The Reader

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Reader (The)
États-Unis, 2008
De Stephen Daldry
Scénario : David Hare
Avec : Ralph Fiennes, David Kross, Alexandra Maria Lara, Lena Olin, Kate Winslet
Photo : Roger Deakins, Chris Menges
Musique : Nico Muhly
Durée : 2h04
Sortie : 15/07/2009
Note FilmDeCulte : *****-
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L'histoire d'un jeune étudiant allemand en droit découvrant, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, que son amour de jeunesse aurait été impliqué dans les crimes nazis.

LA MEMOIRE DANS LA PEAU

Les plus belles histoires naissent parfois d’un simple accident, d’un fait divers ou d’une coïncidence, où le Destin n’a pas (encore) sa place. C’est ce qui arrive à Hannah et Michael, jouets malgré eux d’un moment fortuit qui va chambouler à jamais leurs existences. De cette rencontre entre un gamin et une jeune femme presque asociale – ce que l’on devine grâce au mutisme de son quotidien - qui tourne à la bluette, Daldry tire une passion échevelée et irraisonnée qui confine, dans le cocon de cet appartement sordide, au conte le plus féerique qui soit. Conte comme n’importe laquelle des histoires que Michael relate à Hannah, avec l’apanage d’un jeu érotique. Car c’est bien ce dont il s’agit dans la première partie du film et qui scelle dès lors l’osmose des partenaires, un échange de savoirs : l’intellect contre les plaisirs de la chair. A couple hors norme, histoire décalée, pourtant l’un des enseignements du film est que le cœur suit toujours son propre chemin. Lorsque Hannah disparaît, laissant son jeune amant livré à lui-même et dépossédé d’un coup de sa raison de vivre, c’est une bifurcation vers l’âge d’homme entamée sans frein. Passés les rites d’initiation, oubliée la candeur, mais affranchi de ce coussin quasi-maternel, Michael va saisir d’autant plus froidement l’horreur du monde dans lequel il vit, et dans la foulée, comprendre la part d’ombre que chacun recèle. Car oui l’amour est aveugle et ferme la porte sur les squelettes cachés dans nos placards.

Pardonnable erreur du film de s’attarder alors sur ce qui tend vers le pensum moral avec les casseroles habituelles du film de procès. Quand la subtilité point, elle est si fugace que l’académisme l’écrase de son verbiage explicatif. C’est dans la dernière partie que l’émotion pure, le seul vrai moteur du film, reprend le dessus en soulignant la cruauté de l’absence et la valeur du pardon. Peu importe la part de noirceur que chaque être porte en soi, même s’il fut l’un des acteurs de l’un des pires crimes qui soit par faiblesse, déraison, intérêt, naïveté même, ce qui reste au bout du compte est une balance intangible où la survie et la culpabilité pèsent plus lourd que tous les morts que l’on a laissés derrière soi. Le talent narratif de Daldry trouve alors un écho idéal dans la palette de Kate Winslet, dont c’est ici plus qu’évidemment l’un des plus beaux rôles, et qui, en dépit des indiscutables qualités formelles du film, en est la corde la plus vibrante. L’émotion qui va crescendo naît des plaies mal guéries que le passé n’a pas pu refermer, et qui continuent de saigner jusqu’à aujourd’hui. Sur un schéma déjà acquis dans The Hours, avec la silhouette fanée de Laura qui résista au travers des années à ses propres épreuves, Michael retrouve Hannah comme un vestige de leur âge d’or. Mais ce n’est qu’un vestige, comme cette petite boîte qui finira, témoin oublié, incongrûment sur la coiffeuse d’un splendide duplex new-yorkais. Preuve sans ambiguïté que rien ne se perd, tout se transmet.

par Grégory Bringand-Dedrumel

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