Berlinale 2018 : notre bilan !

Berlinale 2018 : notre bilan !

Quels ont été les temps forts de la dernière Berlinale ? FilmDeCulte fait le bilan et vous propose également un retour sur la cinquantaine d'articles mis en ligne durant le festival...

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C'est la Roumaine Adina Pintilie qui a remporté l'Ours d'or pour Touch Me Not. Le film, aussi gonflé que risqué, ne figurait probablement pas en haut des paris des bookmakers, mais il constitue en quelque sorte un gagnant idéal : c'est un premier long métrage qu'on met en lumière, et un film qui sans ce gros prix serait sorti dans considérablement moins de pays. Voilà ce qui distingue la Berlinale et sa compétition de festivals d'avant-premières comme Toronto ou dans une certaine mesure le Cannes de ces dernières années : un travail de sélection aventureux qui ne se limite pas à un panorama des derniers films d'auteurs prestigieux. C'est en partie ce qui a été reproché à Dieter Kosslick dans une lettre ouverte publiée avant la Berlinale, signée par de nombreux cinéastes allemands soucieux de l'avenir du festival, du choix et de l'impact du prochain programmateur (il s'agissait cette année de la dernière édition de Kosslick). Hormis Wes Anderson et Gus Van Sant, aucune vraie grosse star du cinéma d'auteur n'était en compétition, la Berlinale étant évidemment une catapulte moins puissante qu'un Cannes dont le moindre film en section parallèle aura des chances de trouver plus d'écho que certains films de la compétition allemande.

Il faut pourtant reconnaître à la Berlinale (et a fortiori cette année) un grande audace dans ses choix. Cette année, la compétition a été remplie de films très clivants, aux procédés radicaux et ce dans des formes aussi diverses que le drame musical fleuve Season of the Devil de Lav Diaz, le drame philosophique (fleuve lui aussi) Mein Bruder heißt Robert und ist ein Idiot de Philip Gröning, la reconstitution tétanisante de Utøya 22. juli d'Erik Poppe, le cauchemar comico-social de The Real Estate de Axel Petersen et Mans Mansson ou en premier lieu le gagnant Touch Me Not. La radicalité n'était pas dans les marges, limitée à un film, mais au centre des débats dans cette compétition - cela a pu faire soupirer quelques confrères (peut-être les mêmes qui applaudissent à l'unisson des propositions aussi ternes et ringardes que le bien accueilli Dovlatov) mais voilà un pari excitant pour ceux qui aiment ne pas savoir à quoi s'attendre en couvrant un festival. Ce sont autant de films fragiles qui ont besoin de cette mise en valeur, geste qui a été prolongé par le palmarès.

La Berlinale garde cette image de festival politique - ce qu'il est en partie, ce qui peut constituer sa ligne éditoriale. Mais ce regard politique sur le monde et la création s'exerce de manière éclectique et surprenante. On n'a guère parlé de politique dans des drames conventionnels, plutôt dans des films musicaux (le Lav Diaz), dans des films où règne l'hésitation fantastique (Transit), dans la comédie (Pig, Mug, The Real Estate, Museo - les comédies étaient nombreuses cette année) ou dans l'animation (L'Île aux chiens). Voilà encore qui participe à une sélection dynamique et pas figée.

La Berlinale avait également beaucoup communiqué sur son engagement auprès des femmes, en marge du mouvement #metoo. Une grande ombre s'est portée sur la sincérité de cet engagement lorsque Kim Ki-Duk a été invité par la nouvelle équipe en charge du Panorama. Il y a pourtant eu des mesures concrètes, comme la mise en place d'une hotline pour dénoncer le harcèlement, la diffusion d'un communiqué officiel permettant aux femme de s'habiller comme elles le veulent sur le tapis rouge ou le fait que 36% des 192 films sélectionnés ont été réalisés par des femmes. Du point de vue de la création, beaucoup de films se sont interrogés sur les rapports hommes/femmes et plus précisément ont exploré les utopies de mondes sans homme : c'est le cas de films aussi divers que le drame Figlia mia, la chronique fantastique Our House, le film de sorcière Hagazussa, le doc féministe Yours in Sisterhood, l'ovni indé Madeline's Madeline ou encore le faux western Damsel. Cette attention n'était donc pas que cosmétique mais bel et bien à l'écran dans des œuvres ambitieuses, branchées à l'actualité même si la production de l'intégralité de ces films précède le mouvement #metoo.

