Publié le 16/09/2019

L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu du 14 septembre

L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu du 14 septembre

L’Etrange Festival attaque sa dernière ligne droite avec son dernier week-end. Pour son avant-dernière journée, le samedi 14 septembre, on se concentre sur la compétition avec Koko-di Koko-da et Bliss, et d’autres nouveaux films présenté en catégorie Mondovision, avec The Lighthouse et Little Joe.

Le bouche-à-oreille ne tarissait pas d’éloges au sujet de Koko-di Koko-da (Johannes Nyholm, Suède/Danemark), dans lequel un couple ne parvient pas à faire face au décès brutal de leur petite fille. Construit à partir de et comme une ritournelle, le schéma du récit dévoile, bien que basé sur une bonne idée, rapidement ses ficelles. Il manque un peu de finesse pour faire de ce qui aurait pu être un bon court-métrage, un long pleinement satisfaisant.

Présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes et tout juste récompensé du prix du jury à Deauville, projeté dans le cadre de la sélection Mondovision à l’Etrange, The Lighthouse (Robert Eggers, Canada/USA) place Williem Dafoe et Robert Pattinson en gardiens de phare, dans une image en 4:3 et en noir et blanc. On devait déjà The Witch à Robert Eggers, un long-métrage horrifique basé sur des textes à propos de la sorcellerie et qui mettait en scène une adolescente dans une zone reculée des Etats-Unis pas encore totalement colonisés. L’adolescente, accusée de tous les maux par sa famille puritaine, devenait progressivement une sorcière. Dans The Lighthouse, les deux gardiens de phare exilés sur un rocher, avec la mer et les mouettes pour seule compagne, deviennent fous. Robert Eggers s’amuse à brouiller les identités et la source du mal, répétant la même malédiction qui semble inexorablement attendre ses personnages. L’histoire, qui s’inscrit dans un registre pathétique (au sens noble de terme), tire ses inspirations du mythe. Bien que présentant une esthétique soignée loin des standards hollywoodiens, The Lighthouse n’est pas l’oeuvre radicale et révolutionnaire tant annoncée – mais elle n’en demeure pas moins un fabuleux voyage.

On poursuit avec un autre film présent cette année à Cannes, cette fois en compétition, où il avait été froidement accueilli mais était reparti avec le prix d’interprétation féminine. Dans Little Joe (Jessica Hausner, Autriche/Grand-Bretagne/Allemagne), une scientifique met au point, avec ses collègues, une fleur dont le parfum rend heureux. Elle le baptiste Little Joe, en référence au prénom de son fils, à qui elle offre un prototype. Mais la fleur n’est peut-être pas si inoffensive qu’elle en a l’air. Les détracteurs du film l’ont qualifié de « mauvais épisode de la série Black Mirror », le programme de l’Etrange festival le présentait comme empli de références à Hanecke… Little Joe n’est finalement autre qu’une œuvre qui utilise son histoire de plante comme prétexte aux dilemmes moraux de son personnage principal. Il aborde la question du rôle de la mère et de la difficulté à trouver le bonheur sans mauvaise conscience, devenant progressivement un conte cruel, dans lequel l’épanouissement personnel pourrait subvenir à condition de supprimer son libre arbitre. Little Joe est un peu léger dans le sens où il peine à traiter pleinement de son histoire-prétexte et dévoile rapidement ses pistes, mais demeure une œuvre non pas dépourvue d’intentions et de bon sens.

Cette avant-dernière journée de festival se termine avec Bliss (Joe Begos, USA). Dezzy est une jeune peintre reconnue mais en proie au syndrome de la toile blanche. Un soir, un de ses amis lui vend du bliss, une drogue qui lui offre à nouveau inspiration mais provoque d’affreux black-out dans lesquels elle semble se livrer à des actes d’une violence inouïe. Tourné dans un fabuleux 16 mm, Bliss propose un hommage aux années soixante-dix, à la fois dans son esthétique que dans sa (mince) histoire. Le film est néanmoins un peu faible, préférant des procédés stroboscopiques usants à des mouvements de caméras intéressants. Il naît la sensation d’un film d’adolescent qui raconte à ses copains qu’il a passé un week-end délirant à faire la fête, consommer de l’alcool et s’adonner à des orgies sexuelles, alors qu’on sait tous pertinemment qu’il a passé les deux derniers jours enfermés dans sa chambre, privé de console.

C’est le cœur un peu triste qu’on termine cette journée de films étranges. Cette vingt-cinquième édition, qui n’est pas encore tout à fait terminée, a su être plutôt convaincante jusque là et réserve encore, pour son dernier dimanche, quelques titres et synopsis prometteurs.

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par Manon Franken

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