Entretien avec Moira Lang

Entretien avec Moira Lang

Vous ne connaissez peut-être pas encore Moira Lang, mais Moira Lang sait tout faire : productrice, scénariste, actrice et bien plus encore, elle est une figure-clef du nouveau cinéma philippin. Moira s’est illustrée à travers des films aussi divers que le monumental Norte, la fin de l’histoire (en salles ce mercredi 4 novembre), l’une des sensations du Festival de Cannes 2013 , ou Remington and the Curse of the Zombadings, l’éclat de rire queer de Gérardmer. Rencontre avec une passionnée de cinéma qui n’a pas peur des grands écarts.

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Bonjour Moira. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Moira Lang. A ma naissance, on m’a donné un nom sans que j’aie le choix, et on m’a donné une religion sans que j’aie le choix. Mon nom de baptême est Raymond Lee (c’est sous ce nom que Moira était jusqu’ici créditée, y compris sur Imdb, ndlr). J’ai choisi ce nom il y a un an, grâce à mon amie Mae Paner. Moira est presque le verlan de Raymond. Au générique du film de Lav Diaz, Norte, je suis créditée pour la première fois sous ce nom. Je travaille aux Philippines en tant que scénariste et productrice de cinéma, mais je dirais que je suis cinéphile avant tout. J’adore faire des films, mais je crois que j’aime encore plus les regarder. Faire un film est un plaisir, mais vendre un film aux Philippines ou ailleurs, c’est beaucoup plus difficile. Ce que je préfère, c’est être avec le public au moment où il découvre un film. Les réactions à la fin de la projection de Norte à Cannes m’ont complètement prise par surprise. Au moment où les lumières se sont rallumées nous avons eu une standing ovation, c’était fantastique. Le seul problème c’est que Lav avait préféré s’éclipser de la salle quelques minutes avant, il a donc fallu aller le chercher pour qu’il voie ça !

Comment le projet Norte est-il né ?

Norte est né d’une séance de brainstorming entre moi, Rody Vera et Michiko Yamamoto (coscénariste de Zombadings, ndlr). Elle avait déjà écrit le tout premier film que j’ai produit : L’Eveil de Maximo Oliveiros, qui est d’ailleurs sorti en France. A la base, Norte devait parler d’un prisonnier qui cesse de recevoir des visites de sa femme, et qui se met à fabriquer des lanternes, il en crée une par an pour marquer le passage du temps. Pourquoi pas ? Mais ça ne me parlait pas particulièrement. J’ai donc invité Michiko et Rody Vera, le coscénariste du film, à venir m’en reparler. C’est là que les grandes lignes de l’histoire sont apparues : les deux personnages principaux, les thèmes du crime et du châtiment, l’idée d’un voyage spirituel… A ce stade-là, j’ai commencé à être très excitée par ce projet, parce que ça ne ressemblait plus du tout à ce que je pouvais voir tous les jours. C’est à ce moment-là que j’ai appelé Lav, qui est un ami depuis plus de dix ans. On a été ensemble à Manille, Singapour, New York, mais on n’avait jamais eu l’occasion de travailler ensemble.

La première chose que je lui ai dit, c’est « J’ai une histoire typiquement Lav Diaz pour toi ». Je lui ai raconté l’histoire et il m’a tout de suite demandé « Super, quand est ce qu’on commence ? ». A partir de là tout s’est passé très vite. Cette première discussion remonte à il y a à peine un an. On a tourné en février. Lav a monté plusieurs versions du film, il me les a montrées et il prenait en compte mes remarques. Le montage final, celui qui a été montré à Cannes, fait 4h10. Pour le marché philippin, nous allons en revanche être contraints de réduire la durée à 2h30 maximum afin que le film puisse sortir en fin d’année. A ma grande surprise, Lav a accepté de se plier à cette contrainte. De toute façon, au moment du tournage, nous étions tous persuadés de tourner un film d’à peine deux heures !

Cela signifie que le public philippin n’aura pas du tout l’occasion de voir la version « longue » ?

Rien n’est sûr. Au moment de partir à Cannes, nous avons dû collecter des fonds afin de permettre aux sept personnes nécessaires de s’y rendre. Le gouvernement, qui soutient généralement les réalisateurs, nous aidés, mais pas suffisamment. Il faut dire que le Film Development Council s’est retrouvé dans une position délicate puisque pour la toute première fois il y avait trois films philippins sélectionnés à Cannes! Il y avait donc beaucoup de monde à envoyer là-bas. Nous avons prévu d’organiser au moins une projection privée du film dans un vrai cinéma, mais je doute qu’il sera exploité tel quel. Peut-être en dvd ? Mais les précédents films de Lav Diaz n’ont jamais été édités en dvd.

