Publié le 16/02/2008

BERLINALE 2008: le neuvième jour

Katyn de Andrzej Wajda - Hors Compétition
Début 1940 le Pologne est prise entre les feux allemands et soviétiques. Des dizaines de milliers de polonais sont faits prisonniers. Les allemands emmènent les soldats alors que les russes déportent les officiers. Environ 15000 d’entre eux seront exécutés par les services secrets soviétiques et enterrés dans un bois aux alentours de la ville de Katyn. Le film retrace ces faits à travers le destin de quatre de ces officiers et de leurs familles.
Ce film est particulièrement important pour Andrzej Wajda car son père a fait partie des quelques milliers d’officiers qu’il furent exécutés, chacun une balle dans la nuque, en cette année 1940. C’est seulement en 1943 alors que les nazis envahissent l’Union Soviétique que les charniers sont découverts et le mystère concernant ces disparitions massives éclairci. Cependant, le système de propagande soviétique fait rejaillir la culpabilité sur les nazis et puni toute tentative de divulgation de la vérité par de lourdes sentences de prison. En 1990 enfin le Kremlin reconnaît publiquement que la police secrète de Joseph Staline était responsable de ces crimes. Le film du réalisateur polonais raconte l’histoire des familles qui ont été séparées pour toujours. Les années d’attente et d’espoir de ces femmes de voir leur mari franchir un jour le seuil de la maison. Puis la découverte de la vérité brutale et cruelle, augmentant ainsi toujours plus le nombre des victimes. Il met en image l’incroyable organisation du massacre renforçant ainsi l’impact de l’horreur mieux que des lignes dans un livre d’histoire ne peuvent le faire. Katyn est dans ce sens un précieux témoignage et rappelle qu’un des devoirs du cinéma est aussi de se faire le témoin de l’histoire afin de ne rien oublier.


Deux Soeurs pour un roi de Justin Chadwick- Hors Compétition
Angleterre, XVIème siècle. Anne et sa jeune sœur Mary sont pour leur ambitieux de père un moyen de pouvoir acquérir un titre et du pouvoir par un mariage avantageux. La grande opportunité se présente quand le roi Henry VIII se détourne de sa femme qui ne peut avoir d’enfants. Avec la complicité de son beau-frère il échafaude des intrigues afin de mettre Anne, puis Mary dans le lit royal, provoquant une jalousie grandissante et dangereuse entre les deux sœurs.
Pour son premier film Justin Chadwick décrit avec faste le destin de ces deux sœurs qui va donner naissance à Elisabeth, future reine d’Angleterre. Il est basé sur le roman à succès de Feder von Philippa Gregory Les Soeurs du Roi et comporte son lot d’intrigues, de trahisons et romances sur fond historique. L’intérêt principal de l’histoire est la dégradation de la relation entre Anne et Mary et elle tient toutes ses promesses. Natalie Portman est une nouvelle fois parfaite dans le rôle de l’ambitieuse Anne qui ne reculera devant aucun sacrifice pour atteindre son but : devenir reine. Scarlett Johansson prouve qu’elle n’a pas seulement une appétissante apparence à offrir et qu’elle peut aussi jouer sur le registre des sentiments, le tout dans un parfait accent anglais. Eric Bana vient compléter le tableau et si le spectateur peut comprendre qu’il tombe sous le charme de Mary, son revirement en faveur d’Anne est moins clair. Une autre source d’étonnement sont les costumes, que ce soit les étranges coiffes portées par la reine et ses dames de la cour ou encore la silhouette quaterback du roi, ce qui n’aide pas à renforcer la crédibilité déjà entamée du personnage. Cela dit l’intrigue est suffisamment riche en rebondissements pour captiver le spectateur et laisser ces détails au second-plan.


Ballast de Lens Hammer
Lawrence est prostré silencieux. Dans la pièce d’à côté son frère Darrius git sur son lit, mort. James est un adolescent livré à lui-même dans la campagne du Delta du Mississipi alors que sa mère Marlee se tue à la tâche pour joindre les deux bouts. Après une violente incartade avec des voyous locaux Marlee décide de prendre James et de s’installer sur la propriété de Lawrence dont elle réclame la moitié.
Ballast est un film abrupte et austère comme la plaine du Delta du Mississipi où il a été tourné. S’inspirant de la méthode Dogma Lens Hammer a tourné en lumière naturelle, avec des débutants (ou presque) pour un message qu’il fait plus passer par la caméra que par les rares dialogues du film. La musique est aussi absente du métrage afin de respecter le silence qui règne dans cette partie du monde. C’est un film brut qui exige de la part du spectateur de la patience. L’intrigue prend son temps pour se dévoiler et avec elle les liens qui unissent les personnages. Une prise de risque que le réalisateur américain justifie avec cette phrase : « Nous avons des cerveaux, c’est pour nous en servir. » La caméra est à l’épaule et en constant mouvement avec les personnages afin de saisir l’immédiateté de l’action qui se déroule. Le caméraman Lol Crawley a fait un prodigieux travail sur la profondeur de champ de ses plans donnant un sens au terme flou dramatique. Les acteurs, tous non-professionnels et recrutés sur place, ajoutent une touche d’authenticité supplémentaire à l’œuvre. Ballast est un film trop extrême dans sa narration et son intrigue pour faire l’humanité et va laisser plus d’un spectateur en chemin. La bonne nouvelle c’est qu’il existe des réalisateurs assez courageux pour revendiquer une idée du cinéma qui se situe hors des sentiers battus.


Demain 10 février remise des prix et projection du film de clôture : Be Kind Rewind de Michel Gondry.

par Carine Filloux

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