Match Point

Match Point
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Match Point
États-Unis, 2005
De Woody Allen
Scénario : Woody Allen
Avec : Brian Cox, Matthew Goode, Scarlett Johansson, Emily Mortimer, Jonathan Rhys Meyers, Penelope Wilton
Photo : Remi Adefarasin
Musique : Georges Bizet, Giuseppe Verdi
Durée : 2h03
Sortie : 26/10/2005
Note FilmDeCulte : *****-
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Ambitieux mais d’origine modeste, Chris Wilton donne des cours de tennis à de riches héritiers. Il sympathise avec l’un d’entre eux, Tom Hewett, qui l’invite à côtoyer la bourgeoisie londonienne. Chris se laisse séduire par la sœur de Tom, Chloé, mais une rencontre inattendue va bouleverser ses plans de carrière. Elle est américaine, actrice, s’appelle Nola Rice, et n’est autre que la fiancée de Tom

Match Point - Trailerenvoyé par Malarkey. - Regardez des web séries et des films.

VIEILLE CANAILLE

Melinda et Melinda hésitait entre le chaud et le froid, la bonne humeur folâtre et la satire morose, avant de se résigner à un compromis pâteux, une invraisemblable ratatouille de mauvaises contrepèteries et d’échanges paresseux. Match Point questionne aussi le hasard et la chance mais ouvre une parenthèse inédite. Woody Allen, 70 ans, s’est imposé un régime sec d’une diabolique efficacité, en misant sur l’inconnu: une nouvelle terre d’élection (Londres remplace Manhattan), du sang neuf (l’Irlandais Jonathan Rhys-Meyers et l’Américaine Scarlett Johansson) et une désinvolture résolument cynique, qui trouve peu d’équivalents dans les œuvres de la dernière décennie. L’ironie pincée du patient hypocondriaque et brebis complexée de la psychanalyse s’est estompée et semble loin. Dans Match Point, Allen est aliéné, le héros est comme orphelin, seul face à ses choix, ses crises somnambules et ses pulsions meurtrières. Son ascension n’est freinée que par des mains cadavériques et des éclairs de culpabilité. La vraie famille, les vrais amis sont réduits à une ligne de dialogue décorative, Chris Wilton ne connaît ici que sa famille d’adoption, qui l’emprisonne et le musèle d’entrée. Absent à l’écran, Woody Allen confie le premier rôle à un étranger qui ne lui ressemble en rien physiquement et ne cherche jamais à singer sa gestuelle saccadée. Le discret Jonathan Rhys-Meyers (Velvet Goldmine, Alexandre) se distingue d’un Will Ferrell ou d’un Kenneth Branagh, utilise à bon escient cette liberté retrouvée et livre l’une de ses meilleures prestations, suave et cruelle. Le loup dans les habits de l’agneau: le gentleman bien sous tous rapports, gendre idéal et cadre idéalement formaté est la première réussite de Match Point.

LE LOUP DANS LA BERGERIE

Woody Allen revivifie non seulement son éloquence new-yorkaise, il en dérègle les sinuosités musicales. Les improvisations de jazz disparaissent au profit du chant éploré des cantatrices. Les airs d’opéra anticipent les desseins honteux, couvrent les appels au secours et légitiment un monde de mensonges tacites et d’artifices clinquants. La trame de Match Point, recette ancestrale d’une remarquable maîtrise, relève de la vigilance mathématique. Partagé entre deux femmes aux tempéraments diamétralement opposés, un jeune homme arriviste se heurte à une cascade de dilemmes: la fièvre post-adolescente ou le mariage de raison, l’avenir précaire ou la carrière infaillible, la liberté ou le renoncement? La première idylle est une réminiscence fauchée du glamour hollywoodien. Nola (Scarlett Johansson) est blonde et charnelle, mais pauvre et sans talent. La seconde (Emily Mortimer) partage la fadeur et la transparence d’une société ronronnante et fière de son aisance. Chloé est brune et faussement ingénue, une empotée au destin solaire. Woody Allen se plaît à décortiquer les méthodes d’infiltration de Chris, ses leçons de séduction et de savoir-vivre. Le professeur de tennis montre l’exemple, assène le premier coup, ravit les demoiselles, paie modestement sa part, mais finit par se laisser acheter. Dans Match Point, tout est à vendre. Chloé achète l’amour de Chris, en lui offrant, clés en mains, l’héritage de son père. Le mariage est expéditif et l’exigence d’une grossesse rapide scelle leur union suspecte. Figé dans l’or et le velours, leur amour embaumé est exhibé telle une œuvre d’art à la Tate Gallery… qu’ils visitent séparément.

LES LOIS DE L’ATTRACTION

Au cœur de la toile sentimentale: une âpre lutte des classes, une galeriste qui se délecte des tourments de La Traviata pendant qu’une actrice ratée vit le calvaire d’une liaison adultérine. Compétiteur dans l’âme, Chris révise ses classiques pour charmer son auditoire (Crimes et châtiments de Dostoïevski), mais son alter ego féminin lui échappe obstinément. Incapable de tricher avec ses émotions, Nola abat trop tôt ses cartes. Etrangère à tout simulacre, la jeune femme n’échoue pas par hasard à tous ses castings. Dès lors qu’elle refuse le jeu (le cache-cache épineux, la complicité libertine), elle quitte la ronde fantasque et doit se satisfaire d’un rôle accessoire, une peau de chagrin fragile et déjà effilochée. Match Point progresse par à-coups, délimite les univers antinomiques et resserre l’espace de survie. Woody Allen s’invite des deux côtés du filet, compartimente, quadrille, fractionne jusqu'à épuiser l'imagination du joueur. Le va-et-vient permanent entre la serre aveuglante qui sert d'appartement à Chris et le petit capharnäum de Nola tourne à l'avantage du mastodonte. Les deux réalités ne peuvent coexister. La pénible ascension sociale contre la passion orageuse, le repos lugubre contre la frénésie sexuelle. Match Point est affaire de séduction, de gangrène et de réveil sismique. Les trois temps, houleux et riches en mésaventures domestiques, sont déclinés avec une effarante limpidité. Woody Allen réunit l'orchestre et les amants déchus, les choeurs assourdissants et le coeur haletant. Avant que le rideau ne tombe, avant que la balle ne touche terre, le maître ressuscité et la muse apprivoisée subjuguent.

par Danielle Chou

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