Même aux Philippines ?

Non. J’espère que Norte permettra à un public plus important de s’intéresser à ses films précédents. Peut-être que quelqu’un pourra alors financer la fabrication de ces dvd. C’est pour cela que Cannes est le meilleur point de départ pour la carrière d’un film.

L’accueil du film a été très bon, non ?

Oui, il a été bien au-delà de nos attentes, on n’en revenait pas! J’espère que cela attirera l’attention générale sur notre pays. Je me rappelle avoir un jour dit à Lav : « Tes films sont tellement longs que la plupart des Philippins ne peuvent même pas les voir, pourtant tu aimerais que tes films soient vus, non ? ». Il m’a répondu que oui, bien sûr. Donc nous avons fait ce film aussi dans le but de familiariser les spectateurs philippins à son cinéma. Il faut savoir qu’aux Philippines, les circuits de distribution sont contrôlés par les distributeurs de films hollywoodiens et ceux qui distribuent les grosses productions locales avec de grandes stars. Derrière tout cela, il y a évidemment les grandes chaînes de télévision, qui s’assurent que les films qu’elles produisent bénéficient de promotion en boucle à l’antenne. La promotion, c’est quelque chose de complètement inaccessible pour des films comme les nôtres, c’est bien trop cher pour nous. De plus, la plupart des cinémas refusent de diffuser ce type de film. Parfois on arrive à obtenir quelques jours de diffusion, mais si les entrées sont décevantes, ces cinémas retirent le film de l’affiche au bout d’une seule journée. C’est comme ça que ça marche.

Il n’y a pas de loi antitrust aux Philippines pour lutter contre les monopoles. C’est difficile de s’imposer car nous luttons contre des géants. Nous ne pouvons promouvoir nos films que sur Internet, et c’est loin d’être suffisant. Mes partenaires et moi sommes d’accord sur le fait que la seule solution serait de créer notre propre salle de cinéma. Mais dès que l’on dit ça, les gens nous rient au nez. Cela peut paraitre simpliste, mais c’est la seule solution. On est ravis d’être sélectionné dans des festivals à l’étranger, nous avons déjà reçu une vingtaines d’invitations, mais le plus important pour nous reste que nos compatriotes puissent voir nos films. C’est très frustrant. On voudrait leur parler, parce que nos films parlent de notre société. Norte a quelque chose de typiquement philippin, dans le sens où l’histoire du pays s’y retrouve en filigrane.

Après tout ce que nous avons traversé : la colonisation espagnole, la colonisation américaine, la seconde guerre mondiale, la dictature de Marcos, la révolution… Nous ne sommes finalement pas mieux rendus aujourd’hui. C’est comme si les Philippins avaient une mémoire à très court terme. Nos révolutions peuvent être très rapides et très efficaces, mais nous avons tendance à les oublier un peu rapidement.

A FilmDeCulte, nous avons vu plusieurs autres films sur lesquels vous avez travaillé, notamment Remington and the Curse of the Zombadings, qui a été diffusé en France dans le cadre du Festival de Gérardmer.

Ça alors ! Tant mieux, parce que Norte et Zombadings sont deux films qui ne pourraient pas être plus différents l’un de l’autre. Je viens également de terminer une autre comédie, Juana C., réalisée justement par Jade Castro, le réalisateur de Zombadings. C’est notre troisième collaboration. Pour moi c’est l’un des tout meilleurs réalisateurs philippins. Ce qui est amusant c’est que, même si ses films restent difficiles à voir, Lav Diaz est tout de même suivi par des fans. Par contre, très peu de gens eu Europe ont eu l’occasion de voir Zombadings, il a été très peu diffusé.

Nous l’avons vu dans le cadre d’un festival de film fantastique qui propose une approche très large et éclectique du genre. Le film nous a surpris et beaucoup plu. L’ironie, c’est que dans ce type de manifestation il y a toujours une partie du public qui vient pour voir de l’horreur avec des codes classiques, et donc des filles sexy avec des gros seins.

