Red State

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Red State
États-Unis, 2010
De Kevin Smith
Scénario : Kevin Smith
Avec : John Goodman, Melissa Leo
Photo : David Klein
Durée : 1h28
  • Red State
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Trois adolescents vivant dans le midwest américain répondent sur Internet à une annonce promettant des relations sexuelles. Ils sont loin de se douter qu'ils vont tomber entre les mains d'une secte d’extrémistes religieux aux intentions macabres.

L'ART DE SE PERDRE…

Quand on insère la galette d'un Kevin Smith à l'intérieur du lecteur, on sait qu'on va se marrer à grands coups d'ados attardés et de vannes ultra référencé. A la vision de Red state une évidence s'impose: le gentil geek à pété les plombs. Comment en est-on arrivé là? Red state, le dixième film de Kevin Smith est une œuvre de dureté et de douleur. De sa genèse jusque dans sa distribution tronquée, tout semble avoir été dicté par les échecs et les frustrations que le réalisateur a accumulés tout au long de sa carrière. On croyait Kevin Smith perdu. On avait surtout vite fait de l'enterrer comme porte drapeau d'une certaine idée déjà périmée du cinéma indépendant américain. Il l'avait aussi bien cherché le bougre, empêtré qu'il était à essayer de faire du pied à Hollywood avec l'embarrassant buddy movie Top cops ou diluant son style dans celui de Judd Apatow avec Zack & Miri font un porno, tout en clamant à longueur d'interview ou de one man show qu'il se sentait incapable de gérer les gros budgets des productions à grand spectacle. L'univers View Askew (sa boite de prod), qu'il lui avait toujours servi de bouée de secours, commençait aussi à sérieusement prendre l'eau. Bien que sympathique, Clerks 2 montrait clairement les limites d'un univers bien trop tôt englué dans la nostalgie. Une révolution s'imposait.

…POUR SE RETROUVER

Son film d'horreur, Kevin Smith en parle en interview depuis 2006 (dans un plan de carrière idéal c'est certainement celui qu'il aurait dû enchainer après Jay et Bob contre-attaquent). Le refus catégorique des frères Weinstein de le produire avait poussé le cinéaste à retrouver les joies d'être (vraiment) indépendant en décidant de faire son bébé dans un coin pour 4 millions de dollars. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il nous a bien eus, car si en effet Red state est bien un film d'horreur vaguement affilié au torture porn pendant ses trente premières minutes, le film vire vite au pamphlet d'action à portée théologique voir humaniste. Afin de couvrir tout le spectre d'un scénario à tiroirs aux personnages hautement antagonistes, Kevin Smith embrasse littéralement tous les points de vue de son script en changeant de personnage principal toutes les quinze minutes, bien aidé par les prestations sur mesure de certains acteurs (on parle bien sûr de Michael Parks pour qui le film a été écrit mais on ne soulignera jamais assez à quel point John Goodman est impérial). Rendu complètement schizophrène par l'exaltation qu'il tire de son sujet (on ne peut s'empêcher de penser aux démêlés que le réalisateur a eus lors de la sortie de Dogma en 1999), Kevin Smith metteur en scène est tous les personnages de son film, des candides crétins qui servent de point de départ à l'histoire, aux cathos intégristes aveuglés par une parole qu'ils croient sainte en passant bien sûr par les membres du gouvernement empêtrés dans une situation impossible dont il faut sortir absolument, peu importe les moyens. Ils représentent à l'écran chacun une facette différente d'un cinéaste que l'on pensait bien moins compliqué, et la hargne qu'il emploie à unir la fond et la forme font de Red state, ce Rashomon redneck, une œuvre stylisée, complexe et forte. Et bien sûr, elle replace Kevin Smith dans la position qu'il a toujours préférée: celle de meilleur espoir du cinéma américain.

Clément Gérardo

par Palpix

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