Silent Hill

Silent Hill
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Silent Hill
Japon, 2006
De Christophe Gans
Scénario : Roger Avary, Nicolas Boukhrief, Christophe Gans
Avec : Tanya Allen, Sean Bean, Kim Coates, Laurie Holden, Deborah Kara Unger, Radha Mitchell
Durée : 2h07
Sortie : 26/04/2006
Note FilmDeCulte : ***---
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De plus en plus souvent, la petite Sharon rêve d'une ville abandonnée, Silent Hill. Sa mère, Rose, décidée à comprendre l'étrange mal dont souffre son enfant, décide de l'accompagner sur place. Alors qu'elles pénètrent dans cet univers lugubre, Sharon disparaît. Rose se lance à sa poursuite, mais se rend vite compte que ce lieu étrange ne ressemble à rien de normal. Noyée dans le brouillard, peuplée d'étranges créatures, hantée par des ténèbres vivantes qui dévorent littéralement tout ce qu'elles touchent, cette dimension va peu à peu livrer ses terrifiants secrets...

EN TOUTE BONNE FOI

Spécialiste incontesté et fan incontestable, Christophe Gans l'avait promis: en adaptant Silent Hill, le célèbre survival-horror d'Akira Yamaoka, il serait fidèle à sa source et ne trahirait rien, immensément respectueux du matériau d'origine. On pouvait lui faire confiance: Silent Hill, c'était chez lui. Le moindre caillou, le moindre détail de déco, la moindre parcelle de terrain constitueraient sa "vision", tellement dense, tellement fidèle, tellement collée aux basques du chef-d'œuvre vidéoludique originel, qu'on y lirait comme dans un miroir… Gans n'a pas menti: son patelin brumeux est bien celui des nuits blanches virtuelles. Dominante ocre, décorum poisseux, faune malséante… Clive Barker rôde et le gamer trépigne. Pourtant, Silent Hill patine. Le jeu, explique Gans dans le dossier de presse, "a été le plus grand moment de terreur de ma vie, celui qui m'a fait cauchemarder en m'impliquant psychiquement et moralement. Je connais peu de gens qui en sortent indemnes. Le joueur est immergé, amené à prendre des décisions qui le plongent de plus en plus dans la fébrilité et la terreur. Silent Hill est captivant au plus haut degré." Ici se trace la ligne de démarcation entre intentions et concrétisation, entre bonne foi et résultat. Préoccupé par la loyauté de sa "vision", qu'il interroge en termes strictement techniques, Gans oublie la puissance immersive du soft, pour œuvrer, en forain, à assembler les pièces finement ornementées d'une attraction grandeur nature, sans valeur cinématographique réelle: un train-fantôme high-tech. L'amateur est donc servi, qui se régale d'un production design d'une précision impressionnante, sans hélas jamais l'investir.

NOUS N'AVONS FAIT QUE FUIR

C'est donc sur la question de l'immersion que Silent Hill trébuche. Cinéaste du visible, inefficace dans le non-dit, Gans filme son monde comme, de crainte de l'abîmer, on touche une maquette: avec les yeux. La caméra plane, de grue en grue, glisse sur des trajectoires fantaisistes, dérive au fil de couloirs à l'éclairage incertain… Radha Mitchell y fait son footing, à grandes enjambées, franchit des portes, évite les ugly guys putréfiés, puis court et court encore. En somme, Gans met ses décors en scène, plutôt que de mettre en scène dans ses décors. Et oublie au passage que ce qui était activité vidéoludique (la fuite, la perte, l'indécision, l'incertitude de la menace), devient passivité en son cinéma. Ce qu'il ne montre pas, le film ne parvient jamais à le sous-entendre, préférant noyer une trame à l'argument narratif finoche, en d'obscurs et emphatiques dialogues ésotériques, péripéties à peu de frais (quelle menace pour une héroïne presque seule, qu'on sait devoir rester vivante deux longues heures durant?) et agaçantes facilités (ici un récurrent fondu au noir elliptique, là une ribambelle d'indices, tous bien en évidence). S'en trouve vidé de sa substance le facteur humain, effleuré en une grossière thématique maternelle, ainsi qu'en une intrigue secondaire accessoire, que le pauvre Sean Bean s'escrime à meubler, à force de mimiques d'impuissance molle. Détaché de toute implication émotionnelle, de ce qui justement rendait le jeu viscéral et organique, ne reste plus au spectateur que le loisir de contempler ce qui l'entoure: images (photo somptueuse), sons (travail acoustique et musical impeccable), créatures… La monstrueuse monstration sied en effet à Gans, qui fait de chacune de ses chimères — manières de boss de fin de couloirs — un petit spectacle à part entière (la traversée d'un champ d'infirmières photosensibles, périlleux "un-deux-trois-soleil", marque ainsi durablement la rétine). Sanglante parade, donc: démo technique sublime, cinématique de luxe — c'est toujours ça.

par Guillaume Massart

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