Ordinary People

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Ordinary People
Pamilya Ordinaryo
Philippines, 2016
De Eduardo Roy Jr.
Scénario : Eduardo Roy Jr.
Durée : 1h47
Note FilmDeCulte : *****-
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Jane et Aries sont encore adolescents, mais sont déjà parents. Ils survivent en volant dans la rue. Mais le destin ne va pas les ménager...

URGENCE FAMILIALE

Voilà près de cinq ans que FilmDeCulte vous parle d'Eduardo Roy Jr comme l'un des talents à suivre en provenance des Philippines (voir notre dossier). Cinq ans et trois longs métrages, tous passionnants mais scandaleusement inédits chez nous en dehors de festivals dédiés aux cinémas asiatiques (Vesoul, Deauville). Eduardo Roy Jr a pourtant été à bonne école, deux bonnes écoles même. Tout d'abord la télévision, où son travail sur des séries lui a apporté une aisance remarquable dans la gestion des récits de groupe, mais également auprès de Brillante Mendoza (ou plus précisément, auprès du scénariste de ce dernier), avec qui son cinéma partage plus d'un point commun. Les films de Roy et Mendoza appartiennent à un sous-genre que le réalisateur de Ma'Rosa appelle lui-même le Found Stories (expression en forme de clin d’œil au found footage): des histoires vraies, ancrées de manière indéboulonnable dans un réalisme social, mais qui, tout en utilisant les codes du documentaire, deviennent des thrillers à la fois tendus et émouvants.

Le tout premier plan du film provient d'une caméra de surveillance, placée loin en hauteur d'un groupe de personnes dans la rue. Un accident brutal et furtif dans un coin de l'image (ne clignez pas yeux sous peine de le rater) installe d'emblée la détresse. Mais il ne concerne pas les protagonistes, qui ne faisaient de toute façon que passer par là. Le trompe-l’œil est amer: non seulement la tragédie attend potentiellement chacun au coin de la rue, prête à détruire les vies, mais le malheur des autres est tellement récurrent qu'il ne provoque presque pas de réaction chez l’héroïne, trop occupée à survivre et garder son bébé en vie pour se permettre trop d'états d'âme. C'est pourtant sur son bébé que va s'abattre le malheur, à travers l'arrivée d'un personnage particulièrement sournois incarnée par Moira Lang, la bonne fée du cinéma philippin contemporain.

C'est un cliché commun, une erreur récurrente, de penser qu'il est aisé de faire un film réaliste, qu'il suffit d'allumer la caméra et de capter la réalité. Chez certains réalisateurs paresseux, le réalisme social sert parfois de cache-misère à un talent limité. Chez Eduardo Roy Jr, c'est l'inverse. L'impression de réel est bouillante, on s'y brûle, bien plus qu'ailleurs. On y dort dans la rue, dans des hamacs en cas de chance ou, plus souvent, sur des cartons, mais sans béatitude ni misérabilisme outrancier. Autrement dit, sans clichés de mauvais cinéma d'auteur. Ordinary People file à un rythme urgent, et pourtant cela n'empêche jamais un étonnant mélange de dureté et de tendresse, comme une sorte de version électrifiée de L'Enfant des frères Dardenne. C'est aussi cela qui rend le film si vivant.

La course des deux protagonistes, qui appellent au secours de maisons en commissariats pour sauver leur bébé, est émouvante, mais surtout particulièrement tendue. Pourtant, ce suspens ne provient pas exclusivement des codes du thriller (ce qui, pour un film aussi réaliste, pourrait passer pour du mauvais goût). C'est surtout pour Eduardo Roy Jr l'occasion de faire le portrait d'une société en panique, où la corruption est partout, depuis les bureaux des hauts fonctionnaires jusque dans les couches des poupons, et où l'entraide a beau être un réflexe, c'est un luxe que peu peuvent se permettre. Les deux précédents films du réalisateur, Baby Factory (qui se déroulait une maternité) et Quick Change (sur une mère transsexuelle) posaient déjà indirectement la même question: qu'est ce qu'une famille ? Où commence t-elle et ou s'arrête t-elle? Et si un membre disparaît, ceux qui restent forment-ils toujours la même famille ? C'est l'absence de réponse trop évidente à ces questions qui rend Ordinary People si bouleversant.

par Gregory Coutaut

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