Vous n'avez encore rien vu

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Antoine d'Anthac, célèbre auteur dramatique, convoque par-delà sa mort, tous les amis qui ont interprété sa pièce "Eurydice". Ces comédiens ont pour mission de visionner une captation de cette oeuvre par une jeune troupe, la compagnie de la Colombe. L'amour, la vie, la mort, l'amour après la mort ont-ils encore leur place sur une scène de théâtre ? C'est à eux d'en décider. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises...

LE PIRE EST A VENIR

On a coutume, avec une politesse excessive, de qualifier Alain Resnais de « plus jeune des cinéastes » (lui ou Manoel de Oliveira, mais comme celui-ci n’est pas là cette année, tout le monde va pouvoir sauter sur l’occasion). Une appellation paradoxalement discriminatoire, comme s’il fallait absolument faire du jeunisme, comme si l’humour ou la légèreté étaient le strict apanage des jeunes. Et surtout une appellation exagérée au point d’en devenir fausse. L’humour de ses précédents longs métrages (la fameuse « malice » dont on parle si souvent) est au contraire complètement vieillot. Ça ne vaut pas dire mauvais, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre que cette ironie nonchalante n’a rien d’adolescente. On se demande bien quel spectateur de moins de 30 ans pourrait y trouver de quoi se taper sur les cuisses. Or de la malice, il y en a beaucoup moins dans ce dernier long-métrage. Il est beaucoup question de théâtre évidemment, mais surtout de mort. De la mort humaine mais surtout de celle des personnages de fiction, de leur résurrection et de leur immortalité. Pas de malice et quelque part tant mieux, parce que c’est ce qui commençait sérieusement à transformer les derniers films de Resnais (Cœurs, Les Herbes folles) en comédies bourgeoises moins fantaisistes que ringardes pour les gens de moins de 50 ans.

Ce qui ne manque pas ici, ce sont les mises an abyme narratives et la réflexion théorique sur l’artificialité chères au réalisateur. Des comédiens sont réunis par leur défunt metteur en scène pour assister à une captation d’une pièce qu’ils ont tous jouée ensemble. A partir de ce postulat conceptuel et prometteur, on peut hélas dire que si, vous avez déjà tout vu. Car dès que les comédiens, dans le film, voient leurs lignes leur revenir en mémoire, et que peu à peu les personnages de la pièce reprennent vie à travers leur interprétation, il serait exagéré de dire qu’on a affaire à beaucoup plus qu’une simple succession de scènes de théâtre filmé. Une banale et fastidieuse captation, étonnamment paresseuse. Le soupçon fantastique du début fout rapidement le camp et ne laisse que platitude et répétition. Le décor original de la pièce reprend vie autour des acteurs, filmés sur fond vert puis incrustés artificiellement dans des décors numériques d’une hallucinante laideur, rappelant plus d’une fois le Dracula d’Argento. L'artificialité voulue a bon dos, ça n'excuse pas tant de mocheté.

Vous n’avez encore rien vu adapte la version d’Eurydice écrite par Anouilh, et 90% des dialogues du film (assez pauvres et surtout complètement assomants) sont donc ceux de la pièce. Si la troupe de comédiens habituels de Resnais fonctionnait somme toute dans son univers, le décalage avec ce texte du siècle dernier est ici fatal. Voir Sabine Azéma déclamer comme Sarah Bernhardt la scène de résurrection d’Eurydice est à la fois un calvaire et une consternation. Mais c’est surtout le film entier qui est un calvaire, un enfer laid et pesant, engoncé dans son pénible concept, sans vie aucune. Passé le concept de base (propice à toutes les interprétations, bien pratique pour broder), l’imagination est complétement tarie, et le purgatoire en question est plus celui du spectateur assommé que celui des personnages.

par Gregory Coutaut

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