Eternal Sunshine of the Spotless Mind

Eternal Sunshine of the Spotless Mind
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Eternal Sunshine of the Spotless Mind
États-Unis, 2004
De Michel Gondry
Scénario : Pierre Bismuth, Michel Gondry, Charlie Kaufman
Avec : Jim Carrey, Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Tom Wilkinson, Kate Winslet, Elijah Wood
Durée : 1h45
Sortie : 06/10/2004
Note FilmDeCulte : *****-
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Joel apprend que son ancienne petite amie l'a - au sens propre comme au sens figuré - rayé définitivement de sa mémoire grâce à une technologie très performante. Il décide d'effacer à son tour les mauvais souvenirs de cette relation sentimentale.

SOUVIENS-TOI DE MOI

Après le très intrigant mais imparfait Human Nature, beaucoup s’interrogeaient sur le futur de la carrière de Michel Gondry en tant que réalisateur de long métrage. Son incroyable capacité à créer des univers miniatures, dans ses clips et ses publicités, paraissait plus enclin à briller sur le format court. Ses nombreuses trouvailles visuelles étaient soi-disant peu adaptées à la distance marathonienne et fatidique que représente un film de deux heures. De nombreux vidéastes de talent s’étaient déjà écroulés avant la ligne d’arrivée, comme Roman Coppola (CQ) ou Mark Romanek (Photo obsession) dont les brillants essais s’essoufflaient en fin de course. Pour ces sceptiques, Eternal Sunshine of the Spotless Mind sera un violent camouflet. Le cinéaste originaire de Versailles a réussi le difficile passage du second film avec mention, en remportant déjà un franc succès critique et commercial aux Etats-Unis. Ces bons échos lui ouvrent aussi les portes des studios avant, peut-être, des nominations aux prestigieux Oscars. Il a également démontré une grande maturité à capter certaines émotions. Bien sûr, Gondry n’a rien perdu de son immense pouvoir d’imagination et l’on retrouve dans son nouvel opus la plupart de ses obsessions, comme son goût pour les boucles temporelles, une science folle intégrée au quotidien et une nostalgie du monde de l’enfance. Mais surtout, il a mis en scène son premier film adulte quand Human Nature était bercé d’une certaine utopie adolescente.

VACANCES J'OUBLIE TOUT

Le scénario d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind a tout d’abord germé dans la tête de l’artiste contemporain Pierre Bismuth, ami de Gondry. Logique alors que son point de départ semble aussi conceptuel, presque sorti des travaux autobiographiques de Sophie Calle. Comment oublier l’être aimé après une rupture douloureuse si ce n’est en l’effaçant corps et âme de son cerveau? Sommes-nous irrémédiablement attirés par la même personnalité? Peut-il exister un "après" commun? Autant de questions essentielles sur la vie d'un couple posées sans l’air d’y toucher par Michel Gondry et le scénariste Charlie Kaufman (Adaptation) qui prennent bien soin de n'apporter aucune réponse définitive. En émiettant les souvenirs d’une simple histoire d’amour en petits épisodes tragi-comiques pris sur le vif, Gondry établit une Carte du Tendre insolite et touchante. Loin du tableau noir présenté par François Ozon dans 5x2, le couple selon Eternal Sunshine of the Spotless Mind est le lieu d’un perpétuel bouillonnement, une forme de guerre civile passionnelle qui fait s'entrechoquer moments de pure poésie (les scènes sur le lac glacé) et disputes stériles. Rien ne semble pire que la vie à deux… sauf bien sûr le célibat. L’effacement au sens propre comme au sens figuré de Clémentine dans l’esprit de Joel sert évidemment de prétexte. La réussite du film se situe dans le subtil équilibre entre le non-sens scientifique parfaitement assumé et le réalisme de la relation sentimentale.

JE T’AIME MOI NON PLUS

En refusant d’utiliser des effets numériques et leur préférant des illusions d’optique, Michel Gondry n’a pas fait un caprice d'enfant surdoué. Ces artifices "naturels" créent une très étrange atmosphère de fantastique du quotidien, qui donnent au film un ton surprenant, proche de celui d’une fable tout en étant très ancré dans la réalité contemporaine. L’ahurissant casting (Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Elijah Wood…) pouvait mettre en péril le fragile édifice. Choisir en Madame et Monsieur-tout-le-monde, deux des acteurs les plus célèbres du moment et avoir des noms en seconds rôles, tenaient en effet du pari audacieux. Gondry ne doit pas le regretter. Dès les premières minutes et cette délicieuse rencontre dans le train, l’amour naissant entre les personnages incarnés par Jim Carrey et Kate Winslet devient si palpable, si évident qu’il fait oublier l’identité des protagonistes. Sous le masque comique du héros de Dumb et Dumber se cache un immense acteur capable de composer n’importe quel rôle dramatique. Man on the Moon et Truman Show lui avaient déjà permis d’exercer ces talents de comédien complet. Dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, l’ami Jim dévoile une nouvelle sensibilité avec un jeu tout en retenue, presque effacé. Il est finalement à l’image d’un long métrage qui refuse le spectaculaire pour mieux toucher à l’intime. Et sans quelques défauts de rythme, surtout perceptibles dans les chassés-croisés entre la mémoire de Joel et les renvois au temps présent, Eternel Sunshine of the Spotless Mind postulerait au rang de petit chef-d’œuvre. Le temps jugera. Il est d’ores et déjà un bijou de fantaisie romantique.

par Yannick Vély

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