On a parlé des choix audacieux de la compétition, mais s'il y a une section qui a brillé par son flair et son culot, c'est celle du Forum. Celle-ci a peut-être profité de la faiblesse du Panorama cette année, mais quoiqu'il en soit le Forum a aligné un line-up en or massif : le monumental An Elephant Sitting Still du Chinois Hu Bo, la fausse miniature Our House de la Japonaise Yui Kyohara, les excellents docs Inland Sea du Japonais Kazuhiro Soda et Yours in Sisterhood de l'Allemande Irene Lusztig, l'ovni jubilatoire The Green Fog du Canadien Guy Maddin, le surprenant Madeline's Madeline de l'Américaine Josephine Decker, le magnifique nouveau Hong Sangsoo (Grass) et peut-être le plus beau film du festival : Die Tomorrow de Nawapol Thamrongrattanarit, un essai poétique sur la mort qui sortira prochainement en France. Si l'Asie n'était pas très présente en compétition (deux films seulement), elle a plus que brillé au Forum - à vrai dire, on ne se souvient pas d'une sélection parallèle dans un grand festival avec un niveau aussi fort et enthousiasmant. Bravo !

Compétition
3 jours à Quiberon, Emily Atef (Allemagne)
Season of the Devil, Lav Diaz (Philippines)
Damsel, David Zellner & Nathan Zellner (États-Unis)
T'inquiète pas, il n'ira pas loin à pied, Gus Van Sant (États-Unis)
Dovlatov, Alexey German Jr. (Russie)
Eva, Benoit Jacquot (France)
Figlia mia, Laura Bispuri (Italie)
Las Herederas, Marcelo Martinessi (Paraguay) - premier film
In den Gängen, Thomas Stuber (Allemagne)
L'Île aux chiens, Wes Anderson (Royaume-Uni)
Pig, Mani Haghighi (Iran)
Mein Bruder heißt Robert und ist ein Idiot, Philip Gröning (Allemagne)
Museo, Alonso Ruizpalacios (Mexique)
La Prière, Cédric Kahn (France)
The Real Estate, Måns Månsson & Axel Petersén (Suède)
Touch Me Not, Adina Pintilie (Roumanie) - premier film
Transit, Christian Petzold (Allemagne)
Mug, Małgorzata Szumowska (Pologne)
Utøya 22. juli, Erik Poppe (Norvège)

Hors compétition
Unsane, Steven Soderbergh

Panorama
Styx, Wolfgang Fischer
River's Edge, Isao Yukisada
Generation Wealth, Lauren Greenfield
Xiao Mei, Maren Hwang
Girls Always Happy, Yang Mingming
Yocho, Kiyoshi Kurosawa
Tinta bruta, Filipe Matzembacher & Marcio Reolon
Matangi / Maya / M.I.A., Steve Loveridge

Forum
Grass, Hong Sangsoo
Inland Sea, Kazuhiro Soda
An Elephant Sitting Still, Hu Bo
Old Love, Park Kiyong
The Green Fog, Guy Maddin, Evan Johnson, Galen Johnson
Yours in Sisterhood, Irene Lusztig
Our House, Yui Kiyohara
Die Tomorrow, Nawapol Thamrongrattanarit
Madeline's Madeline, Josephine Decker
Amiko, Yoko Yamanaka
14 Apples, Midi Z

Génération
Les Faux tatouages, Pascal Plante
High Fantasy, Jenna Bass
Retablo, Álvaro Delgado-Aparicio L.

La Semaine de la Critique
Scary Mother, Ana Urushadze
Madame Hyde, Serge Bozon
Hagazussa, Lukas Feigelfeld

Section culinaire
Ramen Teh, Eric Khoo

Gros plans
La compétition en images
20 films à surveiller à la Berlinale
Notre dossier spécial

Entretiens
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par Nicolas Bardot

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