Two Mothers

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Two Mothers
Zwei Mütter
Allemagne, 2013
De Anne Zohra Berrached
Scénario : Anne Zohra Berrached
Durée : 1h15
Note FilmDeCulte : ****--
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À 43 et 37 ans, Katja et Isabella désirent un enfant. Mais il n’est pas question qu’une troisième personne vienne s’immiscer dans la vie de ce couple heureux, amoureux et marié : les deux femmes ne veulent pas de père, juste du sperme. Elles vont vite se rendre compte que la route qui mène à un bébé est plus dure que prévue…

PARCOURS DU COMBATTANT

Ce qui frappe avant tout dans Two Mothers, c’est son incroyable concision. Pas seulement celle de sa durée rikiki (1h15) mais surtout sa manière rare de dégraisser son scénario jusqu’aux nerfs. Voilà en effet un film qui assume son ambition première : documenter avec un réalisme sans concession, sans oublier pour autant de faire du cinéma. Comme c’est souvent le cas dans le jeune cinéma allemand, le réalisme a l’air ici encore « plus vrai » qu’ailleurs : la réalisatrice Anne Zohra Berrached ne fait en effet pas dans l’analyse psychologique ou sentimentale. A travers un scénario basé sur des témoignages réels, elle ne filme pas de discussions mais des faits, et ça change tout. Two Mothers n’élude aucune étape du parcours de ces deux femmes voulant devenir mère, mais surtout il ne film rien d’autre. Aucun contexte familial, aucun personnage extérieur à l’intrigue ne vient parasiter l’histoire. Cette économie confinerait à l’âpreté si la réalisatrice ne parvenait pas à la transformer en vrai atout cinématographique.

Les premières scènes du film souffrent de dialogues quelques peu explicatifs (« on va faire ça, on n’a pas d’argent, on va prendre rendez-vous ») qui font craindre que le long métrage reste alourdi par sa volonté de documenter, comme s’il voulait dire les choses plutôt que les montrer. Or, à l’image de ses héroïnes, Two Mothers se tait de plus en plus. Et en dit long. Ces deux femmes ne sont jamais filmées en train de revenir sur ce qu’elles vivent, en train de réfléchir à voix haute ou de dialoguer des explications. Cela rajoute encore de l’austérité ? Certes mais c’est surtout une manière de montrer que les épreuves s’enchainent si brutalement qu’elles n’ont pas vraiment le luxe de déclamer leurs notes d’intentions intérieures. Montré dans toute sa froideur, le processus de procréation médicalement assisté est en effet aussi tendu et éprouvant qu’un parcours du combattant. Le filmer sans concession dramaturgique suffit à créer un suspens et à donner au film toute la tension qu’il mérite. Two Mothers montre la stricte réalité : à savoir l’injustice flagrante des désirs de parenté homosexuels dans les pays où la loi sur la PMA n’est pas appliquée. Sans victimisation, la démarche d’Anne Zohra Berrached est donc déjà militante (ce n’est pas un gros mot). Mais Two Mothers est bien trop nuancé pour tomber dans le film à charge ou pour oublier de faire du cinéma, comme le prouve son dénouement inattendu (ne lisez pas plus loin si vous ne souhaitez pas connaitre la fin).

La réalisatrice ne fait pas de son film un conte de fée, et ses héroïnes ne seront pas récompensées de la manière dont elles le pensent. Cruauté du scénario? D’une part il ne faudrait pas faire de Two Mothers un film à thèse sur toutes les lesbiennes voulant devenir mère. Comme l’indique son titre, il s’agit juste de l’histoire de deux femmes parmi tant et tant d’autres. Mais surtout la réalisatrice a ainsi l’honnêteté brutale de dire que ce parcours est tellement éprouvant et épuisant, qu’il coûte tellement en temps, énergie et argent, que même un couple solide et motivé peut finir par en souffrir. C’est sans doute là où le réalisme du film devient le plus culotté. Car bien que basé sur une démarche militante, Two Mothers ne devient pas pour autant un film qui brosse la communauté LGBT dans le sens du poil. Film âpre, on ne risquait certes pas de le prendre par mégarde pour une comédie, mais il est surtout d’un pessimisme surprenant. Cela n’enlève rien à l’authenticité de son discours, ni à sa qualité cinématographique.

par Gregory Coutaut

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