Merci pour le chocolat

Merci pour le chocolat
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Merci pour le chocolat
France, 2000
De Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol
Avec : Jacques Dutronc, Isabelle Huppert, Anna Mouglalis
Durée : 1h40
Sortie : 05/12/2000
Note FilmDeCulte : ******

Chabrol viendrait-il de réaliser un navet de plus ? C'est en tout cas ce que l'on pourrait se dire à la vision des premières minutes de son cinquante deuxième film. Jamais le réalisateur n'était allé aussi loin dans la caricature, l'ironie. Ce qui entraîne une impression de faux, de vide, comme si le film n'existait pas, ou ne commençait pas. Exactement comme si Chabrol revenait au style qui était le sien lors de sa première attaque contre la bourgeoisie - qui n'est pas épargnée ici non plus - que constituait A double tour en 1959. Comme dans ce film, Merci pour le chocolat montre comment un élément perturbateur arrivant dans une bonne famille bourgeoise va mettre à jour tous les rouages et les dégénérescences de cette société totalement refermée sur elle même. Cette bourgeoisie, une fois de plus, est donc le terrain d'attaques du cinéaste. Et dans ce monde où tout n'est qu'apparence, le plus fou n'est pas celui qu'on croit

On entendra encore souvent que Chabrol se répète, qu'il tourne en rond depuis plusieurs décennies. Il n'en est pourtant rien. Car Merci pour le chocolat est le film du changement, du renouveau. Et cela pour plusieurs raisons. La première étant que Chabrol ne peut plus être taxé de cinéaste de la bourgeoisie avec ce film. Bien au contraire, il est le cinéaste de l'anti-bourgeoisie par excellence. Celui qui égratigne le plus ce monde qu'il exècre manifestement. La charge est violente et personne n'en sort indemne, ni le pianiste (Dutronc exceptionnel) totalement désintéressé de son fils. Ni ce fils à moitié amorphe. Et surtout pas la femme à laquelle Isabelle Huppert prête toute sa démesure et tout son talent. Rien que pour elle, il faut voir Merci pour le chocolat ; pour constater à quel point elle réussit à se couler dans l'univers chabrolien. Tissant une toile, au propre comme au figuré, elle finit par s'y perdre définitivement - sublime dernier plan.

L'autre raison pour laquelle ce film dénote dans la filmographie du réalisateur, c'est la caméra. Chabrol, au moment de La Cérémonie, considérait que la caméra doit se faire la moins visible possible, la plus neutre. Il faut croire qu'il a changé d'optique aujourd'hui car sa mise en scène est plus présente que jamais. On ne compte plus les nombreux mouvements de caméra. L'œil chabrolien, très présent dans ce film, a changé en même temps que l'écriture. Chabrol étonne, et fait démentir cette réputation de flemmardise qu'il se collait depuis des années. Et utilise sa caméra comme un scalpel qui ne laisserait plus aucune chance aux personnages. Ceux ci sont constamment suivis, persécutés par un cinéaste soucieux de mettre à jour leurs moindres tics, leurs moindres défauts. La caméra s'élève, virevolte, va et vient, mais revient toujours au même point : l'imperfection, le vice.

Après plus de quarante ans de cinéma, Chabrol se permet de donner une nouvelle tournure à sa carrière. Devant ce nouvel opus, on ne peut que saluer cette décision et constater que le cinéaste a finalement réalisé un chef d'œuvre de plus.

par Anthony Sitruk

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