Domino

Domino
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Domino
États-Unis, 2005
De Tony Scott
Scénario : Richard Kelly
Avec : Keira Knightley, Delroy Lindo, Lucy Liu, Mickey Rourke, Mena Suvari, Christopher Walken
Durée : 2h08
Sortie : 23/11/2005
Note FilmDeCulte : *****-

Jeune mannequin célèbre issu d'une famille en vue, Domino Harvey décide de tout quitter pour devenir chasseuse de primes. Fuyant les défilés et les mondanités, elle se jette dans l'univers de la traque et du danger...

CONFESSIONS D’UN BARJO

Collaboration improbable entre un metteur en scène en pleine renaissance créative (ayant réveillé les spectateurs avec Man On Fire, 2004) et un jeune prodige hissé au statut d’auteur plus que prometteur après un unique long métrage (Donnie Darko, 2002), Domino était doublement attendu. Que pouvait-il advenir de la rencontre entre un Tony Scott que l’on n'attendait plus et un Richard Kelly dont on attendait encore le nouvel essai? La réponse est un beau bordel jouissif qui marie le néo-style hystérique du réalisateur avec l’univers complètement barré de son scénariste. Première question: Scott s’est-il calmé? Absolument pas. Cependant, l’image saturée de couleurs aux tons extrêmes, la caméra parkinsonienne et le montage frénétique adoptés avec Beat The Devil (court métrage promotionnel pour BMW précédant les deux derniers films de Scott), sans oublier les sous-titres vivants de Man On Fire, trouvent un exutoire idéal dans ce récit romancé, voire carrément fantasmé, de la vie de Domino Harvey, fille de l’acteur Laurence Harvey (Un crime dans la tête, version 1962) devenue chasseur de primes. Ceux qui attendaient un biopic classique vont être surpris. Domino n’est pas le récit d’un homme d’exception qui passe de l’ombre à la lumière. C’est le fruit de l’imagination de Steve Barancik (scénariste du jubilatoire film noir Last Seduction) mais surtout de Richard Kelly qui, à l’instar d’un Tarantino (sur Kill Bill) ou d’un Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang), ancre son intrigue dans un univers proprement filmique. Le monde réel n’est plus. Il a cédé la place à une diégèse consciente de ses codes, comme en témoignent la narration, les archétypes délibérés, ainsi qu’un second degré ambiant.

THE TODAY SHOW

Il n’est pas étonnant de constater alors que Scott a déjà œuvré avec les deux scénaristes sus-mentionnés (Tarantino pour True Romance et Black pour Le Dernier Samaritain). Le goût pour la structure en vignettes du premier et le cynisme averti du second cohabitent dans ce dernier opus. La petite nouveauté, c’est l’éclatement chronologique du récit. Au vu du résultat final, il semblerait surtout que cette astuce serve à détourner l’attention de la légèreté de l’intrigue (en deçà de l’univers et des personnages, charismatiques et réellement attachants). La construction inutilement alambiquée du film, bien qu’adéquate compte tenu de l’aspect volontairement chaotique de l’histoire, fatigue quelque peu. Et quelque part, durant ces 2h08, l’ennui pointe le bout de son nez. Heureusement, Domino s’avère assez taré pour demeurer unique. On pense par moments à Tueurs nés (également écrit par Tarantino) au travers de l’influence visible de la culture télévisuelle sur Kelly (et donc sa création). Le petit écran et ses néfastes programmes reviennent sans cesse comme autant de référents inéluctables et de tristes identifiants du monde immoral dans lequel sombre peu à peu la protagoniste-titre. Du soap-opera pour ados (Beverly Hills) à la télé-réalité, en passant par Jerry Springer, tout le monde y passe. Domino est un pur produit de son temps. Les mauvaises langues parleront d’une esthétique de bande-annonce et d’une absence de substance. Il s’agit en fait de la vision "année 2000", tant dans la forme que le fond, d’une Amérique post-90's, beaucoup plus dérangée qu’elle ne le laisse paraître, où même les enfants de stars ne sont pas à l’abri.

par Robert Hospyan

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