Napoléon

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Napoléon
États-Unis, 2023
De Ridley Scott
Scénario : David Scarpa
Avec : Vanessa Kirby, Joaquin Phoenix, Tahar Rahim
Photo : Dariusz Wolski
Musique : Martin Phipps
Durée : 2h37
Sortie : 22/11/2023
Note FilmDeCulte : ****--
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La conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie.

OSER JOSEPHINE

Bêtement suspicieux face au projet, des plaisantins se croyant politisés avaient détourné l’affiche du film, remplaçant le slogan "Il est parti de rien, il a tout conquis" par "Il est parti de rien, il a massacré x personnes". Comme si un anglais, même aussi retors que Ridley Scott, allait signer une hagiographie de Napoléon… A la vue du film, il est évident que la figure de l'empereur, et notamment l'image qui en a été construite à travers les siècles, intéresse particulièrement le cinéaste mais c'est justement dans la confrontation entre le mythe public et la personne dans l'intimité que réside le cœur du projet de Scott.

A propos des libertés prises par ses scénarios inspirés de faits réels, Aaron Sorkin expliquait qu'un film n'était "pas une photographie mais un tableau". Il ne s'agit pas de rendre état de la réalité mais d'une vérité. Tout au long de sa filmographie, Ridley Scott a régulièrement tiré son inspiration de célèbres peintures, et ce dès son premier long métrage, Les Duellistes, dont le dernier plan faisait justement référence à la toile Napoléon Bonaparte de Benjamin Robert Haydon. S'attaquant cette fois-ci frontalement au personnage, Scott surenchérit en rejouant Bonaparte devant le Sphinx de Jean-Louis Gérôme mais paraît appliquer la définition de Sorkin en osant porter à l'écran non pas nécessairement la réalité historique des batailles de Napoléon mais les textes apocryphes. En voyant les images de boulets de canons français explosant la glace sous les pieds des fantassins à Austerlitz, les historiens ont levé les boucliers. Et Scott, 85 ans, leur a répondu "Get a life". Mais derrière la bougonnerie blasée du boomer il y a, outre la liberté de l'artiste, la volonté délibérée "d'imprimer la légende" pour mieux la subvertir au travers de toutes les autres scènes du film, qui ne se déroulent pas sur les champs de batailles mais demeurent le théâtre d’une guerre, entre Bonaparte et son épouse Joséphine.

Aussi grand que puisse être le général dans ses faits d'armes et ses incontestables victoires, Scott le montre comme un homme tout petit - et non pas en stature pour une fois - dans tout ce qu'il a de plus veule (sa panique lors de l'assaut à Toulon, sa fuite lors de la tentative du coup d'état) et soumis, à ses plus bas instincts mais parfois également à sa femme. Leur couple, complexe à tendance toxique, constitue à n'en pas douter ce que le film propose de plus intéressant, tranchant avec les canevas de maîtres ayant immortalisé le personnage historique, pour peindre le portrait d'un ado mal dégrossi, parfois encore dans les jupons de sa mère corse.

Il est donc regrettable que cette relation semble pâtir des coupes nécessaires (?) à une exploitation du film en salles, Scott ayant déjà annoncé la venue d'un Director's Cut, et pas une simple version plus longue d'une quinzaine de vaniteuses minutes comme pour la plupart de ses films, mais une épopée de plus de quatre heures (contre 2h37 pour la version cinéma). Quand on sait les modifications profondes que 45 minutes supplémentaires apportaient à Kingdom of Heaven, on ne peut négliger ce que cette durée autrement plus expansive permettrait de développer pour ce Napoléon dont certaines ellipses se font un peu maladroites (le passage au sacre notamment).

En l'état, le film demeure tout de même fort, dans son dégommage en règle de l'aristocratie, caricaturée comme à son habitude par Scott (et c'est souvent drôle), dans la violence de la Révolution et ses conséquences (on ne repensera plus jamais à Marie-Antoinette ou Robespierre de la même manière), dans la puissance des batailles (Austerlitz et même la Bérézina comme livres d'images indélébiles) et dans cette romance, parfois vécue mais souvent épistolaire, entre deux forces qui s'aiment vraisemblablement mais ne peuvent être ensemble, la mort de l'une entraînant la défaite de l'autre.

par Robert Hospyan

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