Zero Days

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Zero Days
États-Unis, 2016
De Alex Gibney
Durée : 1h56
Note FilmDeCulte : *****-
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Il y a quelques années, les gouvernements américain et israéliens créent le virus Stuxnet. Il a été conçu pour saboter le programme nucléaire de l'Iran. Mais ce virus a eu des effets incontrôlables...

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Nommé aux Oscars pour Enron et lauréat pour Taxi to the Dark Side, le documentariste américain Alex Gibney a été particulièrement remarqué l'an passé avec son passionnant documentaire Going Clear: Scientology & the Prison of Belief. En se plongeant dans les sombres secrets de l'Eglise de Scientologie, le cinéaste explorait avec minutie les forces obscures à l'oeuvre. Cette exploration glaçante qui n'avait rien de flatteur pour les adeptes de la secte (Tom Cruise en tête, qui passe pour un illuminé complet) avait la forme d'un film d'horreur paranoiaque. On a beaucoup jasé depuis au sujet des intimidations reçues par ceux qui ont diffusé le film ou les journalistes qui en ont parlé.

Zero Days explore lui aussi des forces obscures, mais il s'agit cette fois de secrets d'état. Gibney se penche sur la confection et les conséquences d'un virus informatique qui aurait été conçu conjointement par les Etats-Unis et Israël afin de nuire à l'Iran. Ce virus, nommé Stuxnet et découvert en 2010, est d'abord l'objet d'une frustration pour le documentariste: tout le monde sait, tout le monde croit aux nouveaux habits de l'empereur, mais personne ne veut en parler. Comme des spécialistes nous l'expliquent, il y a trois types de suspects dans ce genre d'affaires : des cybercriminels (qui s'intéresseront avant tout à l'argent), des activistes (par jeu, par engagement politique) ou... des états qui souhaiteront obtenir des informations ou préparer des sabotages. Le virus en question est en tout cas si sophistiqué qu'il peut aller rigoureusement où il veut.

La démocratie est-elle une blague ? Remarquablement pédagogique, Zero Days abandonne un temps les questions sans réponse autour du Stuxnet et remonte les années. Par exemple lorsque le chah d'Iran était un allié des Américains dans les années 70, lorsque l'Iran était espéré comme le policier du Golfe, tout cela avant le basculement de 1979 et la fondation de la République Islamique. L'enquête journalistique de Gibney est un film de cinéma qui sait raconter et mettre en images. Le contexte historique posé en détails permet de comprendre la complexité des enjeux d'aujourd'hui.

Car d'aujourd'hui, il est grandement question dans ce passionnant Zero Days. Qu'est-ce que la démocratie aujourd'hui ? Qu'est-ce que la guerre ? Qu'est-ce que la diplomatie ? Comment négocie t-on désormais lorsque les conflits sont hors de contrôle, hors de toute règle, hors normes ? Lorsqu'un gouvernement refuse de reconnaitre des attaques qui sont finalement découvertes ? Gibney donne à voir la guerre non pas il y a ne serait-ce que 15 ou 10 ou 5 ans, mais maintenant et dans les années à venir : une guerre dont les armes sont façonnées par des geeks en cape de super-héros dans des bureaux. C'est surréaliste ? Autant que l'escalade contre-productive à laquelle on assiste dans ce documentaire brûlant.

Gibney et ses intervenants envisagent parfois le pire, qui a semble t-il déjà été frôlé avec les développements de l'affaire Stuxnet. La guerre désormais est tout à fait différente, et des virus peuvent causer des dommages parfaitement physiques. Que se passe t-il lorsqu'on ouvre la boite de Pandore ? Lorsque celle-ci tombe dans les "mauvaises" mains ? Zero Days se déroule jusqu'à l'accord historique de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Tout va donc pour le mieux ? La circonspection domine en tout cas à la fin du long métrage, notamment du côté d'une intervenante-clef. Le film est aussi une étude de l'intelligence aujourd'hui, et de ce qu'on en fait, à l'image dans un registre plus inoffensif de Social Network et de son génie amoureux. Alex Gibney s'est lui souvenu que le meilleur du cinéma de science-fiction vient directement du strict réel et des angoisses de son temps, exprimées ici avec une rare acuité.

par Nicolas Bardot

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