Secteur 545

Secteur 545
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Secteur 545
France, 2005
De Pierre Creton
Scénario : Pierre Creton
Avec : Pierre Creton, Jean-François Plouard, Cécile Raynal
Durée : 1h45
Sortie : 04/01/2006
Note FilmDeCulte : **----

Le "secteur 545" désigne dans le pays de Caux les limites dans lesquelles Pierre Creton, peseur au contrôle laitier, exerce son activité auprès des éleveurs qui en font la demande. Au fil de ces rendez-vous réguliers, des relations se nouent, et Pierre Creton se risque à poser certaines questions, particulièrement celle-ci: entre l'homme et l'animal, quelle différence?

VACHARDISES

Documentaire labellisé Shellac, nappé d’un noir et blanc coquet, à hauteur d’homme, ambitionnant d’arpenter la rare croisée des chemins entre la sociologie et l’éthologie, Secteur 545 promettait beaucoup. Pour son premier film, Pierre Creton optait pour un film à toute petite économie, évidemment numérique et, par extension, affichait velléité radicale de modernité documentaire. On s’attendait donc à une Peau trouée chez les éleveurs, mâtinée de Profils paysans pour les lieux, de Dutch Harbor pour l’approche esthétique et même de Ciel tourne pour l’esprit. Ne nous reste hélas sur les bras qu’une sorte de triste antithèse au passionnant 1/3 des yeux, hypnotique œuvre expérimentale sortie récemment à la "va-beaucoup-trop-vite". A savoir un documentaire soi-disant centré et, au final, inutilement digressif – là où le travail d’Olivier Zabat consistait au contraire en grande part à réinventer l’effet Koulechov pour que se dévoilent seuls les thèmes, par empilement et collusion. Creton s’engage donc en sens inverse: hasardeusement monté, étranger à la juste durée d’un plan (et en cela largement écrasé par la tranquille suprématie paysanne du diptyque de Depardon), son film s’enlise rapidement dans la grande banalité. Ici se mesurent d’ailleurs les talents de cinéastes d’un Samani ou du duo Braden King-Laura Moya, capables de faire du plus quotidien des gestes un événement spectaculaire, extra-ordinaire, et sans cesse renouvelé.

CE QUI SE CONÇOIT BIEN S’ÉNONCE CLAIREMENT

Creton, lui, échoue justement à reproduire le geste, voire ne s’y intéresse pas (sauf à dévier de son sujet, ainsi qu’en témoignent quelques jolies séquences chez une sculptrice, jamais aussi fortes toutefois que les belles arabesques picturales du peintre aveugle filmées par Mercedes Alvarez), pour donner la primauté au plus classique entretien. Pas sûr que l’on y gagne au change: interlocuteur sincère mais largement perfectible, Creton ne parvient pas à dissimuler combien sa démarche est brouillonne. La question, pourtant simple à énoncer (quelle différence y a-t-il entre l’homme et l’animal?), censée animer Secteur 545, lâchée une première fois un peu par hasard, comme un aveu d’échec, d’absence de liant, revient sans rigueur dans la bouche de notre peu assuré intervieweur, bredouillée, jamais franche, presque honteusement avancée. De fait, les réponses (mais qu’en espérait-on au juste?) sont difficilement autres que timorées, ironiques ou gênées. Et, forcément, aussi inoffensives que répétitives. Reste un épisode, troublant et révélateur, où la gentille question du documentariste se heurte de plein fouet au mur du rejet et à une logorrhée violemment réactionnaire. Creton hésite, balbutie, ricane, ostensiblement embarrassé. Ose une timide remarque. Et se fait moucher. On n’en saura pas davantage, le provocateur à gros sabots n’ayant droit qu’à une seule séquence. Vachement frustrant.

par Guillaume Massart

En savoir plus

Secteur 545 est accompagné en salles par le triptype de Pierre Creton Le Soleil les regarde, qui souffre des mêmes qualités et défauts que son grand frère: belle proximité avec les hommes, mais propos difficile à cerner. Courtisé tour à tour par l'ironie distanciatrice et le jusqu'au-mutisme béat, le spectateur sombre doucement dans l'ennui. Dommage.

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