Merci pour le chocolat

Merci pour le chocolat
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André Polonski, pianiste émérite, se marie en secondes noces à Mika Muller, PDG d’une grande marque de chocolat. Il a un fils d’un premier mariage, Guillaume. La mère de celui-ci, une amie de Mika, est morte dans un accident de la route quelques années auparavant. Un jour, la jeune Jeanne Paulet, pianiste en devenir, sonne à la porte de la petite famille. Elle a appris que le jour de sa naissance une infirmière l’a peut être confondue et échangée avec Guillaume. Son intrusion va mettre en péril le fragile édifice familial.

MIKA ET LA CHOCOLATERIE

Le personnage central de Merci pour le chocolat, Mika, est une femme araignée qui tisse sa toile quoi qu’il en coûte à son entourage. C’est une enfant de la DASS dont l’obsession de réussite ne s’embarrasse pas de considération sur le bien et le mal. Elle a sa propre idée du bonheur: une belle maison et un mari charismatique. Elle ne tolère aucune aspérité au tableau idyllique qu’elle a imaginé. Et lorsqu’un malin vient à perturber sa tranquillité, à détruire sa grande et belle toile, aucune autre alternative n’est possible que sa condamnation à mort. Comme beaucoup d’héroïnes chabroliennes, Mika est une victime de la condition bourgeoise. Le but de sa vie est de coller à une imagerie et à aucun moment de construire ses propres rêves. Sous des apparences "très comme il faut" et une gentillesse à la limite du suspect, Mika est un personnage bancal en recherche de stabilité, en perpétuelle quête d’un idéal fragile et inaccessible. La petite fille capricieuse qu’elle a du être est toujours en elle, mais elle sait la masquer derrière des convenances sociales. Redoutablement perverse, elle porte le masque de la tranquillité, celui qui lui permet d’avancer couverte pour commettre les méfaits qui lui apporteront le bonheur auquel elle aspire tant. Mais lorsque le masque finit par tomber, Mika, évidemment incapable de remords, montre une autre de ses blessures: celui du désespoir de ne savoir rien ressentir et donc de ne jamais être avec les autres. Elle reste un personnage solitaire, la petite fille de la DASS qui ne sera jamais totalement la bourgeoise qu’elle rêve d’être.

CHAUD CACAO

Merci pour le chocolat est un film chabrolien type puisqu’il aborde les thèmes chéris de l’auteur aux 56 films: ceux de la filiation et de la folie. A l’instar de La Fleur du mal, Les Cousins ou La Rupture, les liens qui unissent les protagonistes sont ceux du sang. Mais ce sont des liens contrariés: Jeanne pense être la fille de Polonski, sa passion pour le piano pourrait d’ailleurs en attester. Guillaume souffre d’imaginer que Polonski puisse ne pas être son vrai père, il a peur que son manque d’ambition en soit la preuve. Mais Mika, elle, est une pièce rapportée, une enfant abandonnée et recueillie, sans aucun repère. Chabrol est passionné par la notion de filiation et aime à créer des situations incongrues et en analyser leurs effets. Le deuxième thème chabrolien par excellence développé ici est celui de la folie. Explorée à plusieurs reprises, notamment dans les très bons La Cérémonie et La Demoiselle d’honneur, la folie est un sujet qui fascine le réalisateur. Mika a l’apparence d’une femme normale: elle aime ses proches et semble soumise aux moindres de leur désirs. Mais en réalité, elle n’aime pas, elle aime seulement être aimée et n’a aucune notion du bien et du mal. Elle a des comportements qui ne semblent répondre à aucune logique et qui visent uniquement sa satisfaction immédiate. Elle est capable de refaire deux fois la même erreur sans imaginer qu’elle puisse se faire prendre. Le seul salut de ses proches est de n’avoir aucun de lien de sang avec elle, et donc d’espérer que sa folie ne leur sera pas transmise. Ce qui éloigne encore un peu plus Mika d’eux.

par Yannick Vély

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