Vert paradis

Vert paradis
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Lucas est un jeune sociologue parisien, originaire du Béarn. Pour l'une de ses premières publications, sur le célibat en milieu rural, il décide de prendre pour échantillon témoin ses anciens amis de son Béarn natal, notamment Isabelle et Simon. Ce faisant, la confiance se consolidant au fil des entretiens, il apprend qu’il a manqué de nombreuses étapes dans leurs vies. Ainsi, tous deux auraient dû se marier, dix ans plus tôt, mais le destin a voulu qu’ils ne le fassent pas. Mais ce que Lucas ne comprend pas, c’est qu’Isabelle ne pense plus à Simon, mais bien à lui…

LE PATRIMOINE DU PATRIARCHE

On sait depuis le réjouissant court métrage Candidature le goût d’Emmanuel Bourdieu pour le quiproquo, la méprise a priori anodine, aux retombées plus graves qu’attendues. On sait aussi l’héritage contenu en son patronyme, son poids, son influence. Et sans doute qu’on ne ferait pas fausse route en voyant dans la modestie formelle, l’attachement aux détails, à l’humain, aux exigences carrées de l’institution, … tous les éléments constitutifs de l’œuvre naissante du fiston, un legs thématique du père. La parenté est d’ailleurs affichée: ce Lucas de fiction, mû par la savante discrétion du jeu de Denis Podalydès, sociologue en quête scientifique du célibat campagnard, est-il vraiment si éloigné du père Bourdieu menant le Bal des célibataires? Evidemment non. Même si l’intéressé s’en défend. Car de sociologie, il n’est pas directement question dans ce Vert paradis des amours enfantines faussement baudelairien. Certes, la volonté de déconstruire le cliché en s’y colletant pour mieux le retourner est apparente. Le paysan à gâpette vissée sur le chef et roulée au bec (Clovis Cornillac, qui a rarement été aussi juste) passe allègrement de la modération bonhomme à la distinction endeuillée, puis à la rage. La grande godiche hilare aux bottes crottées de boue (Natacha Régnier, de retour sur grand écran après deux ans d’absence, dans une sensibilité dégingandée proche de Sandrine Kiberlain, en attendant le Demain on déménage d’Akerman) est aussi citadine et employée à la Poste. Mais la voie sociologique n’est pas la seule à être arpentée. On peut aussi voir en Vert paradis un vaudeville calme, comme ralenti plusieurs fois, à la trame classique et pourtant inédite, parce que rurale, de deuxième classe. Où se succèdent, comme au théâtre, la femme, l’amant, la mère, la père (sa mort, bien sûr, en dernier hommage), le malentendu amoureux, les rebondissements cocasses, les cris et les larmes. De la dramaturgie, en somme. Un bon début de cinéma. On pourra aussi se contenter d’y voir un renversement des classes sociales fictionnelles classiques. Et revenir encore sur une certaine filiation…

par Guillaume Massart

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