais pourrez-vous le voir, en tout cas à Paris ? Le long métrage ne sortira en effet que dans... 1 salle, avec 3 séances par jour. C'est une nouvelle lamentable pour ce film majeur, réalisé par un des espoirs du cinéma mondial, et dont le précédent film bien accueilli en salles avait disposé de 10 fois plus de copies à Paris. Voilà qui pose également la question de la place des distributeurs plus petits et plus fragiles, et de la diversité en salles. Guillaume Morel, co-fondateur de Survivance (qui distribue Sayonara), s'est exprimé à ce sujet.

"Je distribue Sayonara, film de Koji Fukada. A partir du 10 mai, le film sera proposé à Paris dans une seule salle, sur 3 séances par jour grâce au Reflet Médicis. Je n’ai pas réussi à offrir plus au film. Comment expliquer une distribution aussi famélique pour un cinéaste aujourd’hui identifié des cinéphiles, qui a remporté le Prix du Jury - Un certain Regard à Cannes en 2016 pour Harmonium ? Harmonium est sorti à Paris sur 10 salles en janvier 2017, chez les indépendants et dans les grands circuits. Il a, je crois, bien fonctionné.

Je n’attendais pas à un plan de sortie équivalant bien entendu pour Sayonara mais comment comprendre que le même cinéaste soit traité de manière si radicalement différente d’un film à l’autre, à quatre mois d’intervalle ? Je ne me leurre pas sur la différence entre les films et les deux distributions. Certains voient dans Sayonara une radicalité peu évidente, un film dit « difficile ». Et nous n’avons pas la même taille que le distributeur d’Harmonium, V.O. . Le film suscite, certes, des avis assez tranchés, pourtant une partie de la presse va grandement soutenir le film. Le travail de notre attaché de presse, Emmanuel Vernières, a débuté dès janvier autour d’avant-premières du film. Un vrai travail de fond. Les Cahiers du Cinéma ont publié quatre pages passionnantes sur le film. Sayonara est porté par une grande ambition, hanté par la catastrophe de Fukushima, joué par un véritable robot – un défi technique aussi bien qu’esthétique. Dans un final saisissant, il y a un plan je crois qui n’a pas d’équivalent dans le cinéma récent. Tout cela, Koji Fukada l’a réalisé avec une économie de moyen et de temps peu commune. Je le considère à ce titre comme un des grands artisans et auteurs du cinéma contemporain.

J’ai l’impression que ce n’est pas le film qui bloque, mais que le marché ne tolère plus des petites structures artisanales comme Survivance. Pourtant je n’ai pas l’impression de faire particulièrement mal mon métier. Nous communiquons sur Sayonara depuis près de 6 mois. A chaque sortie nous essayons de proposer des manières innovantes de soutenir le film : Présentations du film aux séances de l’après-midi par le réalisateur (initiées par Jean-Marc Zekri du Reflet Médicis), présence du réalisateur tous les jours dans la salle (La Nuit et l’Enfant, Bienvenue à Madagascar), DVD d’Au revoir l’été offert aux premiers spectateurs de Sayonara

Notre économie de sortie ne nous permet pas de nous aligner sur un marketing à la hauteur de celui d’Harmonium mais nous investissons de films en films un peu mieux et un peu plus. La communication autour de Sayonara n’a rien de déshonorant. Cela n’a pourtant jamais été aussi difficile.

Survivance a œuvré à la découverte de cinéastes tels que Kleber Mendonça Filho, Koji Fukada, Anocha Suwichakornpong, Chaitanya Tamhane, primés à Cannes, Rotterdam ou Venise, à faire ressurgir les œuvres Ghassan Salhab et Franssou Prenant. Leur talent ne nous doit rien mais nous avons été un maillon pour un peu mieux les faire connaître en France. Nous n’avons jamais eu l’ambition de saturer les salles, notre modèle économique nous permettant de nous en sortir avec deux ou trois salles parisiennes. Ces deux ou trois salles paraissent aujourd’hui inaccessibles et notre modèle mis en péril. En région, par contre, le film trouve sa place à la hauteur de nos espérances. Ainsi le film aura quasiment le même nombre de séances à Rouen qu’à Paris, soit dans une agglomération vingt fois plus petite que celle de la capitale. Espérons que les spectateurs parisiens ne seront pas découragés d’aller voir le film. Rendez-vous au Reflet Médicis dont le travail auprès des cinéphiles est, soit dit en passant, exemplaire.

Guillaume Morel / Survivance"

Nous vous encourageons chaudement à découvrir Sayonara en salles dès mercredi, en province et à Paris, et à continuer à soutenir le cinéma indépendant.

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par Nicolas Bardot

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