Festival de Gérardmer: Métamorphoses

Festival de Gérardmer: Métamorphoses
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Métamorphoses
France, 2014
De Shanti Masud
Avec : Nicolas Maury, Clémence Poesy
Durée : 1h00
Note FilmDeCulte : *****-
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Métamorphoses est une expérimentation de cinéma, une transfiguration vers les arts plastiques. Point de départ : le visage, partie du corps humain, espace-temps synthèse des émotions. Visage-écran, média de l’intime et d'un possible spectaculaire, on peut y voir l'évolution de sentiments, on peut y lire une odyssée. De la mélancolie douce à la pulsion rageuse, de l'éclosion à la disparition, de la naissance à l’exultation.

HUMANS AFTER ALL

Voila un film fort singulier avec un pied dans le cinéma de fiction et l'autre dans l'art vidéo. Huit histoires, huit courts métrages à la fois similaires et indépendants. À chaque fois un jeune comédien, homme ou femme, filmé en plan serré, racontant son histoire a travers un monologue-poème joué face à la caméra. Derrière eux, des images du cosmos en mouvement. À chaque personnage son histoire, a chaque histoire correspond un élément astral (trou noir, météorite, aurore boréale...) et une créature mythologie (vampire, sirène ou licorne). Au fil de ces récits à la première personne se construisent les identités de ceux que nous voyons. Les masques tombent à mesure que les contours des personnalités se précisent, les visages des acteurs se transforment au fil de l'évolution de leur discours, leur humanité laisse peu à peu place à leur autre nature à travers maquillages et effets numériques mouvants.

Le résultat vaut bien mieux qu'une improbable version arty et améliorée des vidéos d'Atmosfear. La musique planante d'Ulysse Klotz (dont on avait déjà repéré les compositions dans L'Âge atomique) et les images fascinantes de cieux en mouvement créent une ambiance hypnotique rare. La prouesse du film est justement de parvenir à jouer la carte de la pure artificialité assumée (celle des effets spéciaux, des maquillages flagrants et des fonds verts que l'on devine derrière chaque acteur), et en même temps de parvenir à rendre le résultat particulièrement vivant et humain. Émouvant même. L'attention totale donnée aux textes et surtout aux visages des acteurs met en valeur les performances parfois incroyables (le monologue morbide et amoureux de Nicolas Maury crève l'écran par son intensité), dont l'intensité se retrouve parfois décuplée par un écrin à la fois aussi ambitieux que faussement simple.

Il serait trop facile de ranger illico le film sur l'étagère un peu fourre tout de l'art vidéo, et de nier son appartenance au cinéma. Métamorphoses est un vrai film de fictions, au pluriel, avec de personnages beaucoup plus riches et bouleversants que dans bien des fictions de genre plus classiques. C'est également une approche fine de la dimension fantastique, car celle-ci n'est jamais extérieure aux personnages, elle n'est jamais quelque chose qui leur tombe dessus, elle est au contraire une part même de leur identité, au même titre que leur humanité. Avons-nous vu des créatures merveilleuses s'adresser à nous, ou bien étaient-ils simplement des êtres humains? En refusant de trancher et en nourrissant le flou de cette frontière, Métamorphoses ouvre grand la porte d'une autre dimension, intérieure et passionnante. Le film méritait tout à fait sa place dans une sélection de cinéma, et surtout de cinéma fantastique. Il fallait un festival aussi ouvert que Gérardmer pour programmer une œuvre aussi hybride et audacieuse.

par Gregory Coutaut

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