Temps du loup (Le)

Temps du loup (Le)
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Temps du loup (Le)
Allemagne, 2003
De Michael Haneke
Scénario : Michael Haneke
Avec : Lucas Biscombe, Patrice Chéreau, Béatrice Dalle, Anaïs Demoustier, Isabelle Huppert
Durée : 1h53
Sortie : 08/10/2003
Note FilmDeCulte : **----

Une famille roule vers son châlet de vacances mais découvre que les lieux ont été réquisitionnés par des inconnus. L’affrontement tourne au drame et le chaos s’installe.

EN SON TEMPS!

"L’homme est un loup pour l’homme": le précepte de Hobbes pourrait à lui seul résumer tout un large pan de la filmographie de l’autrichien Michael Haneke. Le pitch, extension inversée de Funny Games où de jeunes furieux s’immiscaient à pattes de chats dans le doux nid d’une famille modèle, fait long feu. Après avoir observé le démon humain en laboratoire, Haneke le libère dans la nature et contemple son humanité contaminée. Le mal ne porte plus de gants blancs mais affiche son visage vinassé et marqué par les jours, il ne surgit plus dans les espaces aseptisés et lumineux mais pousse son râle dans une nuit totale où les brebis se perdent. Total brouillamini, marasme le plus épais. L’apocalypse, avec lequel Haneke a souvent flirté, est opératoire: le soleil semble mort. Manuel de "philo-facile" sur les genoux, Haneke disserte alors aux bordures de l’insociable sociabilité kantienne, et s’en sort pour le mieux dans l’obscur. Ce qu’il reste de meilleur dans Le Temps du loup, c’est sa nuit noire, son doute, ses ombres lointaines et son fuligineux vertige. L’exercice est quasi formaliste et le propos n’est plus qu’une toile de fond permettant l’odyssée humaine, avant tout humaine. Haneke n’est jamais aussi bon que lorsqu’il confère à ses personnages une humanité bien trempée – voir La Pianiste échappée de ses petits jeux sadiques et moins convaincants de ses autres films. Puis, le jour se lève. Malheureusement, le symbole d’espoir est aussi le signe de la fin prématurée du film.

LOULOU?

Avec la lumière revenue, c’est le jeu de marionnettes qui reprend. Certes, la mise en scène jouit de son savoir-faire, effectivement, la direction d’acteurs est sans faille. Mais quelles sont les reliques du trouble initial? Rien, si ce n’est le début d’un pensum des plus lourds avec une humanité pourrie, voleuse, violeuse, lâche, raciste, menteuse, haïssable en tous points, au bord du précipice ici dans ce no man’s land, ou ailleurs dans le monde. Haneke rabâche ses thèmes sans conviction, laissant filer sa deuxième partie (qui couvre les deux tiers du film, où les personnages se multiplient dans un abris de fortune) vers la conduite automatique. L’impression ici est à une commande façon Hollywood où l’auteur impose mécaniquement sa patte mais sans aucune passion, simplement par contrat. Les portes sont tronçonnées et la réflexion convenue, et les affrontements sont aussi pénibles que déjà vus. Le Temps du loup présente toutes ses cordelettes surprises, mais en tirant sur chacune, il n’apparaît qu’une étiquette récurrente: aucun intérêt. Enfin, lors d’une dernière scène donnant un semblant de tumulte dans ce regard trop calculé, l’agneau s’approche du feu qui le libérera du diabolique pacte des loups. Lorsque le loup l’empoigne pour le sauver, il n’a que des mots rassurants sur une existence et une humanité que lui-même maltraite. De ses personnages en contradiction, Haneke choisit trop longtemps de ne donner qu’une facette, au risque de faire basculer son film dans le simplisme. Ou l’ennui, voire les deux.

par Nicolas Bardot

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