Quand j'étais chanteur

Quand j'étais chanteur
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Quand j'étais chanteur
France, 2006
De Xavier Giannoli
Scénario : Xavier Giannoli
Avec : Alain Chanone, Christine Citti, Gérard Depardieu, Patrick Pineau, Cécile de France
Durée : 1h52
Sortie : 13/09/2006
Note FilmDeCulte : *****-

Aujourd’hui, la rencontre d’un chanteur de bal et d’une jeune femme.

QUAND DEPARDIEU ETAIT ACTEUR

Moins d’un an après l’authentique réussite d’un long métrage passé malheureusement inaperçu (Une aventure), Xavier Giannoli poursuit sa dissection des sentiments humains à travers le parcours d’un chanteur de bal, un individu banal confronté, là encore, à un imprévu qui vient bouleverser ses habitudes, ses certitudes. Repoussant un peu plus, malgré certaines réminiscences et la présence lumineuse de Gérard Depardieu, l’image titulaire d’un Pialat apposée à tort ou à raison à ses Corps impatients, Giannoli tranche avec le maître dans la construction de son intrigue, qui ne s’articule plus ici autour d’ellipses temporelles anodines, mais plutôt sur un lent crescendo que le cinéaste parvient à maîtriser de bout en bout. Sans doute moins immédiatement fort que son premier film, moins brutal, mais en retour plus apaisé, plus réfléchi, Quand j’étais chanteur assoit néanmoins un peu plus la maturité du cinéaste, sa maîtrise absolue de toutes les possibilités que lui offre une histoire riche en émotions. Alain Moreau (Depardieu dans l’un de ses plus beaux rôles), Giannoli le suit d’un bout à l’autre de son film, sans jamais le lâcher, sans même jamais l’épargner, sans chercher à dissimuler ses états d’âme et ses douleurs. Comme Nicolas, joué par Nicolas Duvauchelle dans Une aventure, Alain est un personnage sauvage et indomptable, qui échange peu et ne se livre pas, qui vit principalement la nuit, à travers un regard qui n'est pas le sien (celui des cinéastes dont Nicolas diffuse les films à la vidéothèque où il travaille dans Une aventure, celui des spectateurs venus écouter Alain chanter dans Quand j’étais chanteur). Sans doute encore un peu enfant, confronté à un univers et une situation d’adultes, qui aime à se déguiser et se donner en spectacle, mais se révèle incapable de se fixer et de devenir l'épaule sur laquelle une femme peut se reposer. Un personnage touchant, quoi qu'il en soit, auquel Depardieu confère une force rare.

C’EST UN CHANTEUR ABANDONNE

Démultipliant littéralement la figure du triangle amoureux (au centre de ses deux précédents films), pour s’attacher un peu plus à ses deux personnages principaux, Xiavier Giannoli élabore son univers à partir de figures quasi géométriques qui s’entrecroisent. Cette fois, deux triangles, ordonnés autour de Marion et Alain - dont l’un rappelant bien entendu celui du Garçu (l’homme gravitant autour du couple formé par son ex-femme et son nouveau mari); Alain-Michèle-Daniel d’un côté, Alain-Marion-Bruno de l’autre. Autant de compositions possibles, de croisées et de rivalités évidentes, et Alain au milieu. Après deux films dédiés plus ou moins à l’adolescence (les personnages de Une aventure ne sont pas encore tout à fait des adultes), Gianolli s’intéresse cette fois à un personnage déjà dans la seconde moitié de sa vie. Une vie qu’il tente de réinventer autour des chansons par lesquelles il "fait danser toutes ces couleurs": "Je suis sûr qu’en regardant bien les danseurs sur une piste de danse, on en comprendrait d’avantage sur les mouvements du monde". Réplique aussi sublime que ridicule, que le cinéaste profère par la bouche de son acteur. Et dans ce monde, il y a Marion. Le plus beau personnage féminin à ce jour de Giannoli, une rencontre douce et intime, presque grotesque, entre un homme et une femme qui vont se tourner autour. Marion, le personnage par lequel le film déraille, sort de son train-train, de la ligne droite sur laquelle il était posé: "Sans elle, il n’y aurait pas de film. C’est elle qui arrache le film à la simple chronique. C’est elle qui donne le mouvement", explique le cinéaste. En trois films d’une grande cohérence, celui-ci s’impose désormais comme l’un des plus passionnants du cinéma français. La relève est en marche.

par Anthony Sitruk

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