Entretien avec Erik Matti

Entretien avec Erik Matti

La sélection l'an passé à la Quinzaine des Réalisateurs du polar On the Job a mis en lumière le réalisateur philippin Erik Matti. On the Job vient de sortir en dvd en France. Ce long métrage raconte l'histoire d'un flic enquêtant sur des meurtres et de détenus employés comme tueurs à gages. Nous avons rencontré le réalisateur qui nous parle de Manille, des cinéastes philippins qui ont compté pour lui... et de Sophie Marceau.

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FilmDeCulte : Vous avez déjà réalisé de nombreux longs métrages mais ceux-ci ne sont pas sortis en France. Pouvez-vous vous présenter auprès de nos lecteurs ?

Erik Matti : Je suis un fan de cinéma. J’ai grandi en regardant les films de kung fu d’Alexander Fu Sheng, les Bud Spencer & Terence Hill, les westerns spaghetti de Franco Nero, les films de flics d’Alain Delon, les films de karaté de Jim Kelly et Jim Brown, les comédies avec Sophie Marceau doublées en anglais, les épisodes d’Emmanuelle avec Sylvia Kristel. J’adore des films comme Réincarnations (Dead and Buried), Frère de sang (Basket Case), les films de vampire de Christopher Lee. J’allais voir tout ce qui passait au cinéma, le weekend avec mon père. Je pense que tout cela m’a influencé. Et c’est comme ça que je veux faire avec mes films : tourner autant de films différents que ceux que j’ai aimés étant gosse.

FDC : Quel a été le point de départ de On the Job ?

EM : Des films comme On the Job ne sont pas si évidents dans la production philippine mainstream. Quand je repense à la bande démo que j’ai réalisée il y a 4 ans, je me demande comment on a fait. Tout ce que je savais, c’est que j’avais une bonne histoire qui me vient d’un conducteur de taxi. Il m’a raconté que lorsqu’il était en prison, il travaillait comme tueur à gages. Faire cette bande démo, c’était une façon de trouver les bases de l’histoire et de ce que j’avais follement envie de faire. J’ai eu la chance, quelques années plus tard, de pouvoir en faire un long métrage. Le reste, comme on dit, fait partie de l’histoire.

FDC : Dans quelle mesure le cinéma de Lino Brocka est-il important pour vous ?

EM : Je ne suis pas spécialement fan du réalisme social au cinéma. S’il y a des contemporains de Brocka que j’admire vraiment et qui m’ont influencé, ce serait plutôt Ishmael Bernal et Celso Ad Castillo. Lino Brocka se frottait à des films plus « importants » qui traitaient de lutte, des conditions de vie des pauvres. Ce que j’admire chez Bernal et Castillo, c’est leur exploration d’artisan sur toute la variété de films qu’ils ont pu faire. Leurs films ne se limitent pas à une voix, ils traitent de différents types d’histoires humaines et pas seulement de la pauvreté du tiers-monde, c’est la versatilité de leur cinéma.

FDC : Le décor, la ville comme la prison, joue un rôle important dans votre film. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet aspect particulier de On the Job ?

EM : On the Job traite d’histoires parallèles avec différents personnages, mais le film parle en même temps de mondes parallèles. En mettant en parallèle ces différentes réalités et ces personnages, on met en place une résonance entre ce qu’ils vivent, même dans des mondes différents. En ce qui concerne Manille, c’est mon troisième film où j’essaie de rendre hommage à cette ville. D’abord parce que c’est une ville très cinégénique, avec ses différentes textures, comme une sorte de Blade Runner souterrain. Ensuite, Manille en tant que jungle de béton, c’était parfait pour mon histoire.

FDC : Trois films philippins ont été présentés cette année à Cannes. On revoit du cinéma philippin régulièrement en festivals, comme les films de Brillante Mendoza entre autres. Avez-vous le sentiment qu'il y a un renouveau aux Philippines ?

EM : Le cinéma philippin a toujours été là. C’est juste qu’il est plus facile maintenant de voir ces films, l’accessibilité a été simplifiée par la technologie, par la façon dont l’information circule, par internet. Les gens peuvent désormais décider de s’intéresser à des films venus d’un pays aussi petit que le nôtre. La vraie promotion, ce n’est pas seulement d’avoir des films philippins dans des festivals étrangers. J’aimerais que ces films soient en premier lieu destinés au public local. Ce qui se passe ces dernières années, c’est que beaucoup de films philippins qui vont dans ces festivals internationaux sont produits pour ce circuit en particulier. Peut-être parce qu’ils ne peuvent trouver leur public qu’à l’international. C’est un peu triste que ces longs métrages ne soient pas pensés pour le public philippin.

FDC : Quels sont vos projets ?

EM : Je suis très enthousiaste au sujet du nouveau scénario que j’écris actuellement. C’est un mélange de thriller et de film d’action qui raconte l’histoire d’un homme dont la vie est bouleversée suite à l’échec d’un plan pour gagner de l’argent rapidement. Nous travaillons sur une suite d’un de mes précédents films, Prosti, qui raconte l’histoire d’amour entre une prostituée et son proxénète. Et j’ai le feu vert pour un film historique et épique dont le récit s’étale sur cinq décennies et qui raconte comment l’histoire des Philippines a modifié la psyché, les dynamiques de la famille philippine.

Entretien réalisé le 12 juin 2013. Un grand merci à Marie Queysanne et Charly Destombes.

par Nicolas Bardot

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