(Rires) Ils ont dû être surpris ! J’aime les films qui prennent par surprise. Zombadings et Norte n’ont rien en commun en apparence, mais ce sont deux films qui sortent des sentiers battus à leur manière, et c’est ça qui me plait. Norte ne ressemble pas aux précédents films de Lav Diaz. Même ses admirateurs s’accordent à dire qu’il s’agit d’un nouveau départ dans son œuvre. Et pas seulement parce que celui-ci est en couleur, ou qu’il est plus court et ne dure que quatre heures. Zombadings est également un film qui a pris les gens de court, même aux Philippines. Dans les deux cas, les spectateurs croient savoir à quoi s’attendre mais se retrouvent surpris. Voilà ce que je veux faire, c’est une constante dans mon travail. Avant de travailler dans le cinéma, j’étais déjà cinéphile. Je l’ai toujours été et je le suis encore. C’est ce que je dis à tous les réalisateurs avec qui je travaille : l’élément le plus important, c’est de maintenir le spectateur dans un état de surprise. Il ne faut pas se contenter de leur montrer exactement ce à quoi ils s’attendent déjà. En tant que spectatrice, ce que je préfère dans un film c’est justement les moments auxquels je ne m’attendais pas. Si l’on part du principe qu’on va pleurer en allant voir tel film, on ne pleurera finalement pas tant que ça. C’est la même chose pour les comédies. Si l’on veut être touché par une œuvre d’art, il faut que celle-ci nous fasse sortir de nos rails d’une manière ou d’une autre. C’est ce qui manque le plus, à mes yeux, dans le cinéma philippin contemporain.

Les gros studios, ceux qui font des films commerciaux, mais aussi les réalisateurs indépendants… tous sont plus ou moins programmés pour faire un certain type de film, et la plupart n’en dévie jamais. Même un film considéré comme art et essai peut se contenter de suivre des règles très convenues et déjà vues. Je peux prendre autant de plaisir à voir un bon film commercial qu’un bon film d’auteur, mais au bout d’un moment ils finissent par tous se ressembler. C’est pourquoi j’ai l’envie véhémente de continuer à travailler sur des films différents. Même si cela peut parfois être très frustrant.

C’est sur ce critère que vous choisissez les films que vous produisez, ou la rencontre avec le réalisateur passe-t-elle avant tout ?

J’essaie de ne pas trop analyser ce qui m’y pousse. Je n’ai pas une liste de qualités recherchées que je coche face à tel ou tel projet. Parfois ce sont les projets en eux-mêmes qui me motivent, parfois c’est avant tout un réalisateur avec qui je veux collaborer. Quand je m’attache à un projet, je n’attache également aucune importance au genre. Tout ce que j’exige c’est d’être interpellée dès la première lecture, même si on ne me présente qu’un traitement d’une page.

Zombadings a été vu aux Philippines ?

Oui, ça a même été un gros succès! C’est presque un mirage d’ailleurs, ça nous a donné l’illusion qu’il y avait un marché pour des films comme les nôtres. Mais ce n’était que l’exception qui confirme la règle. La première a eu lieu en clôture du Festival Cinemalaya. C’était d’ailleurs la première fois que le festival décidait d’organiser une soirée de clôture. Deux films ont été projetés: Rakenrol de Quark Henares, et Zombadings, qui passait à minuit. Nous n’aurions pas pu projeter le film devant un plus grand public : cela avait lieu dans la plus grande salle de Manille et la séance était complète, il y avait 1600 spectateurs et tout le monde se marrait. C’était génial ! Globalement, le film a été plutôt bien reçu par les critiques, à quelques exceptions près. Ça ne me dérange pas qu’un critique n’apprécie pas un film sur lequel j’ai travaillé, j’ai moi-même des amis qui sont critiques et je respecte leur travail et leur indépendance.

Mais en l’occurrence, j’ai eu du mal avec les arguments avancés par certains. Zombadings s’est fait traiter de « camp corrompu » par un critique qui, s’inspirant des célèbres théories de Susan Sontag, trouvait que le film n’était pas assez pur. On le sait, l’humour camp doit conserver une certaine pureté, presque une naïveté, sinon ce n’est plus du camp. Or ce n’est pas du tout ce que nous avons essayé de faire avec ce film! On nous a reprochés d’avoir fait de l’homosexualité une malédiction, on nous a dit que c’était un retour en arrière dans nos mentalités par rapport à l’époque de Maximo Oliveiras où nous célébrions le fait d’être gay. Franchement, on croit rêver. Il y a vraiment des gens qui croient que c’est ce que nous avons voulu dire ? Ils croient que l’on accepterait de participer à un film qui dirait ça ? Ils sont complètement passés à côté du film. Ces gens-là ont même trouvé le dénouement du film homophobe, à cause du sacrifice du père, alors que Zombadings est précisément anti-homophobie ! Remington n’a jamais été homo, à la fin il doit assumer son hétérosexualité. Et le père fait tout ce qu’il peut pour que son fils puisse enfin être lui-même. Il ne se sacrifie pas dans le sens où sa vie est déjà derrière lui, qu'il a bien vécu et qu'il n’a plus rien à perdre, au contraire. Il accepte tout simplement d’acquérir une expérience supplémentaire. Et une fois qu’il a fait ce choix, il s’entend beaucoup mieux avec sa femme. Aux Philippines comme ailleurs, il y a encore des gens qui pensent que l’homosexualité est un choix, Zombadings vient rappeler le contraire. Ce n’est ni un choix, ni une malédiction, ni un sacrifice.

