White Bird

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White Bird
États-Unis, 2014
De Gregg Araki
Scénario : Gregg Araki
Avec : Eva Green, Gabourey Sidibe, Shailene Woodley
Durée : 1h31
Sortie : 15/10/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Kat Connors a 17 ans lorsque sa mère disparaît sans laisser de trace. Alors qu’elle découvre au même moment sa sexualité, Kat semble à peine troublée par cette absence et ne paraît pas en vouloir à son père, un homme effacé. Mais peu à peu, ses nuits peuplées de rêves vont l’affecter profondément et l’amener à s’interroger sur elle-même et sur les raisons véritables de la disparition de sa mère…

EN UN MONDE PARFAIT

Après l’explosion pop de Kaboom, comment Gregg Araki allait amorcer ce qui semblait être un virage avec l’adaptation du roman Un oiseau blanc dans le blizzard de Laura Kasischke ? A sa façon : tout en étant une adaptation fidèle du livre de Kasischke, White Bird s’intègre dans la filmo du cinéaste par une interprétation très personnelle. Un oiseau blanc… raconte la disparition mystérieusement abrupte d’une mère de famille, effacée tel un oiseau blanc dans le blizzard et laissant seuls un père et sa fille (Kat, incarnée par Shailene Woodley). L’adolescence bouillonnante, la contre-culture, une autre Amérique : le décor semble finalement dressé pour Araki. Ce dernier enfonce le clou en livrant une interprétation camp du roman.

Dans son ouvrage Le Cinéma queer, l’Américaine Barbara Mennel parle du style camp comme d’une exagération des rôles sociaux par la théâtralité, avec une utilisation de l’ironie dans la mise en scène des artifices et de l’identité sexuelle, remettant ainsi en cause son caractère inné. C’est exactement comme cela qu’Araki traduit en cinéma ce que Kasischke racontait en creux dans son roman. Le réalisateur effectue quelques ajustements gay, de l’amie de Kat dans le livre transformée ici en garçon homo au dénouement qu’on ne peut dévoiler. White Bird scintille de couleurs jusqu’au kitsch. Le visuel évoque le look flashy de Parents de Bob Balaban – et on sait que du kitsch à l’horreur il n’y a qu’un pas. La mère, incarnée par une Eva Green au jeu volontairement grotesque, semble, à la façon de Sharon Stone dans Diabolique, avoir ramené ses propres fringues vintage pour jouer dans un autre film. Lors d’une réjouissante scène parfaitement too much, Green, parée comme une star hollywoodienne, sirote son thé glacé au bord de la piscine tandis qu’elle discute avec le petit ami de sa fille dont le maillot de bain descend juste un peu trop sur les hanches. Ce côté déréglé, amusant et bizarre, kitsch et inquiétant, est au cœur du cinéma d’Araki et est une vision tout à fait à propos de l’Amérique, du sexe et des personnages déréglés qu’on peut voir chez Laura Kasische.

Déjà chez Kasischke, la jeune héroïne avait conscience de jouer lorsqu’elle se rendait chez sa psy. Une théâtralité, une mise en scène de l’artifice explorées par Araki dont les personnages s’imaginent dans Mommy Dearest et font la rencontre d’une femme incarnée par Sheryl Lee… la Laura Palmer de Twin Peaks, l’une des mystérieuses disparues les plus célèbres de la fiction mondiale. Le décor du sous-sol de la maison, lieu important de l’intrigue, est filmé comme une scène de théâtre, de face, de manière assez rigide : lorsqu’Eva Green descend les marches et s’adresse à sa fille, elle tourne la tête et reste raide dans les escaliers, le verre à la main, prête à exploser telle Liz Taylor dans Qui a peur de Virginia Woolf ?. Kasischke comme Araki n’ont eu de cesse de parler de ce théâtre social, de ce jeu des apparences dans lesquels leurs personnages remplis d'illusions dans une société écrasante et standard s’abiment, plongent, disparaissent. Deux artistes chez qui la place de l’imaginaire, où ce que l’on croit est aussi fort que ce que l’on voit, est essentielle.

par Nicolas Bardot

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