Open Range

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Open Range
Open Range
États-Unis, 2003
De Kevin Costner
Scénario : Craig Storper
Avec : Abraham Benrubi, Kevin Costner, Robert Duvall, Diego Luna, James Russo
Musique : Michael Kamen
Durée : 2h20
Sortie : 25/02/2004
Note FilmDeCulte : ******

Nous tenons à informer le lecteur que le texte qui suit révèle certains aboutissements du film et qu'il peut donc en gâcher la vision. Cependant, les quelques révélations faites ci-dessous figurent déjà dans la bande-annonce du film, et ne constituent pas véritablement un effet de suspense

S’attachant à des notions d’honneur, de loyauté et de justice, quatre hommes convoient du bétail à travers l’Ouest sauvage. Leur arrivée à Harmonville provoque la colère du tyrannique Denton Baxter, qui a depuis longtemps main basse sur la ville et la plupart de ses habitants.

DES FUSILS ET DES HOMMES

Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin du film et son incroyable et surprenant gunfight. L’on avait bien trop rapidement catalogué Kevin Costner, du temps de Danse avec les loups, cinéaste contemplatif et statique délaissant de son propre aveu les mouvements de caméra pour les remplacer par des plans fixes agrémentés de rares panoramiques, abandonnant la mise en scènes des séquences d’action (l’attaque des bisons) au complice de toujours, Kevin Reynolds. La demi-heure finale du dernier film de l’acteur réalisateur, tournée et montée avec une rare fureur et une maestria totalement inédite, vient contredire de façon spectaculaire ce fait trop vite établi. Commençant de façon inattendue, le combat qui oppose les deux clans rivaux se poursuit dans toute une partie de la ville, et compte parmi ses actants une caméra impressionnante de mobilité qui se faufile dans chaque recoin du décors, tout en opérant systématiquement une parfaite gestion de l’espace. Les déflagrations s’enchaînent à toute allure, et se font ressentir jusque dans les sièges de la salle. N’ayons pas peur des mots, Open Range contient ce qui est sans doute le plus grand gunfight de l’histoire du western. Sentiment renforcé par ce qui constitue sans doute la plus belle idée du film (qui en contient pourtant des dizaines), cette présence entêtante du dialogue, de la conversation, qui amplifie une tension palpable, renforce le suspens, retarde le moment fatidique où les coups de feu se feront entendre. Jusqu’au dernier instant, le combat semble inéluctable. Mais Costner tente malgré tout le pari fou de rendre le dénouement aussi prévisible qu’aléatoire, par le biais de ces dialogues écrits et ciselés à la perfection, durant lesquels les personnages se découvrent, se dévoilent intimement, repoussant sans cesse une échéance qu’ils savent inévitable.

LE TEMPS DES SECRETS

Open Range est un film bavard, dans lequel les sentiments des personnages, leur intimité, leurs codes de l’honneur et de la loyauté, passent avant tout par le langage, par des échanges durant lesquels les protagonistes se mettent progressivement à nu. A ce titre, les dernières paroles de Costner et Duvall, quelques minutes avant l’affrontement final, sont symptomatiques d’une époque au cours de laquelle des hommes secrets pouvaient se côtoyer durant des années sans connaître le prénom de l’autre. Dans Open Range, le temps se dilate constamment, les acteurs débitent des lignes de dialogues pertinents explorant leurs états d’âme. Dans l’ouest décrit par Costner, il ne reste rien, l’honneur, l’honnêteté, n’ont presque plus court. Seul reste l’échange, qui couvre bien mal les secrets que chacun garde au plus profond de lui. Car paradoxalement, Open Range est aussi un film qui se découvre peu, dont les personnages gardent jusqu’au bout leur part de mystère, cet aspect fantomatique qui donne à l’œuvre l’apparence crépusculaire de certains westerns de Clint Eastwood (on pense automatiquement, dans les thèmes comme dans la forme, à Impitoyable). Filmés la plupart du temps en contre-plongée - constante chez le cinéaste -, ces héros aussi mythiques que désuets, derniers témoins d’un temps révolus, propagent la bonne parole dans un Ouest délabré. Et c’est de nouveau par le biais du dialogue qu’ils finissent pas se livrer totalement, comme en témoigne l’exemple émouvant de Charley Waite (impeccablement interprété par Costner) déclarant son amour à une femme tout en lui donnant les clés de son passé, la mettant en garde contre la violence de celui-ci, lui promettant de changer, le tout par des mots simples et touchants.

