Sansa

Sansa
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Sansa
France, 2003
De Siegfried
Scénario : Siegfried
Avec : Valentina Cervi, Rita Durao, Ivry Gitlis, Emma Suarez, Roschdy Zem
Musique : Siegfried
Durée : 1h55
Sortie : 28/01/2004
Note FilmDeCulte : *****-

Sansa est un vagabond de carte postale, gapette vissée sur la tête, manteau râpé, pas un sou vaillant, mais des rêves plein la tête et des voyages plein les bottes. France, Espagne, Italie, Hongrie, Russie, Inde, Japon, Egypte, Portugal, Ghana, Burkina Faso... Ses pérégrinations le mènent aux quatre coins du monde, et l’amènent à croiser toutes sortes d’énergumènes, de flics et de jolies filles.

BONHOMME DE CHEMIN

Image granuleuse et fourmillante, contrastes exacerbés, caméra à l’épaule, image tremblée, hachée, décalée… Pas de doute, Siegfried est de retour, sa patte graphique et ses fidèles avec. Vincent Buron à la photo, Hervé Schneid au montage, Jean-Luc Audy au son, lui-même (derrière l’avatar Sig) à la musique, et bien sûr Roschdy Zem devant la caméra. Surtout Roschdy Zem, devrait-on dire. Après deux années de passage à vide artistique, meublé de Blanche, Chouchou et autres Raid, Zem retrouve enfin des habits à sa taille dans un rôle de trimardeur bavard, finaud, débrouillard et apatride. Un rôle à hauteur d’homme, pivot de la narration, seul, ou presque, personnage récurrent d’une narration libre, aérienne et itinérante. Sansa papillonne à travers le monde, sur une trajectoire chaotique, croise des personnages à la fois interchangeables et uniques (Monsieur Click le chef d’orchestre, June la japonaise, les boxeurs à la retraire Georges Abe et Crazy Ahmed)... Sans attache, sans argent, sans toit, et même sans nom de famille, Sansa est le personnage romanesque idéal, baluchon sur l’épaule, yeux grands ouvert, et des fourmis plein les jambes. Image d’Epinal de la bohème libre et insaisissable, Sansa bouscule le cadre, le chahute, s’enfuit, revient sur ses pas, pour enfin se figer, contemplatif. De la même manière, la caméra de Siegfried tourne autour de cette silhouette, lui court après, la sublime, puis finalement s’en détache, pour s’attarder sur des visages indiens, russes ou nippons, inconnus et fascinants.

ET VIVE LA BOHEME

De cette longue balade contemplative, drôle et sensible, ce sont ces figures qu’on retiendra le plus. On s’oublie dans Sansa comme on feuillette, avec un plaisir d’enfant, les photos sur papier glacé d’un National Geographic. De fait, la réalisation de Siegfried, faite de tics visuels nerveux et poseurs, et dont on pourrait regretter le systématisme (tout est contaminé par les démonstrations esthétisantes de Siegfried, jusqu’au visa d’exploitation, griffonné sur un tableau noir et filmé façon super-8), finit par s’assimiler comme une routine, exaltant la substance des images et des corps sans se soucier d’être ou non dans l’excès. Ce n’est qu’une fois ce bouillonnant principe assimilé que l’on peut se laisser aller à l’égarement naïf auquel nous invite Sansa. En laissant au placard son affinité pour le glauque à l’œuvre dans Louise (Take 2), Siegfried se pare d’une innocence artistique, certes candide, mais autrement plus efficace. L’autre atout dans sa manche est à aller chercher du côté de la musique, et plus précisément des vibratos entêtants d’Ivry Gitlis, amusant cabot à l’écran et génial violoniste à la ville. A l’image d’une réalisation à mi-chemin entre l’artisanal et la modernité, la bande originale mêle dans un même élan sonorités tziganes et rythmes trip-hop pour une eurythmie inattendue, quelque part entre Bumcello et Miles Davis. Partie intégrante de la réussite du film, la B.O. semble lui dicter son rythme, ses respirations et ses fulgurances. Elle s’affirme comme le pilier nécessaire à la cohésion d’un film fait de bric et de broc, pas franchement modeste, mais au final attachant et savoureux. A la limite du casse-gueule, et sans doute encore un peu trop long, Sansa reste donc une belle surprise, qui aura au moins eu le mérite d’éveiller notre curiosité quant au destin de son réalisateur.

par Guillaume Massart

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