Monsterman

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Monsterman
Monsterimies
Finlande, 2014
De Antti Haase
Durée : 1h25
Note FilmDeCulte : ****--
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La lutte quotidienne de Mr Lordi, leader du groupe de metal finlandais Lordi qui a gagné le concours de l'Eurovision 2006, pour retrouver le devant de la scène.

IT'S THE AROCKALYPSE, NOW BARE YOUR SOUL

Même ceux qui n'ont jamais suivi le concours de l'Eurovision en ont entendu parler en 2006 : la Finlande a été sacrée en envoyant un groupe de métal, Lordi, dont les membres sont grimés en monstres de films d'horreur. Un candidat qui tranchait avec ceux, par exemple, de la France et de l'inhérente ringardise des choix de France Télévision (le même soir, le candidat français était une coiffeuse castée chez Pascal Sevran – ne vous demandez pas pourquoi la France n'a plus gagné depuis des siècles). Mais même au sein du concours qui peut être très ouvert et progressiste (comme l'ont prouvé les victoires de Dana International, transsexuelle israélienne, ou Conchita Wurst, crossdresser venue d'Autriche), Lordi faisait office de chien dans un jeu de quilles. Cela aurait déjà pu faire l'objet d'un documentaire, mais Monsterman (en référence à l'un des tubes du groupe) va plus loin en faisant le portrait du leader, Mr Lordi, et met celui-ci à nu.

Car avant l'Eurovision, Lordi existait déjà et la passion du chanteur pour la musique et l'horreur ne date pas d'hier. Le film s'ouvre par des images de Mr Lordi (de son vrai nom Tomi Putaansuu) enfant et démasqué (ce sont les seuls moment du documentaire où l'on verra son visage), avec ses dessins (pas vraiment des Bambi gambadant dans la nature finlandaise) et ses premiers essais de maquillages. Monsterman raconte l'histoire de l'outsider absolu : le gamin qui se distingue de la masse et à qui on le fera payer, le monstre dans une industrie musicale dédiée aux mannequins faisant du karaoké, la rock star à grande échelle venue d'un patelin proche du cercle polaire, le chanteur de hard rock FM 80s alors que les années 80 sont révolues, le gagnant de l'Eurovision avec un morceau qui ne ressemble à aucun autre gagnant, et enfin l'artiste qui flirte avec le has-beenat et dont les ventes aujourd'hui se sont étiolées.

C'est là que Monsterman dépasse le cadre du bonus dvd pour fan de Lordi et/ou de l'Eurovision. Au glorieux grotesque des masques de monstres succède le grotesque plus pathétique des compromis : un pauvre concert pour des touristes russes qui prêtent à peine attention à ce qui se passe sur scène, un passage contre-nature dans une télé réalité musicale. Les créatures surnaturelles, déjà pas spécialement mainstream, sont face à la réalité d'un marché en crise : ventes en chute, dettes qui s'accumulent. Cette honnêteté a quelque chose d'à la fois attachant (Mr Lordi fumant sa pipe et qui ne se résout pas à raccrocher ; sa mère, mamie finlandaise fan des ritournelles satanico-rock de son fils et qui se balance sur son rocking-chair) et universelle dans sa peinture d'un rise & fall & rise & fall rock. Un membre quitte le groupe, un autre meurt tragiquement. C'est dans sa peinture pour le coup littérale de monstres fatigués que le film est le plus réussi. Lorsque le masque du batteur disparu pend, accroché au mur, et que les monstres ne sont plus drôles. Monsterman n'est pas non plus une tragédie et manie un sens de la lose assez scandinave - et même assez finlandais. Et il y a quelque chose de foncièrement ludique et lunaire dans le parcours de ce grand garçon devenu le monstre de ses rêves envers et contre tous, le même qui gamin bricolait son masque d'ET en papier et qui ado tournait ses films d'horreur amateurs dans un coin du salon.

par Nicolas Bardot

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