Babel

Babel
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Babel
États-Unis, 2006
De Alejandro Gonzalez Inarritu
Scénario : Guillermo Arriaga
Avec : Cate Blanchett, Gael Garcia Bernal, Jamie McBride, Brad Pitt, Koji Yakushô
Durée : 2h22
Sortie : 15/11/2006
Note FilmDeCulte : ******

Au Maroc, deux jeunes adolescents s'amusent avec un fusil. Un coup part... Les vies d'un couple d'Américains en vacances, d'une baby-sitter mexicaine et d'une adolescente japonaise sourde vont être bouleversées.

SI LOIN, SI PROCHE

"Dédié à mes enfants, soleils brillants dans la nuit noire…". Avec Babel, son troisième long métrage après Amours chiennes et 21 Grammes, le cinéaste mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu clôt sa trilogie sur le destin et les petits arrangements du hasard. Aidé de ses fidèles collaborateurs – Guillermo Arriaga au scénario, Rodrigo Prieto à la photographie, Gustavo Santaolalla à la musique -, il signe une fresque d’une incroyable ambition sur les liens qui unissent les hommes malgré les frontières et les différences culturelles. Tout ne fonctionne pas à la perfection sur le plan narratif, et seul un fil ténu réunit les deux récits "américains" à la partie japonaise. L’essentiel n’est pas dans la mécanique du film mais dans son discours et le souffle de vie qu’inhalent à pleins poumons ses protagonistes. Quatre histoires s’entrechoquent et se répondent, au gré des évènements et des péripéties. Inarritu n’en respecte pas la chronologie pour mieux mettre en scène la symétrie des situations, la trajectoire doloriste des différents personnages.

FIL D'ARIANE

A chaque récit, son ton, sa couleur, sa musique mais, contrairement à Traffic de Steven Soderbergh, qui utilisait le même principe, ce n'est pas un simple gimmick, une clé de compréhension, mais bien quelque chose d’inhérent au film, qui le justifie. Suprême prétention artistique, Inarritu ose évoquer l’humanité toute entière et non quelques personnages isolés. S’il n’évite pas certains clichés liés au genre, il démontre une habileté démentielle à établir des passerelles sentimentales entre ses histoires. La solitude d’une adolescente orpheline répond à la détresse d’un mari sur le point de perdre celle qu’il aime, l’incompréhension d’un père fait écho au désarroi d’un immigré sur le point d’être expulsé. Babel est bien sûr éminemment politique. Inarritu fustige le manque de compassion, l’intolérance et les a priori sans que cela nuise à l’émotion. Rien ne remplace les regards et les petits gestes, rien ne compense le manque de communication et la difficulté d’exprimer ses sentiments. L’homme a évolué tout comme le cinéaste. Au bouillant Amours chiennes, à la vengeance impossible de 21 Grammes, succède le triste apaisement de Babel.

MAUX ET MERVEILLES

Atteinte de cécité, une partie de la presse française a collé au film l’étiquette de world cinéma publicitaire. Même adressé sur un ton moqueur, le premier qualificatif sied finalement bien à Babel tant il tend à l’universalité en touchant au plus profond, tel un uppercut en plein cœur. Certaines scènes figurent parmi les plus belles vues au cinéma cette année. Deux enfants dressés contre le vent en plein désert, une jeune fille nue sur un balcon, un couple de vieux Mexicains qui s’embrassent… Alejandro Gonzalez Inarritu est un équilibriste de génie, toujours sur le fil entre le pathos exacerbé et la magie des sentiments. Si parfois le film frôle le sens pour le sens, l’image pour l’image, sa sublime réussite tient à son indéniable foi dans le cinéma. Et le final, d’une beauté sidérante, demeurera pour toujours dans les esprits de ceux qui ont déjà supporté la douleur de la perte d’un être cher. Babel est donc un chef-d’œuvre imparfait dont le prix de la mise en scène à Cannes, décerné par Wong Kar-Waï et son jury, est plus qu’amplement mérité, une évidence.

par Yannick Vély

En savoir plus

"Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre: Allons! Faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore: Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. L'Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l'Éternel dit: Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu'ils ont entrepris; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu'ils auraient projeté. Allons! Descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre; et ils cessèrent de bâtir la ville."

Extrait de la Genèse

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