Tony Takitani

Tony Takitani
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Tony Takitani
Japon, 2004
De Jun Ichikawa
Scénario : Jun Ichikawa
Avec : Rie Miyazawa, Hidetoshi Nishijima, Issei Ogata, Shinohara Takahumi
Durée : 1h15
Sortie : 25/01/2006
Note FilmDeCulte : *****-

Tony Takitani est un grand solitaire. Sa vie change lorsqu’il rencontre la jeune Eiko, dont il tombe amoureux. Eiko est cependant atteinte d’un étrange virus qui la pousse à acheter des vêtements de manière compulsive.

TONY T’A T-Y GUERI TA TOUX?

Ecrivain de la perte et de la solitude, à l’univers baigné de jazz et de femmes mystérieuses, Haruki Murakami n’avait encore jamais vu son œuvre adaptée en long métrage pour le grand écran. Alors que sort en librairie son nouveau livre (Kafka sur le rivage), Tony Takitani, adaptation de sa nouvelle éponyme, se fait une place en salle, théâtre d’une expérience un peu particulière. Etrange nouvelle, cette histoire de fétichisme vestimentaire, de double insensé, de disparitions subites et d’Œdipe incertain; étrange film, au pas lent et engourdi de marche funèbre, comme embaumé, bercé par sa timide voix-off, aussi effacée que son personnage principal. Jun Ichikawa déverse la litanie d’un isolement comme on déroule un parchemin, minutieusement, tourne les pages avec résignation, à travers de longs et lents travellings latéraux, répétés, inéluctables, presque figés – quelques images d’archives, immobiles, viendront même glacer le récit des parents, album photo noir et blanc dont il ne reste qu’un peu de tristesse. Un exercice de style aux volutes envoûtantes, pénétrantes, cherchant à percer l’insondable mystère de son héros impassible (Issei Ogata, vu dans Yi Yi), ou de son placard gorgé de tenues chics.

LE ROSE QU’ON NOUS PROPOSE D’AVOIR DES QUANTITES DE CHOSES

Valentino, Cerruti, Armani ou Saint Laurent s’accumulent dans un gigantesque dressing-room, traces démultipliées de besoins éternellement inassouvis. La soif boulimique d’Eiko n’a pas de fin, comme la solitude de Tony, malgré quelques illusions volatiles. Une femme disparaît, et ses innombrables tenues ne chantent plus que son absence, de robes qui envahissaient tout mais qui ne pèsent plus rien, mises en rang sur des cintres, fantômes d’un passé qui ne reviendra plus – "des ombres de taille 36". Même en posant, dans un élan vampirique, les fripes haut de gamme sur les jolies épaules d’une autre. Toute l’ironie d’un sort tourné en conte par Ichikawa, de la connivence entre la voix-off et les comédiens, jusqu’à sa Cendrillon transfigurée, en pleurs, tailleur prêt-à-porter contre soulier de vair, mais ici personne ne se marie et de toute façon les enfants feront la gueule, dans le dévorant déni du père qui a, lui, toutes les aisances. Ichikawa peint les souvenirs comme une prison, même en brûlant les vieux disques qui puent le moisi, sauvant des flammes une photo pour ne pas tout oublier. Ovni fragile et peu loquace, Tony Takitani renferme pourtant ses petits trésors de magnétisme, d’une forme ensorcelante à sa sensibilité de cristal.

par Nicolas Bardot

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