Le film a vraiment été considéré comme homophobe ?

« Anti-gay » est le mot exact qui a été employé. Selon ces critiques, le film promeut la violence envers les homos (rires) ! Et dire que ces gens sont censés être des professionnels, ou des professeurs réputés et respectés ! Heureusement, les associations LGBT ont compris ce qu’on avait essayé de faire. Le problème de certains critiques, c’est qu’en voulant jongler avec les références, en voulant citer à tout va des géants intellectuels tels que Susan Sontag, ils finissent par se croire au même niveau que ces modèles. Alors que tout le monde ne peut pas se mettre au niveau de Notes on Camp. Si Susan Sontag était vivante, elle s’arracherait les cheveux d’être aussi mal interprétée. Pitié, délivrez-nous de tant de bêtise !

C’est dommage qu’un film si progressiste soit jugé par des gens tellement ignorants face aux questions queer.

Mais le pire c’est que ces critiques sont gays (rires) ! L’une d’entre eux nous a reprochés une scène où le personnage du maire déclare « les personnes de troisième sexe sont si charmantes et divertissantes, elles nous amusent ». Elle trouvait cela condescendant. J’ai envie de demander à cette personne si elle a déjà suivi le moindre cours d’écriture de scénario. Comme si chaque personnage d’un film devait absolument retranscrire le point de vue de l’auteur, et rien d’autre!

Personne n’oserait faire ce genre de remarque face à la littérature, ce serait comme confondre auteur, narrateur et protagoniste.

Exactement. Le pire c’est que c’est cette femme qui a cité Susan Sontag. Je rêve… Je ne veux pas retourner là-bas, gardez-moi en France (rires). J’étais déjà venue à Paris il y a cinq ou six ans, pour l'hommage au cinéma philippin rendu par le festival Paris Cinéma.

Nous y étions également ! J'y avais découvert l’un de mes films philippins préférés: Bomba Star.

Ça alors, moi aussi j'adore Bomba Star ! Il est parfait, d'une très grande pureté, et très drôle. J’étais d’ailleurs présente lors de la projection du film, j’avais aidé à superviser les sous-titres.

C'est un film connu aux Philippines ?

Non. Au moment de sa sortie, ce n'était qu'un film commercial presque érotique, il n’a pas été pris au sérieux.

En France, le film est globalement inconnu, c'est dommage.

J’adore la fin, quand tout le monde meurt, c’est si drôle! Vous vous rappelez de cette autre scène, où l'héroïne se fait poursuivre par sa mère, et que celle-ci lui arrache ses vêtements en pleine rue ? J’adore (rires). C'est mon film préféré de ce réalisateur. Essayez de voir son film Temptation Island, il est très bien également.

Ces dernières années en Europe on a quelque peu redécouvert le cinéma philippin, grâce à des réalisateurs tels que Lav Diaz, Brillante Mendoza ou Raya Martin, qui sont de plus ou plus présents en festivals et en salles. Vu de l'intérieur diriez-vous qu'il se passe effectivement quelque chose de nouveau depuis quelques années ou bien ne faisons-nous que découvrir un cinéma qui a toujours été aussi riche ?

Raya Martin est un très bon ami à moi. Sinon, comme vous l'avez dit vous-même, l’un de vos films philippins préférés est Bomba Star, et il date des années 70! Le cinéma philippin a toujours existé et nous avons toujours eu des bons films, même si nous n'avons pas toujours été prompts à nous en rendre compte. Le réalisateur de Bomba Star est mort̀, mais de son vivant il n'a jamais vraiment reçu le respect qu'il méritait. Tout le monde n’a que Lino Brocka à la bouche, qui est bien sûr excellent. Il a même reçu le sceau d'approbation de Cannes, de la France et de la cinéphile mondiale. Mais on a eu des réalisateurs formidables, tels que Joey Gosiengfiao ou beaucoup d’autres ! C'est dommage que l'on attende la réaction de cinéphiles étrangers pour leur donner le respect. Je ne vais pas avoir moins de considération pour un film philippin s'il ne s'exporte pas. Ce n'est pas comme ça qu'on mesure la qualité d'un film. Parfois les films qui s'exportent ne sont pas forcément toujours les meilleurs.

