Room

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Room
Canada, 2015
De Lenny Abrahamson
Avec : Brie Larson
Durée : 1h58
Sortie : 09/03/2016
Note FilmDeCulte : ****--
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Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu.

DE L'AIR

On serait tenté de dire qu'il vaut mieux en savoir le moins possible sur Room, au-delà de son simple postulat de départ : deux personnages, une seule pièce, et une caméra qui ne sort jamais de ces quatre murs. Ce n'est pourtant pas l'avis de la bande-annonce qui, à défaut de gravement spoiler (les virages et surprises du scénario arrivent quand même relativement rapidement dans le film), en montre un peu trop sur la suite des événements pour Jack et sa mère. Tant pis. La trame narrative de Room aurait pu donner lieux au mélo familial le plus tire-larmes et convenu, mais le film d'Abrahamson prend justement un parti singulier, celui de construire son récit sous forme de miroir, où la deuxième moitié est le reflet inversé de l'autre.

Jack et sa mère vivent dans une seule pièce, dénuée de fenêtre, comme coupés du monde. Sont-ils extrêmement pauvres, clandestins ou bien séquestrés? Le film a la bonne idée de ne pas apporter la réponse d'emblée, préférant mettre en avant l'amour familial entre eux deux. A contre-courant d'un réalisme misérabiliste, Room épouse l’énergie et l'imagination de Jack : né dans cette même pièce, celui-ci n'a jamais connu le monde extérieur. Ces quelques mètres carrées sont pour lui aussi grand que l'univers tout entier et de fait, la film ne donne jamais une impression de claustrophobie. Sans bien sûr être une comédie naïve, Room respire. Est-ce une affaire de décor, de mise en scène, de montage?

C'est en tout cas en partie grâce aux comédiens. Face à jeune Jacob Tremblay (qui évite heureusement les jérémiades de petit singe savant), Brie Larson s'en tire haut la main dans un rôle pas évident. Un rôle lui-même ambivalent : à la fois mère courage et jeune femme victime. On croit reconnaître entre elle comme un écho de certaines performances de Jennifer Jason Leigh des années 90: à la fois vulnérable et bornée, lessivée mais toujours potentiellement toujours prête à mordre. La deuxième partie du film a beau lui imposer des scènes dramatiques un peu plus convenues, sa performance n'est jamais lisse.

A propos de cette deuxième partie. C'est sur elle que reposent tous les paradoxes de Room. Les vannes s'y ouvrent en grand, créant comme un négatif du minimalisme presque radical du début. A l'image d'une cellule familiale diluée et ouverte aux quatre vents, cette seconde moitié laisse plus de place à l'imprévu (notamment dans la manière dont les personnages réagissent, offrant ainsi au scénario ses passages les plus durs), mais aussi, bizarrement, à une écriture cinématographique plus convenue. Les cris et les larmes, sciemment évités au début du film, apportent moins d'émotion que de lourdeur. Il y a une sorte de schizophrénie dans ce scénario qui alterne non-dits malins et dialogues sur-explicatifs, et on se surprend à rêver que l'ensemble conserve jusqu'à la fin la brillante économie de la première partie. Pourtant, malgré cette maladresse momentanée, Room est émouvant. Mais il l'est surtout quand il n'essaie pas de l'être. C'est en effet la transition entre les deux moitiés que l'on retient le plus: l’espace d'une séquence, le film nous happe comme un appel d'air, créé par un sas ouvert grand vers le dehors.

par Gregory Coutaut

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