Running Man
États-Unis, 2025
De Edgar Wright
Scénario : Michael Bacall, Edgar Wright
Avec : Josh Brolin
Photo : Chung-hoon Chung
Musique : Steven Price
Durée : 2h13
Sortie : 19/11/2025






Dans un futur proche, The Running Man est l’émission numéro un à la télévision : un jeu de survie impitoyable où des candidats, appelés les Runners, doivent échapper pendant 30 jours à des tueurs professionnels, sous l'œil avide d’un public captivé. Chaque jour passé augmente la récompense à la clé — et procure une dose d’adrénaline toujours plus intense. Ben Richards, ouvrier désespéré prêt à tout pour sauver sa fille gravement malade, accepte l’impensable : participer à ce show mortel.
YOU WOULDN'T LIKE ME WHEN I'M ANGRY
En 2017, Edgar Wright exprimait innocemment son souhait de vouloir porter à l'écran une adaptation fidèle de l'ouvrage de Stephen King. Quatre ans après, il concrétisait ce vœu en étant embauché pour le faire. Il aura fallu encore quatre ans pour que le film voit le jour, en 2025, année durant laquelle se déroule l'action dans le livre. Si le film ne donne délibérément pas d'indication temporelle, son futur dystopique n'est bien évidemment pas si éloigné de notre présent, comme si Wright avait saisi que la réalité allait rattraper la prescience du roman. Il est tristement révélateur de constater que deux des œuvres signées Richard Bachman, l'alter ego jeune et enragé de King, atterrissent sur les écrans à un mois d'intervalle. En effet, Running Man apparaît comme la version bourrine de Marche ou crève, remplaçant l'allégorie dépouillée et désespérée de la vie et de la société par une métaphore plus grossière, la colère ayant pris le dessus, permettant toutefois une satire plus parlante encore.
Après son détour par un registre horrifique, le cinéaste retrouve ici l'humour qui caractérise son cinéma mais le ton reste néanmoins donné par une première réplique qui résonnera à travers tout le film et jusqu'au dernier plan : c'est vraiment l’œuvre d'un mec vénère. C'est ce qui caractérise ce protagoniste, qui n'est pas simplement un personnage désabusé, et encore moins le superflic accusé à tort de la version 1987, mais bel et bien le Ben Richards du roman, à savoir un chômeur en guerre contre le système (en moins chétif cela dit). Glen Powell biaise quelque peu sa nature affable pour composer un héros constamment au bord de l'explosion. Et tu sens que l'écriture du personnage canalise les pensées de l'auteur. Chez Wright, le protagoniste est toujours en proie à une certaine manifestation du conformisme, de l'establishment ou de l'esprit de masse, qu'il s'agisse de zombies, d'une bourgade protectionniste ou de body snatchers, et The Running Man ne déroge pas à la règle avec sa populace ennemie sujette à dénoncer Ben Richards. Entérinant le propos de Marche ou crève, ce nouveau jeu mortel imaginé par King présente un monde plus enclin encore à l'égoïsme. C'est l'altruisme passé de Richards qui l'a rendu inemployable et on lui intime de ne penser qu'à lui et aux siens s'il veut s'en sortir. Tout le récit repose sur une question : comment utiliser cette colère, en envoyant chier tout le monde ou en incarnant la révolution?
Des aperçus parodiques d'émissions télévisées à l'architecture brutaliste qui bâtit sa dystopie, Wright s'inspire clairement du Verhoeven de Robocop et Total Recall mais en amplifie l'esprit contestataire pour signer un film de son temps. Les actes du héros, poussé à faire ce qu'il fait parce que les coûts médicaux pour soigner sa fille sont hors de prix et adulé des 99%, prennent une toute autre dimension à l'aune de Luigi Mangione. Tout comme la manipulation des images ne tient plus de la science-fiction à l'ère de la post-vérité. C'est d'ailleurs l'un des aspects les plus intéressants du film, un ajout par rapport au roman, cette idée qu'il faut répondre à l'image par l'image, qu'il s'agisse des vlogs de Richards ou des vidéos clandestines qui prennent des atours de fact-checking et de décryptage mais pourraient tout aussi répondre à la mise en scène par la mise en scène. Car si l'on prête à la fin, dont les choix de mise en scène ne sont pas innocents, la même ambigüité qu'à celle de Minority Report, autre film d'anticipation suivant un fugitif en proie au regard de tous et des caméras, le propos se fait plus subversif encore. En tout cas, cela permettrait d'élever un film tout de même un peu sur des rails, et qui manque un peu d'inventivité dans l'action, mais difficile de bouder son plaisir devant ce blockbuster anar.






