La La Land

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La La Land
États-Unis, 2016
De Damien Chazelle
Scénario : Damien Chazelle
Avec : Ryan Gosling, J.K. Simmons, Emma Stone
Photo : Linus Sandgren
Durée : 2h08
Sortie : 25/01/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent… Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ?

ALL THAT JAZZ

La La Land n'invente rien. Ses influences sont ouvertement affichées, de Jacques Demy à Chantons sous la pluie jusqu'à cette idée finale qui reprend directement celle d'Un Américain à Paris, mais c'est dans le rapport presque métanarratif avec ces films et avec le genre que Damien Chazelle incarne son film. De son titre, surnom de Los Angeles mais aussi expression désignant un pays imaginaire, à ses références, qu'elles soient citées ou digérées, La La Land est autant une ode sincère à l'usine à rêves qu'une révélation de sa nature illusoire. Un feel good de façade qui cache une mise en abyme dévastatrice sur la réalité de la créativité et de la romance.

En premier lieu, il y a la démarche d'adopter la mise en scène de jadis - un Scope Technicolor où les numéros musicaux (et même le reste) sont filmés en plan-séquence (parfois "invisible") cadrant les acteurs de la tête aux pieds pour mieux montrer la chorégraphie - mais sur un film contemporain, multipliant par conséquent les décrochages de façon délibérée. Ainsi le tout premier numéro s'improvise en plein milieu d'un paysage typiquement californien et anti-glamour au possible : l'embouteillage. Et après cette chanson tout droit sortie de l'âge d'or de la comédie musicale, on enchaîne sur...du A-ha et du Flock of Seagulls. De la même manière, un numéro de claquettes sera interrompu plus tard par la sonnerie reconnaissable entre mille d'un iPhone.

Dès le départ donc, Chazelle ne cesse d'opposer l'imagerie classique au réel des millenials et ce qui peut sembler être un simple choix illustratif ludique dans son contraste s'avère la première pierre d'une entreprise qui porte en elles les germes de son inévitable conclusion. Le premier rancard prend pour décor...des décors de studio. Factices. Nos deux tourtereaux en devenir passent même devant le tournage d'une scène dont les acteurs, enlacés lors de la prise, se mettent à s'engueuler dès que le réalisateur crie "Coupez". Lorsqu'ils se retrouvent plus tard, dans une salle de cinéma, elle monte sur l'estrade pour voir où il est assis dans la salle et il ne la voit que parce que le film est projeté sur elle, comme si elle était dans le film. Leur relation est bâtie au travers de l'artifice cinématographique, comme si ces deux aspirants artistes se la rêvaient au travers de leurs références. Ce faisant, les plans-séquences, même en dehors des chansons, se justifient d'ailleurs complètement. La forme épouse le fond, faisant de chaque instant, même les "interludes" donc, la scène d'une danse entre les protagonistes mais également avec les spectateurs, portés par la caméra constamment mobile, valsant avec les personnages. Chazelle nous invite à croire en leur romance, à croire à l'illusion.

En réalité, le cinéaste travaille les mêmes thématiques que dans Whiplash, notamment la difficulté de réconcilier l'accomplissement de ses rêves avec l'épanouissement sentimental. On retrouve d'ailleurs le même genre de facilités scénaristiques expéditives dès qu'il s'agit de montrer les problèmes de couple, les clichés prenant quelque peu le pas sur la crédibilité. Toutefois, ce raccourci s'inscrit dans l'approche iconique du film et si l'écriture reste quelque peu "adolescente" dans la peinture des aspects les plus complexes du couple, l'oeuvre apparaît plus mature que la précédente in fine. Tout d'abord parce que Chazelle est moins énervé - lorsqu'il évoque la solitude de l'artiste, c'est avec mélancolie et non plus avec rage - mais aussi parce que les dernières minutes viennent attester de l'erreur de son fatalisme d'autrefois. Autrement plus audacieux que Whiplash, dans ses niveaux de lecture, dans sa mise en scène, et porté par le charme de ses deux comédiens, malgré leurs faibles voix, La La Land brille. De mille feux.

par Robert Hospyan

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