Trois souvenirs de ma jeunesse

Trois souvenirs de ma jeunesse
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Trois souvenirs de ma jeunesse
France, 2015
De Arnaud Desplechin
Scénario : Arnaud Desplechin, Julie Peyr
Avec : Mathieu Amalric
Photo : Irina Lubtchansky
Musique : Grégoire Hetzel
Durée : 2h00
Sortie : 20/05/2015
Note FilmDeCulte : *****-
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Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent…Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».

COMMENT JE ME SUIS TROUVÉ... (MON ADOLESCENCE)

Si le film est sans doute plus imparfait que son prédécesseur (Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) dont il est faussement la préquelle), Trois souvenirs de ma jeunesse reste non moins parcouru d'un souffle romanesque. Celui-ci réinterprète les émois d'antan, qu'ils soient émancipation de la folie maternelle - l'introduction passe presque pour un film de maison hantée - ou aventure interlope potentiellement fantasmée, lors d'une première partie improbable qui renvoie davantage à la confusion en temps de Guerre Froide de La Sentinelle qu'au second long métrage du cinéaste. Citant toujours aussi allègrement la mythologie grecque, Arnaud Desplechin se construit la sienne, au travers de celle de son alter ego Paul Dédalus qui se cherche une identité sur le tard en replongeant dans sa jeunesse, en quête de ce qui l'a défini à travers les âges, des événements susmentionnés à sa relation on/off avec Esther, entamée (littéralement) sur les bancs du lycée avant de se transformer en romance épistolaire qui finira enfin par faire mal là où les coups reçus, par son père, son rival amoureux ou de sa propre main, ne furent jamais "sentis".

Une fois de plus, le cinéaste capture ces vérités avec toute la justesse qu'il sait iconiser, au détour d'une réplique digne d'une punchline ("Quand elle me parle, elle me fait mal aux seins") ou d'une scène de drague. L'auteur n'épouse pas complètement le genre choral ici et l'on ne peut s'empêcher de trouver certaines digressions un peu superflues - les séquences avec Yvan, le petit frère, qui semblent juste répéter celles du film original - mais Desplechin réussit tout de même l'aspect pluriel de son histoire avec les autres membres de la famille Dédalus : Bob, le cousin-miroir du héros dont le parcours offre une cohérence thématique globale, et la soeur, lors de cette émouvant échange inattendu avec son père. Contrairement aux films-fleuves du cinéaste, Trois souvenirs de ma jeunesse ne dépasse pas les deux heures et l'écriture en pâtit peut-être un peu - la névrose d'Esther paraît quelque peu précipitée - mais le film, tout aussi drôle et libre, a l'intelligence de se terminer sur un magnifique épilogue, fâché et soudainement serein, par le biais de ce dernier flashback qui, comme on apprend le grec pour retourner aux origines du langage, donne enfin le sens recherché par le protagoniste, oublié dans son "pays des délices", ses Arcadies.

par Robert Hospyan

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