La Piel que habito

La Piel que habito
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Piel que habito (La)
Espagne, 2010
De Pedro Almodovar
Scénario : Pedro Almodovar
Avec : Elena Anaya, Antonio Banderas, Marisa Paredes
Photo : José Luis Alcaine
Musique : Alberto Iglesias
Durée : 2h00
Sortie : 17/08/2011
Note FilmDeCulte : ***---
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Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau grâce à laquelle il aurait pu la sauver. Douze ans après le drame, il réussit à cultiver une peau qui est une véritable cuirasse contre toute agression. Outre les années de recherche et d’expérimentation, il faut aussi à Robert un cobaye, un complice et une absence totale de scrupules. Les scrupules ne l’ont jamais étouffé. Marilia, la femme qui s’est occupée de Robert depuis le jour où il est né, est la plus fidèle des complices. Quant au cobaye...

DANS MA CHAIR

Depuis maintenant une trentaine d’année, Pedro Almodovar filme les femmes dans tous les sens pour mieux parler des hommes, leur rôle, leur absence et toute la violence qui en découle. Qu’ils soient démissionnaires, inatteignables ou omniprésents, objets de crainte ou de désir, il est presque impossible d’échapper à leur ombre et leur pouvoir. Le personnage principal de La Peau que j’habite démiurge omnipotent (presque plus une allégorie de la manipulation qu’un vrai personnage) vient plus que jamais l’illustrer. Adapter le roman de Thierry Joncquet, écrit en grande partie à la deuxième personne du singulier, relevait d’une sacrée gageure : filmer un personnage principal dont, par écrit, on ne sait strictement rien avant la fin. Scénariste aguerri, Almodovar s’en tire parfaitement en étoffant le récit original tout en en traficotant la trame temporelle. Que le réalisateur espagnol souhaite adapter une œuvre policière avait de quoi surprendre (même s’il s’était déjà essayé au genre avec En chair et on os), et pourtant d’un matériau à priori complètement étranger à son univers (à un détail prêt, mais chut), il parvient à faire quelque chose de très personnel, de complètement almodovaresque.

Cela passe par plusieurs moyens, tous absents de l’œuvre originale. Tout d’abord un improbable mélange de tons, tel qu’on n’en avait plus vu chez lui depuis quinze ans, où le sérieux policier se mélange à une farce dingo à base de costumes d’animaux, de collection de godemichés, de castagne de bande dessinée, d’histoires de suicides racontées comme une berceuse au coin du feu. Cette scène en particulier témoigne d’ailleurs de la tendance du scénario à affubler chaque petit personnage d’un passé et d’une histoire tragique jusqu’à la caricature, à la fois pathétique et hilarante, ce qui contribue à donner au film son coté parfois hystérique. La direction d’acteur prend également un virage à 180 degrés par rapport à ses précédents films en s’éloignant parfois radicalement du réalisme, comme dans une scène où Marisa Paredes rejoue littéralement une scène marquante et clownesque de Rossy De Palma dans Kika. Les clins d’œil à la première partie de la carrière d’Almodovar et à son humour parfois potache sont aussi nombreux qu’inattendus dans un tel cadre. L’emploi d’Antonio Banderas, comédien fétiche du réalisateur à cette période, n’est pas anodin. Celui qui jouait des minets un peu gauches se retrouve ici en sosie de George Clooney, et vient confirmer par sa présence la parenté de La peau que j’habite avec les tragi-comédies échevelées qu’ils ont faites ensemble.

Almodovar n’a pas peur du ridicule, c’est évidemment une grande qualité artistique dont peu peuvent se vanter. Et surtout il n’a pas peur de le montrer, quitte à rendre son film parfois assez bancal. L’hystérie zinzin mélangée au sérieux de l’enquête laisse tantôt rigolard tantôt circonspect, avec au fond de la tête une petite question qui revient parfois: « le film fait-il vraiment exprès d’être drôle ? ». La réponse est évidemment dans la question, même si les pistes sont plus que brouillées. Tout sauf prévisible, c’est, parmi ses films récents, celui qui risque le plus de diviser, de glisser entre les doigts du public. Pas forcément une mauvaise nouvelle pour ceux qui craignait que le cinéaste commence à tourner en rond.

par Gregory Coutaut

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