Snake of June

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Snake of June
Rokugatu No Hebi
Japon, 2002
De Shinya Tsukamoto
Scénario : Shinya Tsukamoto
Avec : Yuji Kohtari, Asuka Kurosawa, Shinya Tsukamoto
Durée : 1h17
Sortie : 01/01/2002
Note FilmDeCulte : ****--
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Rinko, jeune femme de 30 ans, est assistante sociale et passe son temps à converser au téléphone avec des interlocuteurs souvent désespérés. Elle est mariée à Shigehiko, un homme d'affaire bien plus âgé qu'elle, obsédé par la propreté. Le soir, quand elle rejoint le lit conjugal, il préfère dormir sur un fauteuil. Un intrus va briser le train-train de leur vie rangée...

"Serpent de juin". Voici un titre fort mystérieux pour le nouveau film de Shinya Tsukamoto, trublion virtuose du cinéma japonais. Juin est la saison des pluies au Japon, celle qui inonde Tokyo durant tout le film. Tsukamoto explique que l'eau y est un symbole de vie, a fortiori dans le décor tokioïte, celui d'une ville de béton. C'est celle qui redonne vie à la cité, celle également qui va réanimer le couple de Rinko et Shigehiko. Mais alors que l'eau dans le dernier Imamura apporte un caractère apaisant à son propos, Tsukamoto donne lui davantage dans le typhon. Pas étonnant de la part du réalisateur de films coup de poing tels que Tetsuo ou Tokyo Fist. Gemini, film de commande adapté de Edogawa Ranpo, marquait donc une parenthèse. Ce dernier, certes fascinant, était un peu moins exubérant que ses furieux premiers films. Ce qui se perd dans ce nouveau long métrage (Gemini témoignait d'une maîtrise absolue et d'une maturité nouvelle, alors que Snake of June est plus confus) se gagne d'un autre côté (une expérience plus originale encore, plus déroutante et libre).

Car la liberté de Tsukamoto se sent: la volonté, malgré une célébrité grandissante, de revenir au noir et blanc, en est un exemple. Ici le réalisateur nous gratifie d'un noir et blanc bleuté, à l'image de l'eau qui imprègne le béton. Un photo contrastée et un beau sens du cadre font de Snake of June une réussite formelle. Tsukamoto se permet également des audaces narratives, brisant son film en deux pour adopter d'abord le point de vue de Rinko, puis celui de Shigehiko, semant parfois le spectateur dans des scènes difficilement compréhensibles (d'où l'intérêt de revoir le film), tendant à faire de Snake of June une expérience sensorielle assez inédite.

Tsukamoto filme l'inertie de la vie sexuelle d'un couple de japonais lambdas et l'électrochoc provoqué par un inconnu big brotheresque. Le sexe se révèle être le ciment du couple, l'intrus réanimant ce qui semblait éteint depuis un certain temps, en ayant recours aux pulsions voyeuristes de Shigehiko (qui se masturbe en observant sa femme au loin) ou à l'exhibitionnisme de Rinko (qui use de son vibromasseur et se déshabille pendant que l'intrus la photographie). Le travail sur le son a son importance dans cette dernière scène, chaque bruit émis par le flash étant gonflé pour qualifier l'aspect révélateur de cette scène, la façon dont la vraie Rinko apparait. Le sexe devient également une question d'urgence: Rinko exciterait-elle autant son mari si, atteinte d'un cancer du sein, elle devait en subir l'ablation? On peut toutefois rester dubitatif sur le prétexte de cette histoire, les motivations de l'intrus (qui se sert en quelque sorte du couple comme d'un cobaye) demeurant plutôt floues. Intéressant à cet égard de constater que Shinya Tsukamoto s'est lui même attribué ce rôle...

Comme souvent chez le réalisateur nippon, Snake of June trotte longtemps après la séance dans la tête du spectateur dérouté. De cette odyssée sexuelle intense (1h17), on retirera également la remarquable performance de Asuka Kurosawa, qui parvient à exister pleinement au côté de l'ombre immense de Tsukamoto, réalisateur, scénariste, acteur, monteur et chef opérateur de ce serpent énigmatique.

par Nicolas Bardot

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Le film a obtenu un prix spécial lors du dernier Festival de Venise, dans la sélection "contre-courant".

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