Isabelle Huppert

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Le Palais des Festivals, Isabelle Huppert en a presque le double des clefs. Une quinzaine de films présentés depuis trente ans, deux prix d'interprétation (Violette Nozière en 1978 et La Pianiste en 2001), membre du jury en 1984 et enfin Présidente du jury en 2009. Les marches, elle est habituée à les monter, de sa distinction jeunette au Conservatoire de Versailles à la liste prestigieuse de réalisateurs avec qui elle a travaillé. Portrait d'une accro à l'excellence, vers l'infini et au-delà.

PRESIDENTE

Se faire vomir dessus par Arielle Dombasle n'est pas privilège accordé à tout le monde. Deux, le délire pipe à crack de Werner Schroeter, cristallise un peu la curiosité d'une comédienne amoureuse du saut dans le vide, sans élastique. Huppert, on l'imagine pourtant plus facilement à se rouler dans la boue façon J'adore Huckabees, ou s'aiguiser à coups de lames de rasoir dans La Pianiste, comme un personnage maso trimballé de film en film, yeux rouges et éclats de voix. Mais le cliché est un peu trop étroit, serré à la ceinture d'une géante. Son goût pour l'auteur à fleur de peau la mène très tôt à tourner pour Pialat. Dans Loulou, Nelly est un feu follet, fou rire avec Guy Marchand sur du Célimène et orages avec Depardieu sous quelques draps. La collaboration ne se fait pas sans heurts, Pialat aime la malmener, lui dit qu'elle est nulle, déserte le plateau qui devient un grand bateau ivre. Mais à 27 ans, Isabelle Huppert n'est déjà plus une débutante. Aperçue chez Blier (Les Valseuses) ou Tavernier (Le Juge et l'assassin), Huppert est remarquée pour La Dentellière en 1977. La consécration ne tardera pas, avec son rôle, l'année suivante, de Violette Nozière. Première rencontre avec Claude Chabrol, et le début d'une complicité riche en éclairs. Dans Une affaire de femmes, Huppert fait des merveilles dans ce rôle de faiseuse d'anges, logeuse de putes, amoureuse et chanteuse, rattrapée par l'argent et une société d'homme qui la condamne au gibet. Dans La Cérémonie, en postière qui achève un couple de grands-bourgeois au fusil de chasse, elle trouve le rôle qui lui offre son premier César, et, étrangement, son seul à ce jour, délivré par une Académie qui ne sait peut-être pas quoi faire d'elle. Pas assez lisse. Autre grande heure du duo Chabrol/Huppert, Merci pour le chocolat, où elle est un serpent dont le Bananania chéri n'est qu'un poison déguisé en sucre.

Pas de pantoufle, pourtant, pour Huppert. Son parcours est fait de zigzags, de paris acrobatiques, de devinez qui je suis. A côté du cinéma (parfois) de papa d'un Chabrol, Huppert aime fureter du côté des jeunes réalisateurs, même et surtout aujourd'hui, alors que son statut de star pourrait la guider vers de beaux et doux lits plus confortables. Home, l'année dernière, la voit en mère-enfant dans le premier film lunaire d'Ursula Meier. Un rôle assez cousin avec celui de génitrice dans Nue Propriété, tout petit film d'un jeune Belge, Joachim Lafosse. Et, tel le chat se vautrant de 36 étages pour retomber svelte sur ses coussinets soyeux, Huppert peut tout faire. Dans Saint-Cyr, Patricia Mazuy peut bien lui mettre dans la bouche les répliques les plus impossibles, chaque mot sort d'entre ses lèvres comme des petits meubles bien remis en place. Maintenon à la dérive mais comédienne souveraine. En France, elle n'a ni l'aura d'Isabelle Adjani, ni le rang d'icône nationale d'une Catherine Deneuve, mais elle inspire de partout, de passage aux Etats-Unis chez Cimino (pour le désastre financier La Porte du paradis) aux plus grands photographes du monde qui la croquent avec passion (Richard Avedon, Nan Goldin, Helmut Newton, Hiroshi Sugimoto, la liste est longue), malgré quelques rendez-vous manqués (pour Le Sacrifice de Tarkovsky, elle est finalement remplacée par nulle autre que... Valérie Mairesse).

Non, Huppert ne sait peut-être pas tout faire: un disque d'interprétations chantées/parlées de textes d'Antoinette Des Houlières en collaboration avec Jean-Louis Murat ferait un bel instrument de torture en temps de guerre. Mais elle peut bien jongler, voir son Message personnel fredonné à gorge qui gratte dans le 8 femmes de François Ozon, débuté en kitscherie à piano mais auquel elle donne finalement toute son intensité, la larme suspendue à l'oeil. Une tension dramatique, un constant état de grâce en bouée de sauvetage de quelques personnages à la dérive, grands et tragiques. Erika Kohut, pianiste en lambeaux chez Haneke, peut-être son interprétation la plus forte. Ou Gabrielle, dans le film du même nom signé Patrice Chéreau, où elle est une bourgeoise venimeuse qui n'a jamais aimé son époux. Huppert l'actrice se construit un personnage aux mille reflets, parfois au bord de l'autocaricature, mais souvent portée aux nues chez les plus grands, au cinéma comme au théâtre. "Jouer, c'est une façon d'apprivoiser, de laisser libre cours à la folie de quelqu'un", fil sur lequel Isabelle Huppert se tient en ballerine, grâce d'étoile et dons divins.

par Nicolas Bardot

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