Soleil (Le)

Soleil (Le)
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Soleil (Le)
Solntse
France, 2005
De Aleksandr Sokurov
Scénario : Yuri Arabov
Avec : Robert Dawson, Kaori Momoi, Shiro Sano
Durée : 1h50
Sortie : 01/03/2006
Note FilmDeCulte : *****-

Eté 1945: le Japon est occupé. L'Empereur Hiro Hito est au coeur de l'intrigue. Le Soleil retrace les événements intervenus entre deux décisions historiques prises par cet éminent personnage: la reddition sans condition de son pays face aux Alliés et la renonciation à son ascendance divine.

SOUS LE SOLEIL

Il y a, au milieu du dernier film du réalisateur de L’Arche russe, une scène épique, terrifiante, qui le scinde en deux parties, distinctes aussi bien narrativement que formellement, l’une sombre et claustrophobique, l’autre plus allégée et sereine, qui culmine dans l'abandon par l'Empereur, de son statut divin. Entre les deux, un cauchemar, une vision de Tokyo en flammes, bombardée par des avions aux formes de poissons volants, des immeubles éventrés, le feu qui jaillit, puissant et dévastateur… En une scène, surprenante, presque choquante, c’est l’enfer de Dante que Sokourov parvient à saisir, l’atrocité de la guerre pour un pays encore exsangue, traumatisé par les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, et c'est tout le destin du personnage qui est remis en question: peut-il mener son pays à sa perte, en poursuivant une guerre qu’il sait perdue d’avance? Question qui ne trouvera sa réponse qu’au terme des quelques mois qui s'écoulent entre la capitulation du Japon et l'abandon des droits divins par l'Empereur. Troisième partie d'une série consacrée à ces hommes hantés par le pouvoir, série entamée avec Moloch (Hitler), poursuivie avec Taurus (Lénine) - et qu'il devrait terminer d'ici quelques années avec un film consacré au mythe de Faust - Le Soleil décrit cette période de la vie de Hiro Hito, homme éprouvant un réel désir de vivre, et ne se sentant pas véritablement à l'aise dans l'exercice du pouvoir, qu'il ne cesse de fait de remettre en cause. Personnage figé dans des traditions infrangibles, idolâtré par ses serviteurs et ses ministres, sa seule révolte face à cet univers figé se limite à ce tremblement de la bouche incessant, qui exprime tout le refoulement d’un soulèvement potentiel.

THE SUN ALWAYS SHINES ON TV

Spécialiste de la question japonaise après plusieurs reportages réalisés en Asie, Sokourov aboutit avec ce film à un véritable travail d’archives et de documentations, présentant un aspect – forcément restreint et déformé par le prisme du réalisateur, même si fortement inspiré de témoignages des contemporains de l’Empereur – d’une période charnière dans l’Histoire du pays. "Hiro Hito gouverne avec des gants blancs", explique Sokourov, non pas par impéritie, mais à cause d’un système gouvernemental archaïque. Divinité humaine, héritier de la déesse du soleil, au corps et au visage aussi surannés que les cadavres d’animaux conservés dans du formole qu’il passe son temps à étudier, l’Empereur est en perpétuels balbutiements, hésitant sans cesse entre l’acceptation de sa condition et l’avancée vers des valeurs plus occidentales susceptibles de sortir son pays du marasme et de la guerre. "Mon objectif était de montrer le caractère humain de l'Empereur. Un homme d'état qui a préféré l'humiliation politique à la mort d'êtres humains. Par un jeu de cadres fixes (aux compositions, comme toujours chez Sokourov, sublimes), par de subtiles décalages qui décentrent le personnage, le cinéaste parvient à l’exclure de tous les lieux dans lesquels il le place. Hiro Hito gouverne, mais reste un paria constant, un être en perpétuel mouvement qui ne parvient jamais à se fixer, trop occidental pour les Japonais, trop japonais pour le Général MacArthur, son principal interlocuteur. Espérant un rapprochement avec le peuple, il ne peut que constater l’étendue du fossé qui les sépare, fossé souligné là encore par Sokourov, qui renforce les perspectives et les différences (voire la scène où un serviteur boutonne la chemise de l’Empereur, vision en plan subjectif et en plongée soulignant la petitesse sociale du personnage).

BIG MAC ARTHUR

A la splendeur en demi-teinte de l’Empereur est confrontée celle de l’ennemi, du vainqueur américain représenté par le Général McArthur. Personnage de guerre mais aussi de palabres, curieux des mœurs japonaises et plus particulièrement de la façon dont il pourra utiliser l’emprise de Hiro Hito sur son peuple. Tout le problème qui se pose à lui réside dans la question suivante: que faire de l’Empereur, le tuer comme le suggère Staline, ou au contraire l’utiliser pour rallier au capitalisme le peuple japonais? La seconde partie du film est donc une discussion entre deux visions des choses, dont l’une semble fortement teintée, voire attirée, par la seconde. Par le biais d’un acteur prodigieux et longtemps resté anonyme (toute représentation de l’Empereur est interdite au Japon), Sokourov souligne cette attirance que peut avoir Hiro Hito pour l’Occident, lui qui a effectué, deux décennies auparavant, plusieurs voyages officiels en Europe, contre l’avis même de son gouvernement. Scrutant l’interlocuteur (le Général, ou encore ces journalistes américains venus le photographier), Issey Ogata parvient à retranscrire la détresse mélangée à la fierté qui faisaient le paradoxe de cet homme hors du commun. "J'ai réalisé

par Anthony Sitruk

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