A L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU

Trois films en quatorze ans, trois westerns, trois visions de l’Amérique et de ses mythes. Si Costner réalisateur se fait attendre et prend son temps entre chacune de ses mises en scène, il a le mérite de construire une œuvre cohérente et homogène qui, soit dit en passant, est également conforme à certains films de sa carrière d’acteur (on pense à Wyatt Earp ou Un Monde parfait). Un Ouest qui contraste avec celui d’outre-tombe de Jim Jarmush, un Ouest dans lequel il reste quelques pionniers et certaines valeurs, que l’on qualifiera un peu vite de naïves. Les nombreux plans "canins" du film feront sans doute rire, mais la sincérité de Costner n’est plus à démontrer et ces quelques images d’un chien sur fond de soleil couchant passent finalement comme une lettre à la poste, comme témoignant d’un monde où l’Homme ne possède que peu de choses : un cheval, un chien, un code, la nature qui l’entoure (splendide photographie)… Autant de choses qu’il fera tout pour défendre, au péril même de sa vie, parce que "les temps changent" comme l’énonce Denton Baxter. "Un homme ne peut dire à un autre où il doit et ne doit pas aller dans ce pays". Tout le film est contenu dans ces quelques mots, dans cette vision d’un Ouest encore sauvage dans lequel l’espoir existe encore pour certains. C’est là sans doute que Costner se différencie des autres cinéastes récents du western, dans cette lueur qu’il laisse apparaître dans un film qui n’a rien de nihiliste. Même le sous estimé Postman, sous ses allures de western post-apocalyptique, conservait une certaine forme d’espoir candide, notamment dans son final légèrement niais. De niaiserie, il n’en est cependant pas question ici, et Open Range s’impose de très loin comme le plus beau western depuis l’oscarisé Impitoyable, et comme un petit chef d’œuvre. Un de plus à ajouter au crédit et à la carrière décidément étonnante de l’acteur réalisateur.

par Anthony Sitruk

En savoir plus

OPEN RANGE: LE DVD Le premier bonus, le making of,dure une heure… et il est trop court. Parce que le tournage d’Open Range n’est pas un tournage tout à fait comme les autres: budget riquiqui pour un film de cette ampleur, crise d’appendicite de Kevin Costner pendant le tournage, construction complète de toute une ville pour le décor… Et surtout un avant-propos du making of sidérant par un Kevin Costner désabusé lors duquel il explique qu’il "a été victime d’un sociopathe" qui lui aurait promis la lune et qui ne lui a apporté que des espoirs pour le laisser la queue entre les jambes. Ce court passage nous met l’eau à la bouche sans tenir ses promesses puisqu’il n’en sera plus question ensuite. Est-ce dû au formatage des making of qui ne doivent pas dépasser une heure? De même, une partie trop courte est consacrée à la façon dont les décorateurs ont dû créer un cours d’eau pour le moment où la grande rue de la ville se transforme en rivière. Tout cela passionnera le néophyte mais, malheureusement, risquera de frustrer les personnes qui souhaitent aller au bout des sujets susmentionnés. D’autre part, on regrettera le manque de soin apporté à la traduction en français et à un sous-titrage parfois approximatif.

Second bonus, Le véritable Open Range est un documentaire d’une dizaine de minutes où la voix de Kevin Costner et d’autres commentent des photos de la fin du XIXème siècle. Par sa durée et sa densité, ce film vient renforcer le propos et la force du film, un complément historique surprenant, notamment quand le commentaire s’illustre de passages du journal que Théodore Roosevelt tenait quand il était vacher, vingt ans avant de devenir le 26ème Président des Etats-Unis.

Les scènes inédites sont nombreuses et la plupart est présentée par Kevin Costner himself qui y va de son petit grain de sel et qui ne peut pas tout à fait réprimer sa rancune d’avoir eu à couper certaines scènes. Le couplet "vive le DVD qui permet d’inclure les scènes coupées" revient à plusieurs reprises. L’ironie de la chose est que, finalement, ce n’est pas plus mal qu’elles aient été coupées, ces scènes. Avec un film déjà relativement verbeux (relativement parce que oui, il l’est mais ça ne dérange aucunement le film, c’en est même un de ses bons points), les scènes coupées auraient soit été redondantes avec d’autres, soit allongé des scènes parfaites en soi. Le plus grand intérêt vient donc de la présentation par Costner de ces scènes, parce qu’il nous fait sentir à quel point ce film lui tient à cœur.

Le story-board est un petit film très court où le story-boarder du film présente son travail, qu’il a accompli au moyen d’un logiciel qui lui a permis de mettre directement en scène ses dessins. Mouvements sur les dessins, accompagnement par la musique, ce logiciel est stupéfiant et donne à voir le film de façon extrême précise avant même que la première image ne soit tournée. Là encore, la durée et le côté "droit au but" du film donnent une dynamique qui en rend la vision passionnante.

Un clip: la bizarrerie des bonus, l'un de ces collages d’images éculées sur fond sonore indigeste. Il faut être fan à 200% du film pour apprécier!

Vu en parallèle, la bande annonce en VF et la bande annonce en VO montrent bien que le spectateur français n’est pas appâté de la même façon que le spectateur américain. Déjà, les durées sont sensiblement différentes (1min40 pour la VF contre 2min30 pour la VO) mais surtout, il est impressionnant de constater que les bandes-annonces étant ce qu’elles sont aujourd’hui, une bouillie d’images qui doit aller toujours plus vite, aucune des deux bandes-annonces ne reflète en rien le film, incompris par ceux qui étaient chargés de le vendre. Dès lors, ces bandes-annonces peuvent, en grande partie, expliquer le flop qu’a fait ce film tout à fait réussi. Michaël BIEZIN

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