Un jour avec, un jour sans

Un jour avec, un jour sans
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Un jour avec, un jour sans
Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida
Corée du Sud, 2015
De Sang-Soo Hong
Scénario : Sang-Soo Hong
Avec : Min-Hee Kim
Durée : 2h01
Sortie : 17/02/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Par erreur, le cinéaste Ham Chun-su arrive avec un jour d’avance à Suwon et a du temps à tuer avant la projection avec débat du lendemain. S’arrêtant devant un vieux palais restauré, il fait la connaissance d’une artiste nommée Yoon Hee-jung qui lui présente ses tableaux. Ils passent du temps ensemble à visiter son atelier, autour d’un dîner de sushis arrosé de soju, puis à boire avec des amies de Hee-jung et finissent par se rapprocher de plus en plus. Mais quand on demande à Chun-su s’il est marié, il ne peut qu’admettre qu’il l’est, ce qui déçoit profondément Hee-jung…

A L'ENVERS A L'ENDROIT

Couronné par le Léopard d'or à Locarno, la plus grande distinction qu'il ait reçue à ce jour, Hong Sang-Soo parvient en effet à un certain aboutissement avec Un jour avec, un jour sans. Après ses comédies HaHaHa et In Another Country, le Coréen a effectué un décrochage avec Sunhi et Haewon et les hommes qui comportent toujours une certaine drôlerie, mais dont le ton est un peu plus grave, plus dur, plus mélancolique. Son précédent Hill of Freedom semble être une parenthèse plus légère. Les récits dans le récit et mises en abyme de HaHaHa et In Another Country montraient des personnages qui se heurtent à l'impossibilité de raconter une situation correctement, autour d'un verre ou une plume à la main. Un jour avec, un jour sans, un peu à la façon de Sunhi et Haewon et les hommes, raconte la difficulté non pas de raconter une histoire, mais de la vivre. La communication, souvent enivrée au soju, a toujours été l'un des motifs du cinéaste et un moteur pour ses jeux narratifs. La rencontre archétypale de ce nouveau film (un cinéaste, une jeune femme, des bars) donne lieu à un nouveau jeu vertigineux.

On imagine mal Hong Sang-Soo scroller frénétiquement sur Twitter pour voir les commentaires de ses détracteurs lui reprochant de faire tout le temps le même film. Mais, de manière assez ironique, Un jour avec, un jour sans semble être une réponse de troll : ce n'est pas le même film que ses précédents films... c'est deux fois le même film en un seul long métrage. Armé d'une ardoise magique, Hong Sang-Soo dessine, efface, et recommence. C'est un geste à la fois très pur et très simple (on s'arrête et on recommence) mais aussi radical et quasi-expérimental (changeons quelques détails et revoyons le « même » film). Sauf qu'on sait que chez Hong Sang-Soo, le sentiment de déjà vu est trompeur : à essorer les « mêmes » personnages et situations, le cinéaste met avant tout en relief leur fragilité, leur complexité, et les différentes choses qu'ils ont à raconter. Ici, un cadre ou un axe légèrement différent, une parole plutôt qu'une autre, et tout change. C'est excitant d'un point de vue théorique (« comment raconter cette histoire ? », se demande le metteur en scène) et émouvant du point de vue du personnage (« comment revivre cette histoire ? », se demande le héros).

La ville de Un jour avec, un jour sans est silencieuse. On se rencontre dans la salle des bénédictions, on s'en remet à la statue de Bouddha. Les couleurs à l'image sont très douces. Les yeux sont mi-clos après la gorgée de soju de trop. Il y a pourtant une certaine cruauté dans ce jeu amoureux : lorsque la caméra de Hong zoome doucement vers l'héroïne déçue à table, c'est pour mieux l'isoler des autres et saisir sa tristesse. Mais Un jour avec, un jour sans, porté par deux acteurs extraordinaires (Jung Jae-Young et Kim Min-Hee) est beaucoup plus poignant que plombant. A l'image de cette balance ténue que le cinéaste établit entre le défi théorique et l'émotion simple, Un jour avec, un jour sans trouve un équilibre magique entre l'amertume et la vie. Son dénouement, dans une salle de cinéma (tiens tiens) ou sous la neige, est un des plus vibrants de toute sa filmographie.

par Nicolas Bardot

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