Votre nom apparaît également au générique d'un autre film que nous avons vu: Apparition.

Oui, le réalisateur et le producteur sont mes amis, mais je n'ai servi que de simple consultante sur ce film.

Récemment nous avons également interviewé Erik Matti, qui a travaillé avec votre coscénariste Michiko Yamamoto.

Ça alors! Erik est un très bon ami à moi (lire notre entretien avec Erik Matti). Michiko est une des personnes dont je suis la plus proche. Nous avons coécrit Zombadings avec le réalisateur Jade Castro, et c’est elle qui a écrit le tout premier film que j’ai produit, L’Eveil de Maximo Oliveiros. Ce film avait d’ailleurs été présenté lors de la toute première édition du Festival Cinemalaya, ainsi que Endo de Jade Castro, qui a été présenté également à Paris Cinéma. Cinemalaya est un festival de cinéma très important aux Philippines. C’est là que j’ai commencé en tant que productrice. Chaque année, un ou plusieurs films que je produis y sont sélectionnés. Mais je ne me cantonne pas à cela, je produis également en dehors de ce festival. L’idéal serait que Cinemalaya se concentre surtout sur les premiers films, les nouveaux réalisateurs et les découvertes, parce qu’aujourd’hui encore il reste difficile de montrer ces films.

Y a-t-il des films occidentaux que vous avez, en retour, envie de montrer aux Philippines ?

Oh oui, il y a en a un : L’Inconnu du lac ! C’était mon film préféré à Cannes cette année. C’est un film à la fois magnifique et très surprenant, qui possède une énergie unique. J’ai très envie de montrer le film aux Philippines, mais je suis persuadé qu’il serait censuré. Je pourrais néanmoins toujours le montrer dans des universités et les centres culturels. J’en ai tellement envie que j’ai réussi à me procurer le numéro d’Alain Guiraudie. Je vais peut-être l’appeler demain. J’ai entendu parler de la controverse en banlieue, où les affiches du film ont dû être retirées des rues. C’est n’importe quoi: cette affiche est superbe ! Et puis c’est juste un dessin, franchement.

Quels autres films avez-vous vus à Cannes ?

J’ai bien aimé Tel père tel fils, malgré quelques défauts. En tant que scénariste, je l’ai trouvé un peu schématique, presque convenu. Et pourtant le film m’a beaucoup ému, il est très efficace parce que c’est toujours sincère. J’ai bien aimé Ma Vie avec Liberace, j’ai trouvé très juste cette manière de montrer comment nait une histoire d’amour. C’est très honnête. Je n’ai pas trop aimé Nebraska par contre. Certains moments sont drôles mais globalement je trouve ça un peu facile. J’ai vu pas mal de films parce que je suis restée tout au long du festival, mais j’ai commencé par L’Inconnu du lac donc ça a placé la barre très haut. J’ai été un peu déçue par Les Salauds, parce que j’aime beaucoup les films précédents de Claire Denis. Dans La Vie d’Adèle, certains passages m’ont fait lever les yeux au ciel, comme les discussions sur l’art, les huitres, les parents tellement ouverts, etc… Mais je leur pardonne, parce qu’au final c’est un film dans lequel la personnalité du réalisateur et celles des acteurs sont toujours visibles. Pour moi c’est ce qu’il y a de plus important. La deuxième partie est nettement supérieure à la première. Et je suis amoureuse de Jérémie Laheurte.

Cette année à Cannes il y avait plus de films que d’habitude qui abordaient les thématiques LGBT. Mais le plus remarquable c’est que la plupart de ces films parvenaient à en parler de manière subtile sans jamais en faire le sujet principal pour autant. La Vie d’Adèle, Ma vie avec Liberace, L’Inconnu du lac, Sarah préfère la course… ce ne sont pas des films sur l’homosexualité et pourtant l’homosexualité y est traitée de manière très juste. Peut-être précisément parce qu’elle est banalisée, traitée comme un détail dans ces histoires.

Exactement, et pour moi c’est vraiment un pas dans la bonne direction.

Entretien réalisé le 17 juin 2013

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par Gregory Coutaut

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